CECI dit

UE et énergie, quelle politique ?

En matière d’énergie, l’Union Européenne cherche encore sa politique industrielle et prend le risque que son Green Deal soit made in China ou in USA

Depuis 2021, l’Europe est confrontée à une crise des prix de l’énergie sans précédent.
Les raisons sont structurelles, avec entre autres l’organisation fondamentalement libérale du marché de l’énergie, appelé Market Design, la sortie allemande du nucléaire et son corollaire, la dépendance au gaz russe.
Elles sont aussi conjoncturelles : la reprise post-COVID, avec des prix de l’électricité et du gaz qui ont flambé sur les marchés européens et qui atteignent des niveaux insupportables tant pour les entreprises que pour les citoyens. La crise russo-ukrainienne n’a fait qu’aggraver la crise, en doublant cette crise des prix par un risque de pénurie du fait des tensions croissantes sur la sécurité des approvisionnements énergétiques de l’Europe.

Dans nombre de capitales européennes, l’urgence a conduit à prendre des mesures de boucliers tarifaires aussi protecteurs que bienvenus, et de mécanismes de soutien financier aux entreprises, mais souvent en ordre dispersé au risque de créer de véritables distorsions de concurrence entre les différentes économies européennes. Le plan allemand de soutien à l’économie de 200 milliards d’euros en est la parfaite illustration.

Mais si cette crise devait durer, malgré l’accalmie connue début 2023, les États auraient alors bien du mal à perpétuer ces dispositifs au regard de leur coût pour les finances publiques. Au risque de ne plus pouvoir éviter la débâcle industrielle qui résulterait d’un écart durable de compétitivité énergétique entre l’Europe et le reste du monde, car ce n’est qu’en Europe que les prix de l’énergie ont à ce point flambé. Ce sont alors les délocalisations des industries, en particulier les « énergo-intensives », qui pourraient s’emballer. Une catastrophe industrielle doublée d’une crise sociale… sans oublier l’abandon de souveraineté économique.

Le directeur général de l’Agence Internationale de l’Énergie a d’ailleurs déjà exprimé son inquiétude sur l’hiver prochain qui pourrait être encore plus compliqué que le précédent en matière de sécurité des approvisionnements énergétiques de l’Europe.

Il y a donc urgence à aller au-delà des mesures de circonstance et à revoir de fond en comble le marché européen de l’énergie.

La Présidente de la Commission européenne l’a reconnu elle-même. Le marché dysfonctionne et il faut le réparer, quitte à remettre en question trente années de dogmes libéraux à Bruxelles, mais les résistances sont nombreuses, dans les services de la Commission comme dans quelques pays qui ne jurent que par le libre-échange. Rappelons que le marché guidé par la seule concurrence libre et non faussée n’est pas une fin en soi, et dans le secteur de l’énergie, une application plus que rigoriste de la loi du marché peut nous faire passer à côté de l’essentiel, à savoir construire une vision de long terme qui assure la sécurité des approvisionnements et la neutralité carbone.

C’est bien là l’enjeu des prochains mois : réorienter la construction européenne de l’énergie pour quitter le dogme du marché et revenir aux priorités de toute politique énergétique, en tenant compte notamment qu’avec la digitalisation de nos économies et de nos sociétés l’électricité est plus que jamais un bien essentiel relevant de l’intérêt général. Car il en va de l’avenir de l‘industrie européenne et de la prospérité économique du continent.

L’ambition climatique, qui est vitale, ne peut pas faire l’impasse sur la question de la sécurité énergétique. La sécurité énergétique de l’Europe sera probablement et logiquement un des sujets à venir des élections européennes du printemps 2024. Mais à en croire les annonces faites par la Commission le 14 mars dernier, la réforme du marché de l’énergie risque d’accoucher d’une souris… et encore, puisque certains États-Membres se réfugient derrière l’accalmie actuelle sur les marchés de l’énergie pour tenter de réduire la réforme à sa portion congrue.

Certes, la Commission européenne a publié ce printemps le Net Zero Industry Act ou NZIA comme réponse au plan américain appelé IRA ou Inflation Reduction Act, qui ne vise à rien moins que faire du protectionnisme vert. Favoriser l’industrie européenne des énergies renouvelables, y compris gazières, face à ce protectionnisme vert américain, cela va dans le bon sens. D’autant plus, serait-on tenté de dire, qu’Outre-Atlantique, le terme vert englobe de nombreuses technologies bas carbone, dont le nucléaire, puisque l’IRA subventionnera une large palette d’investissements nucléaires.

Oui, le NZIA va dans le bon sens. Mais en Europe, l’idéologie verte continue de régner en maître à Bruxelles : le NZIA évoque le nucléaire du bout des lèvres, et la Présidente de la Commission n’a pas hésité à dire que le nucléaire n’était pas stratégique en Europe. Elle semble avoir la mémoire courte puisque le traité Euratom, un des traités fondateurs de l’Union, stipule que l’UE doit favoriser les investissements nucléaires. Pire, en agissant ainsi, la Commission ouvre un boulevard à l’industrie nucléaire américaine pour conquérir les marchés des pays d’Europe centrale et orientale. Nombre de ces pays, impatients de construire, agrandir ou renouveler leurs parcs nucléaires, cherchent en effet un partenaire sur lequel ils peuvent compter dans la durée pour les aider technologiquement et financièrement. Certains, dont les Polonais, savent pouvoir compter sur leurs alliés américains. D’autres, comme les Hongrois, savent devoir compter sur leurs anciens maîtres russes, restés très présents dans le domaine énergétique.

Au-delà du nucléaire, ne perdons pas de vue que c’est aussi le GNL américain qui inonde le continent européen depuis plus d’un an.

Alors, que fait l’Europe, pendant que l’aigle américain et l’ours russe se disputent l’est de notre continent ? Eh bien, l’Europe choisit de regarder ailleurs. Dans sa fuite en avant vers les énergies vertes, y compris renouvelables intermittentes, considérées à Bruxelles comme la seule solution climatique acceptable, elle prend le risque de se laisser enfermer dans une dépendance à la Chine, qui maîtrise nombre de technologies vertes, solaire et véhicules électriques en tête, et exporte vers l’Europe de plus en plus de composants et équipements de celles-ci. Si la Commission faisait dès 2000 de la diversification des approvisionnements le cœur de sa stratégie, elle a très vite oublié ses propres recommandations….

Est-ce bien ça, une politique industrielle ambitieuse, la sécurité énergétique et l’autonomie stratégique européennes ? Et la course à l’exemplarité pour une forme de fondamentalisme vert que certains poussent à Bruxelles est-elle compatible avec l’impératif d’une stratégie de puissance industrielle ? Le débat est ouvert en amont des élections européennes… pour éviter que le Green Deal cher à la présidente de la Commission ne soit made in China ou in USA !

Publié par Alexandre Grillat dans Alexandre Grillat, CECI dit, 0 commentaire

L’Europe : des impossibles dépassés

Notre époque si friande de célébrations et commémorations en tous genres a largement passé sous silence un anniversaire particulier en ce début d’année : celui des 30 ans du grand marché intérieur unique, selon l’expression – dû à une idée déjà ancienne de Paul-Henri Spaak – qui désignait la marche enfin accélérée vers une suppression des frontières intérieures et l’établissement d’un véritable « marché commun », alors même qu’on commençait à ne plus utiliser l’expression, si courante dans les années 1960.

Il faut de fait se replonger dans les hantises de l’époque, en particulier dans les régions frontalières, pour retrouver les transes et les outrances de cette notion de « grand marché », qui procédait simplement d’une notion de base de l’économie : la taille du marché détermine la rentabilité des investissements.
Or l’Europe, qui s’appelait encore Communauté Économique Européenne, restait fragmentée par bien des survivances de jadis, quand les frontières étaient bornées par contraint et les douaniers par définition. Un rapport célèbre, dû notamment à Michel Albert, connut ainsi un écho fracassant dans les enceintes diplomatiques et parlementaires, alors même qu’on se battait contre une montée inexorable du chômage et une apnée non moins inexorable des industries lourdes, dans un contexte de hausse du prix et d’incertitudes sur l’approvisionnement en énergie, pétrolière notamment : déjà !

Dénoncée par les uns comme une inexorable et coupable fuite en avant, saluée par les autres comme une avancée vers une économique stimulée par le marché, source de tous les biens (si c’était vrai, ça se saurait !), l’émergence du marché unique provoqua des traumatismes profonds dans les zones frontalières, avec la quasi-disparition des agences et des déclarants en douane.
Elle n’eut pas que cet aspect négatif, pour le moins inévitable : le rapport présenté au Parlement européen, et décliné ensuite dans chacun des pays, révélait que rien que pour le temps d’attente aux frontières intérieures, les paperasses, souvent en doublon, les blocages du vendredi soir au lundi matin, cette fragmentation prolongée du marché intérieur des Douze de l’époque représentait un manque à gagner équivalant au budget européen de l’époque, soit environ 120 milliards d’écus, la devise communautaire de l’époque.

Bien entendu, lorsque les barrières écriées s’estompèrent, les écus ne se mirent pas à jaillir du sol comme source miraculeuse, et les économies d’échelle furent vite absorbées par une productivité accrue et une compétitivité meilleure. Et il est bien connu que dans une telle évolution, seuls les perdants excellent à se placer au pied du Mur des Lamentations. Ceux qui ont atteint la Terre Promise de la veille se gardent bien pour leur part de le crier sur les toits. Et puis, un progrès en appelle un autre, et celui-là ne tarda pas à germer, ce fut l’euro !

Depuis lors, d’amélioration en simplification, la dimension intérieure du marché unique est un support de premier ordre pour les entreprises, et un tremplin pour celles qui veulent et peuvent se hisser sur le marché mondial, lui aussi révolutionné par les accords de l‘OMC en 1992, eux-mêmes présentés comme cataclysmiques et qui, aujourd’hui, connaissent leur 2e ou 3e génération, cette fois sur une base bilatérale Union-Nouvelle Zélande récemment, ou Union-Canada, ou encore Union- Afrique du sud, pour ne citer que certaines négociations en cours ou en gestation.
Et le simple fait que ces pourparlers et ces accords se déroulent sans provoquer les manifestations spontanées des années 1992 montre bien que là encore, on a intégré cette dimension et oublié cette dissension. Jusqu’à ne plus utiliser comme exutoire le mot « mondialisation », qui résumait et nourrissait toutes les hantises des uns, toutes les fainéantises des autres. Aujourd’hui, on l’a bien compris, même si c’est avec résignation : la mondialisation est une chance.
La catastrophe, ce serait une mondialisation sans règle du jeu. Comme un match de football sans arbitre ! Dans un monde qui évolue toujours, malgré les crises et parfois grâce à elles, le constat est facile à faire et résonne comme une évidence : l’Europe n’est faite que d’impossibles dépassés : à méditer face aux défis du futur immédiat, aux dépits d’un passé récent, aux espoirs à terme proche !
Car sans défi, ii n’y a pas de mérite ni d’espoir !

Publié par Philippe Tabary dans CECI dit, Les contributeurs, Philippe Tabary, 0 commentaire

Europawahl 2024 – so fern und doch so nah

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Im Frühsommer 2024 wird die nächste Europawahl stattfinden und auch wenn das noch weit entfernt zu sein scheint, laufen die ersten politischen Manöver schon, um danach die Mehrheit im Parlament zu erreichen und auszubauen und darauf aufbauend die Präsidentschaft der EU-Kommission zu erreichen. Manfred Weber, der bei der letzten Wahl siegreiche, aber von Ursula von der Leyen ausgebootete Spitzenkandidat der Europäischen Volkspartei ist dabei besonders aktiv.

Zum einen hat er seine eigene Position gestärkt, weil er neben dem Vorsitz der Fraktion jetzt auch den Vorsitz der Europäischen Volkspartei übernommen hat. Auch wenn dieser Posten bislang eher eine Repräsentationsaufgabe darstellte bietet er ihm aber immerhin die Möglichkeit, auf die postfaschistische Partei der italienischen Ministerpräsidentin Meloni zuzugehen, um deren Abgeordnete im Europaparlament in seine Fraktion aufzunehmen und so den Status als größte Fraktion abzusichern.

Schade nur, dass dieses Manöver ihm einige Probleme in seiner deutschen Heimat einbringt, da Melonis Parteifreunde in Deutschland eher die Zusammenarbeit mit der AfD suchen, was diese wiederum veranlasst, von einer großen rechten Opposition zu träumen. Da sich die Führungen von CDU und CSU derzeit aber eher von der AfD abgrenzen wollen, sind ihnen diese Weber’schen Annäherungsversuche eher ein Ärgernis und nichts, was sie begrüßen und unterstützen. Eine Unterstützung seiner persönlichen Ambitionen durch seine Heimatparteien wird so nicht erleichtert.

Exkurs : Der deutsche Fetisch « Spitzenkandidat » und seine Hintergründe

Die Idee, die Benennung des EU-Kommissionspräsidenten an die vorhergehende Rolle eines Spitzenkandidaten zu knüpfen, ist nach übereinstimmenden Berichten verschiedener Medien eine « typisch deutsche » Idee ; dies stimmt insofern als « Spitzenkandidat » eine Aufgabe ist, die vor allem in parlamentarischen Demokratien – wie Deutschland – Sinn macht, da hier der « Spitzenkandidat » der stärksten Partei die größten Chancen hat, vom Parlament zum Kanzler gewählt zu werden. In Präsidialdemokratien – wie Frankreich – in denen der Chef der Regierung vom direkt gewählten Präsidenten vorgeschlagen wird, ist die „Spitzenkandidatur“ weniger wichtig. Dieses Konzept, das wohl von dem ehemaligen (deutschen) Parlamentspräsidenten Martin Schulz propagiert wurde, funktioniert in der EU deshalb nicht richtig, da der EU-Kommissionspräsident ja nicht einfach vom Parlament gewählt wird, sondern dazu vom Europäischen Rat der Staats- und Regierungschefs vorgeschlagen werden muss. Diese wiederum mögen es nicht, vom Parlament zu Vorschlägen gedrängt zu werden, wie man 2019 im Fall von Manfred Weber sehen konnte, der zwar die Europawahl aber nicht das Vertrauen des Europäischen Rates gewonnen hatte.
Unausgesprochene Basis dieser Fixierung auf die Idee einer « Spitzenkandidatur » dürfte die Idee sein, dass die EU zu einer « parlamentarischen Demokratie » werden muss und Deutschland dafür das perfekte Modell abgibt. Bei genauerer Betrachtung steht diese Idee allerdings stark in der Tradition des Gedankens, dass die Welt bzw. die EU am « deutschen Wesen genesen » soll, was den Widerstand von Politikern wie E. Macron, die eher präsidialdemokratisch geprägt sind, gegen diese deutsche Hegemonie verständlicher macht.

Zweitens werden die Chancen von Manfred Weber doch noch Präsident der EU-Kommission zu werden, natürlich von der Amtsinhaberin, Ursula von der Leyen, blockiert. Auch wenn viele Kommentatoren in Deutschland überzeugt sind, dass Manfred Weber sich an Ursula von der Leyen für die Niederlage von 2019 rächen will, ist doch zu bezweifeln, dass nach einer deutschen CDU- Politikerin ein deutscher CSU-Politiker wirklich Chancen hat, Kommissionspräsident zu werden.

Deshalb bevorzugen die Parteichefs von CDU und CSU auch ziemlich deutlich eine erneute Kandidatur von von-der-Leyen. Wenn diese aber nochmal Kommissionspräsidentin werden will, wird sie von vielen an ihre Worte von 2019 erinnert werden : “Wir werden in den nächsten Jahren ein Spitzenkandidatenmodell entwickeln, das vom Rat, in allen Mitgliedstaaten und von allen Abgeordneten getragen wird.”

Auch wenn von diesem Modell noch nichts zu sehen ist, was angesichts der dieser Idee inhärenten deutschen Hegemonie, nicht weiter überraschend ist, wird von der Leyen wohl nichts anderes übrig bleiben als sich dem Procedere einer Kandidatur für das Parlament zu unterwerfen, wenn sie nochmal vom Parlament gewählt werden will. Das wiederum bedeutet, dass sie beim nächsten Parteitag der CDU-Niedersachsen, ihrem Heimat-Landesverband, sich um den Spitzenplatz für die Europawahl 2024 bewerben muss. Da die sicheren Listenplätze natürlich heiß begehrt sind und niemand freiwillig und mit Begeisterung seinen Platz für von-der- Leyen räumen wird, ist dies für von-der-Leyen eine erste Hürde, die sie nur mit viel diplomatischem Geschick und Unterstützung der CDU-Parteiführung überspringen kann.

Exkurs 2 : Europawahlsystem in Deutschland unter dem Regime der CSU

Die Europawahl findet zwar europaweit in demselben Zeitraum und generell gemäß derselben Regeln statt, aber die Nationalstaaten können das konkrete Wahlverfahren gemäß den nationalen Traditionen gestalten. Für Deutschland heißt das, dass es – wie bei der Bundestagswahl – keine nationalen Kandidatenlisten, sondern pro Bundesland eine eigene Liste gibt. Dies wiederum ist der CSU geschuldet, die ja nur in Bayern existiert und deshalb auf Listen pro Bundesland besteht. Die anderen Parteien Bayerns trifft das nicht, da sie alle als Landesverbände einer Bundespartei agieren und diese Sonderrolle nicht beanspruchen. Deshalb ist im übrigen auch nicht zu erwarten, dass die Idee von « europäischen Listen » bei der CSU – und somit bei Manfred Weber – auf viel Begeisterung stoßen wird. Diese Sonderrolle der CSU macht aktuell im übrigen auch Probleme bei der Reform des Wahlrechts für den Bundestag und wird wohl in nächster Zeit vor dem Bundesverfassungsgericht verhandelt werden.

Drittens ist es für Ursula von der Leyen wie Manfred Weber ein großes Problem im Europäischen Rat eine Mehrheit zu finden, die sie stützt. Denn nicht nur Deutschland wird hier – nicht mehr wie 2019 von einer CDU-Kanzlerin – sondern von einem SPD-Kanzler und einer « Ampel »-Koalition vertreten.

Diese hat in ihrem Koalitionsvertrag vereinbart, dass « Die Grünen » das Recht haben, den nächsten deutschen Vertreter in der EU-Kommission zu benennen. Damit stehen « Die Grünen » vor der Frage, ob sie es vorziehen, eine Deutsche einer anderen Partei für das Amt der Kommissionspräsidentin zu unterstützen oder einen Vertreter der eigenen Partei als Kommissar – womöglich für ein für Deutschland weniger wichtiges Ressort – zu benennen. Dieser Zwickmühle könnten die Grünen wohl selbst dann nicht entkommen, wenn es ihnen gelingen würde politische Schwergewichte wie Joschka Fischer oder Daniel Cohn-Bendit zu einer Kandidatur für das Präsidentenamt zu bewegen.

Ursula von der Leyen steht vor dem Problem, dass die Mehrheit im Europäischen Rat nicht mehr von Vertretern ihrer Europäischen Volkspartei gestellt wird, sondern Sozialisten und Sozialdemokraten bei den staats- und Regierungschefs in der Überzahl sind. Außerdem musste sie sich ja auf Druck des Parlamentes (und insbesondere der deutschen Grünen im Europaparlament) mit den Regierungen in Ungarn und Polen, die sie 2019 wohl unterstützt hatten, in heftige Konflikte begeben, so dass deren Unterstützung für eine Wiederwahl von der Leyens nicht zu erwarten ist.

In deutschen Medien wird von der Leyen Verhalten in diesen Konflikten und ihr Engagement für den Green Deal regelmäßig in einen Zusammenhang mit der hervorgehobenen Rolle gestellt, die die Grünen bei der Benennung des nächsten deutschen Vertreters in der EU-Kommission spielen werden. Denn sie braucht deren Zustimmung, wenn sie eine realistische Chance auf eine zweite Amtszeit haben will. Diese vertrackte Situation spricht sehr dafür, dass wir im Jahr 2023 noch einige interessante politische Manöver sehen werden, die kurzfristig womöglich wenig Sinn ergeben vor dem Hintergrund des Kandidatengerangels aber umso verständlicher sind.

Publié par Alfons Scholten dans Alfons Scholten, CECI dit, 1 commentaire

Élections européennes 2024 – si loin et pourtant si proches

Une vue d’Allemagne

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Les prochaines élections européennes auront lieu au début de l’été 2024 et, même si cela semble encore loin, les premières manœuvres politiques sont déjà en cours afin d’obtenir et de renforcer ensuite la majorité au Parlement et, sur cette base, d’obtenir la présidence de la Commission européenne. Manfred Weber, le chef de file du Parti populaire européen, vainqueur des dernières élections mais évincé par Ursula von der Leyen, est particulièrement actif dans ce domaine.

D’une part, il a renforcé sa propre position en prenant la présidence du Parti populaire européen en plus de la présidence du groupe parlementaire. Même si ce poste représentait jusqu’à présent plutôt une tâche de représentation, il lui offre tout de même la possibilité de se rapprocher du parti post- fasciste de la Première ministre italienne Meloni afin d’intégrer ses députés au Parlement européen dans son groupe et d’assurer ainsi son statut de plus grand groupe.

Dommage que cette manœuvre lui cause quelques problèmes dans son pays d’origine, l’Allemagne, où les amis du parti de Meloni cherchent plutôt à collaborer avec l’AfD, ce qui les incite à leur tour à rêver d’une grande opposition de droite. Mais comme les dirigeants de la CDU et de la CSU cherchent actuellement plutôt à se démarquer de l’AfD, ces tentatives de rapprochement de Weber les agacent plutôt et ne sont pas quelque chose qu’ils saluent et soutiennent. Un soutien de ses ambitions personnelles par ses partis d’origine n’en sera pas facilité.

Digression : le fétiche allemand « Spitzenkandidat » et ses dessous

L’idée de lier la désignation du président de la Commission européenne au rôle précédent d’un candidat de premier plan est, selon des rapports concordants de différents médias, une idée « typiquement allemande » ; c’est vrai dans la mesure où « Spitzenkandidat » est une tâche qui a surtout du sens dans les démocraties parlementaires – comme l’Allemagne – où le « Spitzenkandidat » du parti le plus fort a les meilleures chances d’être élu chancelier par le parlement.
Dans les démocraties présidentielles – comme la France – où le chef du gouvernement est proposé par le président élu au suffrage universel direct, la « Spitzenkandidatur » est moins importante.
Ce concept, qui a probablement été propagé par l’ancien président (allemand) du Parlement Martin Schulz, ne fonctionne pas correctement dans l’UE, car le président de la Commission européenne n’est pas simplement élu par le Parlement, mais doit être proposé par le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement. Ces derniers n’aiment pas être poussés par le Parlement à faire des propositions, comme on a pu le voir en 2019 avec Manfred Weber, qui avait certes gagné les élections européennes mais pas la confiance du Conseil européen.
La base tacite de cette fixation sur l’idée d’une « Spitzenkandidatur » est probablement l’idée que l’UE doit devenir une « démocratie parlementaire » et que l’Allemagne constitue le modèle parfait pour cela. En y regardant de plus près, cette idée s’inscrit toutefois fortement dans la tradition de l’idée selon laquelle le monde ou l’UE doit « guérir » de la « nature allemande », ce qui rend plus compréhensible l’opposition à cette hégémonie allemande de la part d’hommes politiques comme E. Macron, qui sont plutôt marqués par la démocratie présidentielle.

Deuxièmement, les chances de Manfred Weber de devenir président de la Commission européenne sont évidemment bloquées par la titulaire du poste, Ursula von der Leyen. Même si de nombreux commentateurs en Allemagne sont convaincus que Manfred Weber veut se venger de la défaite d’Ursula von der Leyen en 2019, on peut douter qu’après une politicienne allemande de la CDU, un politicien allemand de la CSU ait vraiment des chances de devenir président de la Commission.

C’est pourquoi les chefs de parti de la CDU et de la CSU préfèrent assez nettement une nouvelle candidature de von der Leyen. Mais si celle-ci veut à nouveau devenir présidente de la Commission, beaucoup lui rappelleront ses paroles de 2019 : « Nous développerons dans les années à venir un modèle de Spitzenkandidat qui sera soutenu par le Conseil, dans tous les États membres et par tous les députés ».

Même si ce modèle n’est pas encore visible, ce qui n’est pas surprenant compte tenu de l’hégémonie allemande inhérente à cette idée, von der Leyen n’aura d’autre choix que de se soumettre à la procédure de candidature au Parlement si elle veut être réélue par le Parlement. Cela signifie qu’elle devra se présenter au prochain congrès de la CDU de Basse-Saxe, sa fédération d’origine, pour la place de tête de liste aux élections européennes de 2024. Comme les places sûres sur les listes sont évidemment très convoitées et que personne ne cédera volontairement et avec enthousiasme sa place à von der Leyen, il s’agit pour elle d’un premier obstacle qu’elle ne pourra franchir qu’avec beaucoup d’habileté diplomatique et le soutien de la direction du parti CDU.

Digression 2 : Le système électoral européen en Allemagne sous le régime de la CSU

Les élections européennes ont certes lieu à la même période dans toute l’Europe et généralement selon les mêmes règles, mais les États nationaux peuvent organiser la procédure électorale concrète conformément aux traditions nationales. Pour l’Allemagne, cela signifie que, comme pour les élections au Bundestag, il n’y a pas de listes nationales de candidats, mais une liste par Land. Cela est dû à la CSU, qui n’existe qu’en Bavière et qui insiste donc sur des listes par Land. Cela ne concerne pas les autres partis de Bavière, car ils agissent tous en tant qu’associations régionales d’un parti fédéral et ne revendiquent pas ce rôle particulier. C’est pourquoi il ne faut pas s’attendre à ce que l’idée de « listes européennes » suscite beaucoup d’enthousiasme de la part de la CSU – et donc de Manfred Weber. Ce rôle particulier de la CSU pose d’ailleurs actuellement des problèmes dans le cadre de la réforme du droit de vote pour le Bundestag et sera sans doute prochainement débattu devant la Cour constitutionnelle fédérale.

Troisièmement, Ursula von der Leyen comme Manfred Weber ont un grand problème à trouver une majorité qui les soutienne au Conseil européen. En effet, l’Allemagne n’est pas la seule à y être représentée – non plus comme en 2019 par une chancelière CDU – mais par un chancelier SPD et une coalition « Ampel ».

Celle-ci a convenu dans son accord de coalition que « Les Verts » auront le droit de nommer le prochain représentant allemand à la Commission européenne. Les « Verts » sont donc confrontés à la question de savoir s’ils préfèrent soutenir une Allemande d’un autre parti pour le poste de présidente de la Commission ou nommer un représentant de leur propre parti comme commissaire, éventuellement pour un portefeuille moins important pour l’Allemagne. Les Verts ne pourraient pas échapper à ce dilemme même s’ils parvenaient à convaincre des poids lourds politiques comme Joschka Fischer ou Daniel Cohn-Bendit de se présenter à la présidence.

Ursula von der Leyen est confrontée au problème suivant : la majorité au Conseil européen n’est plus constituée de représentants de son Parti populaire européen, mais les socialistes et les sociaux- démocrates sont en surnombre parmi les chefs d’État et de gouvernement. De plus, sous la pression du Parlement (et notamment des Verts allemands au Parlement européen), elle a dû entrer en conflit avec les gouvernements hongrois et polonais, qui l’avaient probablement soutenue en 2019, de sorte qu’il ne faut pas s’attendre à ce que ces derniers soutiennent une réélection de von der Leyen.

Les médias allemands mettent régulièrement en parallèle l’attitude de von der Leyen dans ces conflits et son engagement en faveur du Green Deal avec le rôle prépondérant que joueront les Verts dans la désignation du prochain représentant allemand à la Commission européenne. En effet, elle a besoin de leur approbation si elle veut avoir une chance réaliste de briguer un second mandat. Cette situation complexe laisse présager quelques manœuvres politiques intéressantes en 2023, qui n’auront peut‑être que peu de sens à court terme, mais qui seront d’autant plus compréhensibles que les candidats se bousculeront au portillon.

Publié par Alfons Scholten dans Alfons Scholten, CECI dit, 1 commentaire

Gestion européenne des frontières

Migrations : l’UE renforce la gestion européenne intégrée des frontières et veut accélérer les retours

La communication relative à la gestion européenne intégrée des frontières est une obligation prévue par le règlement relatif à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. C’est une stratégie globale qui permet une vision commune à l’ensemble des institutions de l’Union et expose les grandes lignes de l’UE aux frontières extérieures.

CPV Portugais, au cours de l’opération de sauvetage Poséidon 2015
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Par ailleurs, Frontex fournit une analyse stratégique des risques prise en compte dans les priorités et les orientations proposées par la Commission pour les cinq prochaines années. Elle recommande d’ailleurs aux États membres une reconnaissance mutuelle des décisions de retour et une accélération des retours.

Le 9 février dernier, le Conseil européen a réaffirmé sa détermination à assurer un contrôle efficace des frontières extérieures terrestres et maritimes de l’Union dans le cadre d’une approche globale en matière de migrations.

Une gestion européenne intégrée des frontières efficace

Le 14 mars dernier, la Commission a établi le premier cycle stratégique d’orientation politique pluriannuel pour la gestion européenne intégrée des frontières. C’est le fruit d’un processus de consultation interinstitutionnelle qui a débouché sur une vision commune de la gestion des frontières extérieures. Elle fournit un cadre coordonné aux autorités nationales ainsi qu’à leur plus de 120 000 agents et à Frontex, qui dirige leur travail quotidien.

Les principales priorités

  • Un contrôle aux frontières, soutenu par une coopération interservices et des systèmes d’information à grande échelle, afin d’améliorer la gouvernance des migrations et la préparation aux crises.La nécessité d’une coordination entre les États du pavillon et les États côtiers, ainsi que la nécessité de développer les meilleures pratiques en matière d’échange d’informations complètes en temps utile constituent des priorités.
  • Un système européen commun en matière de retour : une meilleure coordination entre les autorités nationales et les agences européennes est une composante essentielle aux fins de l’exécution efficace des retours.
  • La coopération avec les pays tiers devrait être intensifiée afin de contribuer au renforcement des capacités opérationnelles de ces pays dans les domaines du contrôle aux frontières, de l’analyse des risques, du retour et de la réadmission, ainsi que de la lutte contre le trafic de migrants.
  • Le plein respect des droits fondamentaux : la protection des frontières de l’Union doit s’effectuer dans le plein respect des droits fondamentaux. Les actions des acteurs de l’Union et des États membres doivent être menées dans le plein respect du droit de l’Union, y compris la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et du droit international.

Renforcer la coopération en matière de reconnaissance mutuelle des retours et accélération des retours

L’UE souhaite un système efficace en matière de retour. C’est pour la Commission un élément central du bon fonctionnement du système de migration et d’asile. Il s’inscrit dans une approche globale exposée dans le nouveau pacte sur la migration et l’asile. Il s’agit aussi de produire un effet dissuasif sur les migrations dangereuses et illégales. L’ambition est de contribuer à prévenir l’exploitation des migrants en démantelant le modèle économique des réseaux criminels de passeurs et en promouvant des voies d’entrée légales sûres.

Quelques éléments constitutifs

  • La reconnaissance mutuelle des décisions de retour : grâce au système d’information Schengen modernisé, qui est entré en service le 7 mars, les États membres peuvent désormais être immédiatement informés de l’adoption, par un autre État membre, d’une décision de retour à l’encontre d’un ressortissant de pays tiers.
  • Des retours plus efficaces : les États membres peuvent établir des liens plus étroits entre les autorités chargées de la gestion de l’asile et des retours.
  • Des incitations au retour volontaire : il est nécessaire de fournir des informations sur le retour à un stade précoce du processus, y compris au cours de la procédure d’asile. Les États membres devraient mettre en place des structures de conseil en matière de retour et de réintégration afin de promouvoir le retour volontaire.

Prochaines étapes

En ce qui concerne la gestion européenne intégrée des frontières, Frontex dispose de six mois pour traduire cette orientation stratégique en une stratégie opérationnelle et technique. Les États membres disposent, quant à eux, de douze mois pour actualiser leur stratégie nationale.
De son côté, la Commission coopérera étroitement avec les États membres afin de les soutenir dans la mise en œuvre opérationnelle de ces mesures. Une évaluation de la politique stratégique pour la gestion européenne intégrée des frontières est prévue dans quatre ans, en vue de définir un nouveau cycle politique pluriannuel en 2027. La Commission procédera également cette année à une évaluation du règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, 0 commentaire

De la culture européenne commune

La guerre en Ukraine a révélé à nouveau l’Union européenne. Remarquable, le discours du président Zelensky devant le Parlement européen donne une large place à la question des valeurs. Plus de vingt citations. Il affirme que la Russie essaie « d’anéantir non seulement l’Ukraine souveraine », et souligne le « mode de vie européen ». Il voit l’Europe « comme un continent imprégné de principes, de valeurs, d’égalité et d’équité »1. Il soutient ainsi l’existence, d’un modèle social, une culture commune qu’il souhaite partager avec les autres membres de l’UE.

Les cultures liées aux territoires d’appartenance

La culture commune est un peu l’arlésienne de la construction européenne. Tout le monde en parle tout en la cachant sous le boisseau. C’est un thème récurrent pour le CECI qui en fait un phénomène anthropologique et un élément de socialisation. Elle se distingue d’une culture unique car elle maintient et développe les cultures nationales et régionales, réalités objectives et vivantes qui sont avec elle en itération, et que nul ne veut remettre en cause. De plus, postulons que la culture commune n’existe que par la société européenne qui la porte.
Lors du colloque du CECI « Quelles éducation, formation, socialisation pour les citoyens européens »2 le sujet était en toile de fond. Les questions du sens de la construction européenne, de la citoyenneté commune et du sentiment d’appartenance à l’UE étaient posées. Elles avaient fait au préalable l’objet d’un questionnaire en ligne. Les interviewés ont notamment répondu à la question : « Selon vous qu’est ce qui définit la culture européenne ? ». Si l’histoire arrive en tête des citations avec près de 60%, les arts et lettres, les rites et traditions, les symboles sont peu reconnus.
On le voit, si les dirigeants européens semblent avoir intégré avec force de conviction les éléments de la culture commune, qu’en est-il des citoyens pour lesquels l’Europe paraît toujours lointaine ? L’interrogation est centrale car il paraît vain de parler de sentiment d’appartenance à l’UE s’il n’y a pas d’emblée la reconnaissance de la dimension territoriale, de l’existence d’une culture partagée et, de fait, d’une identité européenne.

Les cultures inscrites dans des valeurs

Selon anthropologues et sociologues, une culture est « un ensemble complexe qui englobe les connaissances, les croyances, les arts, la morale, les lois, les coutumes, et tout autre capacité et habitude acquise par l’Homme en tant que membre d’une société ».3 L’UNESCO en donne une définition désormais institutionnalisée : « La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ».4
Pour le Conseil de l’Europe elle s’inscrit dans la promotion des droits de l’homme, de la pratique de la démocratie et la prééminence du droit : « La culture est l’âme de la démocratie ». Elle est le « fondement du vivre ensemble dans le respect et la tolérance mutuels dans un monde de plus en plus complexe ».5 C’est bien cette complexité qui est à prendre en compte. C’est elle qui donne sens au projet européen et sa dimension éthique.
Le sociologue franco-néerlandais Fons Trompenaars affirme qu’une culture est « la manière dont les membres d’une société abordent le risque ». La guerre en Ukraine, exemple tragique, éclaire cette assertion. Le président Zelensky en convient lorsqu’il invoque l’État de droit. En clair c’est notre modèle social européen. L’actualité nous le montre, les Européens ont leur propre manière d’aborder, l’économie, le social, le conflit et la guerre et les relations internationales. C’est culturel, le résultat d’une histoire et d’une inscription dans des valeurs. C’est le paradigme propre à l’UE, notre manière d’être, de faire, de penser, d’agir et de réagir.

Un processus en constante évolution

Cette culture consciente ou inconsciente répond à des critères objectifs, des ingrédients qui en forment la recette. Les travaux du psychosociologue néerlandais Geert Hofstede (1928−2020) induisent qu’une culture est constituée de plusieurs couches formant une structure systémique et intégrée. Il rejoint ainsi Trompenaars pour qui les éléments d’une culture forment un continuum aux dimensions explicites et implicites. Les citoyens y prennent leur part « ce sont des individus qui créent la culture, qui la transmettent, qui la transforment »6.
Une culture n’est pas figée. Elle évolue constamment en fonction des contingences. Mais elle repose sur un ensemble d’éléments constitutifs. Au cœur se trouvent les valeurs et les préceptes fondamentaux. Ils sont issus de notre histoire, de notre passé même lointain et sont transmis par les générations et les événements, par les cultures particulières et locales.
Ainsi la culture se montre à voir par des artefacts (architecture, mode, manière de se nourrir, art, littérature, musique, etc.), de l’histoire, des climats, des héros, des fondateurs, des institutions, des mythes, des rites, des symboles, par la gouvernance, le langage ou la langue, le droit ou encore le fait religieux.

Pour les Européens, les valeurs trouvent leur inscription dans l’antiquité. Athènes, Jérusalem, Rome empire et Rome siège de l’Église en sont à l’origine. Elles ont évolué au fil des siècles : Lumières, Aufklarung, philosophes britanniques, apports des religions et particulièrement du christianisme. Elles fonctionnent en système. Tous les ingrédients constitutifs y sont présents. Arts, histoire, héros. (Charlemagne, Rolland, Churchill, et d’autres), les Pères fondateurs (Schuman, Monnet, De Gasperi, Spaak), le mythe (Europa), les symboles (drapeau, hymne, passeport, euro, 9 mai), les institutions (Commission, parlement, banque centrale,) et une gouvernance (Conseil européen, Conseil de l’Union européenne), un langage sinon une langue, et un rite (la fête de l’Europe).

1 Information du Parlement européen du 9/2/23
2 Quelles éducation, formation et socialisation pour les citoyens européens, approche franco- allemande et intergénérationnelle, Brest-Guipavas le 3 décembre 2022.
3 Définition du britannique Edward Tylor (1832-1917) titulaire de la chaire d'anthropologie d'Oxford
4 Conférence mondiale sur les politiques culturelles Mexico City (26 juillet - 6 août 1982)
5 Sources : Conseil de l’Europe
6 Margaret Mead (1901-1978)
Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 0 commentaire

1963–2023 : Il était un Traité…

Il avait 15 ans en 1963 à la signature du Traité de l’Élysée. Rencontre avec Christian Latieule, retraité de 75 ans vivant en Île-de-France, marié, père de deux enfants et six fois grand-père, pour qui les 60 ans du Traité représentent bien plus qu’une signature…
Après des études en école, collège et lycée publics à Paris, Christian a exercé toute sa carrière professionnelle dans l’enseignement privé catholique sous contrat avec l’État : instituteur, chef d’établissement scolaire, directeur diocésain adjoint de l’Enseignement catholique à Meaux et professeur à l’Université Catholique de Paris.

À l’inverse de nombre de vos contemporains, vous maîtrisez la langue allemande ; d’où cela vient-il ?
À la fin de la classe de CM2, mes parents ont été convoqués par mon institutrice, Madame Lombardet, qui leur a dit que je devais continuer mes études en collège puis au lycée et que je devais apprendre l’allemand en première langue dès la classe de sixième. Ainsi je me débrouille assez bien en allemand et très mal en anglais, ma deuxième langue… Soyons honnête sur mes compétences en allemand : aujourd’hui si les bases sont venues de mes études, l’essentiel a été acquis par mes relations avec mes amis allemands à Düsseldorf et en Bavière, à Straubing.

Parlons des relations justement, vous avez participé à l’un des premiers échanges organisés par l’OFAJ suite à sa création en 1963 dans le prolongement du Traité de l’Élysée. Vous souvenez-vous de la génèse de cet échange ?
Il y avait un groupe de jeunes dans notre paroisse qui s’appelait la « Communauté Des Jeunes (C.D.J.) » avec plusieurs groupes dont une équipe de handball. Nous étions affiliés à la Fédération Sportive et Culturelle de France (F.S.C.F.) et notre équipe participait au championnat régional de handball. Au début de l’année scolaire 1963–1964, la F.S.C.F. nous a proposé de participer à un échange franco-allemand organisé par l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse lors du week-end de Pâques 1964. Nous y avons rencontré une équipe allemande de Wanne-Eickel près de Dortmund où nous sommes allés en train depuis Paris pour être logés chacun dans la famille d’un joueur de handball de cette équipe allemande.

Comment ce voyage s’est-il déroulé ?

Nous sommes partis de la gare de Paris-est dans un train spécial pour ce voyage avec 750 autres jeunes, essentiellement des sportifs (footballeurs, handballeurs, joueurs de tennis de table, etc.). Nous étions tous des ados entre 16 et 20 ans, encadrés par nos responsables de groupes. Nous sommes restés sur place, à Wanne-Eickel durant trois jours avec un tournoi de handball rassemblant trois équipes allemandes, dont celle de Wanne-Eickel et deux équipes françaises dont je ne me rappelle plus le nom de la deuxième. En revanche, je me souviens que nous n’avons pas gagné le tournoi.

À l’arrivée à Dortmund, nous avons été accueillis de manière extraordinaire : un orchestre qui a joué la Marseillaise, puis de la musique à notre descente du train ; des jeunes et des adultes qui nous accueillaient en agitant des petits drapeaux français et ensuite, des bus nous ont emmenés jusqu’à l’hôtel de ville où nous avons été accueillis par le bourgmestre de Dortmund dans la grande salle des fêtes pour discours et buffet à partager. Ensuite, les bus ont emmené notre équipe de la C.D.J. à Wanne-Eickel où les handballeurs allemands et leurs parents nous attendaient pour nous conduire chez eux où nous nous sommes installés pour les trois jours. Là où j’ai été accueilli, c’était un petit appartement de trois pièces et les parents ont absolument voulu que je dorme dans leur chambre ! Pour deux nuits, ils ont utilisé le canapé qui se trouvait dans la salle de séjour, leur fils étant resté dans sa petite chambre… Incroyable…

Quel écho ce séjour a‑t-il eu dans votre propre famille et votre entourage ?

Des réactions très inattendues pour moi, réactions gravées dans ma mémoire !
À cette époque, les enfants ne parlaient pas à table lors des repas, les jeunes comme moi un peu lorsque l’occasion s’en présentait.
Dans notre famille, nous avions l’habitude de nous retrouver de temps en temps, le dimanche pour déjeuner chez mon arrière-grand-mère maternelle dans un grand appartement, à Belleville (Paris 20e). Nous étions souvent une bonne douzaine de personnes car c’était une grande famille, mon arrière-grand-mère avait eu huit enfants. Vers la fin 1963, nous étions réunis pour un déjeuner familial et, sans doute très content du projet auquel j’allais participer, j’ai dit toute ma joie de bientôt partir en Allemagne pour le week-end de Pâques. Que n’avais-je pas dit là !

C’est alors qu’un grand-oncle du côté de ma mère a interpellé mon père. Cela fait presque 60 ans mais les mots de l’échange avec mon père sont gravés à jamais dans ma mémoire. Cet oncle André interpelle donc mon père en lui disant :
« Jean, j’apprends que Christian, en plus d’apprendre l’allemand, va bientôt partir en Allemagne ; on voit bien que tu n’as pas été comme moi prisonnier en Allemagne pendant cinq ans ! » J’entends encore le silence soudain autour de la table et la réponse de mon père :
« André, je comprends ce que tu peux ressentir mais nos grands-parents se sont battus contre les Allemands en 1870, nos parents encore en 14–18 et nous en 39–45… Eh bien, je ne veux pas que cela recommence pour mon fils ! »

Il y eut un autre silence, puis l’oncle Gustave qui avait lui-aussi été prisonnier en Allemagne a pris la parole avec un bon mot dont il avait le secret ; les adultes ont parlé d’autre chose et cette question n’a plus jamais été abordée aux tables familiales de mon arrière-grand-mère…

Avez-vous conservé des liens avec la famille qui vous a accueilli ?

Non et pour plusieurs raisons que j’essaie d’identifier aujourd’hui : le jeune Allemand chez qui j’étais accueilli n’apprenait que l’anglais et ses parents ne parlaient aucune langue étrangère, il n’y avait pas la richesse des moyens de communication que nous connaissons aujourd’hui, j’ai même perdu le nom et le prénom de ce jeune homme. Il n’y a plus eu ensuite de contact avec le club de handball de Wanne-Eickel…

Cependant, aujourd’hui, je peux dire que « le ver était dans le fruit »… ! En effet, deux ans plus tard en 1966, sur une proposition de la F.S.C.F et avec l’O.F.A.J., je suis reparti en Allemagne pour un échange sportif en tennis de table avec l’équipe allemande de « Rheinland 05 » à Düsseldorf. Un échange complet puisqu’en 1968, toujours avec l’O.F.A.J. et la fédération allemande de la Deutsche Jugend Kraft (D.J.K.), cette équipe est venue à Paris lors du week-end de Pâques. Aujourd’hui, je suis toujours en relation d’amitié avec la femme de l’un de ces joueurs allemands dont le mari Emil est décédé en 2018. Ils sont venus plusieurs fois chez nous et nous ont reçus souvent chez eux. Karin a actuellement 87 ans…

Plus tard, notre fils Fabrice apprenant l’allemand en première langue a participé à un échange franco-allemand entre son lycée à St Mandé (94) et un lycée bavarois de Straubing. En 1987, nous avons accueilli chez nous pour une semaine Markus, et Fabrice a été reçu chez lui l’année suivante. C’est le début d’une intense amitié entre cette famille Büchner et nous. Markus a vécu les fêtes du bicentenaire de la Révolution française avec nous à Paris, puis des vacances en Bretagne, sur les bords de Loire et dans les Alpes ainsi qu’avec sa sœur et ses parents. Avec eux, nous avons découvert toutes les régions d’Allemagne, y compris l’ex‑R.D.A. quelques mois après la réunification, mais aussi la Tchécoslovaquie de l’époque. Des deux côtés, ces deux familles sont présentes lors des grands évènements familiaux de l’autre famille, mariages et obsèques. Aujourd’hui encore, nous ne passons pas une année sans nous revoir en Allemagne ou en France.

Perceviez-vous à l’époque les enjeux de « l’amitié franco-allemande » ?

Non, mais comme je l’ai dit, « le ver était dans le fruit » et ce ver c’est la réponse que mon père a faite à l’oncle André en 1963 !

Cette expérience a‑t-elle eu des conséquences sur votre vie et votre vision de l’Europe et du monde ?

Oui, comme je l’ai expliqué pour le lien entre l’Allemagne et la France, la dernière action chronologique dans ce sens étant la part très active que j’ai prise dans le jumelage de la commune voisine de chez nous, Crécy-la-Chapelle, avec la ville de Pielenhofen en Bavière, à côté de Regensburg (Ratisbonne).
De même cela m’a donné l’envie de découvrir le monde : beaucoup de pays d’Europe mais aussi de participer activement à la mise en place de partenariats au Togo et au Bénin.

60 ans plus tard, cet échange résonne-t-il encore pour vous ?

Énormément, je pense que cela transparaît suffisamment dans ce que je relate ici sans que j’aie besoin de préciser un peu plus…

Selon vous, quelle part dans la construction européenne ce Traité a‑t-il joué, ou joue-t- il encore ?

Aujourd’hui, je sais que ce Traité a joué un rôle fondamental car il a créé des bases irréversibles qui obligent les politiques des deux pays. L’idée géniale a été dès le départ d’impliquer la jeunesse… L’O.F.A.J. a joué et joue encore un rôle fondateur d’avenir. ERASMUS a permis de continuer et d’amplifier au niveau des jeunes des deux pays et des autres pays d’Europe.

Au-delà de la célébration du Traité qui connaît un certain retentissement, quel prolongement voyez-vous ou souhaitez-vous pour la suite ?

Continuer dans la même logique pour nos petits-enfants. L’Allemagne et la France, par leur amitié et leur coopération, sont des moteurs pour l’Union Européenne.

Avez-vous un message à exprimer ?

Que nos dirigeants allemands, français et tous les autres membres de l’Union unissent leurs efforts pour aider l’Ukraine à se défendre, mais aussi et surtout pour que l’on parvienne à amener la Russie (que je connais bien, sept voyages avec la Fondation Napoléon dont je suis membre) et l’Ukraine autour d’une table afin d’y négocier une paix durable comme l’Allemagne et la France ont su le faire grâce à deux visionnaires, Charles de Gaulle et Konrad Adenauer.

Publié par Marie-Laure Croguennec dans CECI dit, Marie-Laure Croguennec, 2 commentaires

Réflexions sur l’éducation à l’Europe

Sur le retard de l’école par rapport à la réalité européenne, quelques faits et remarques sur l’état de l’éducation européenne en Allemagne.

1. Quelques indications préalables pour mieux comprendre la suite

a) l’Allemagne est un pays fédéral, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’éducation nationale », mais 16 « politiques scolaires » différentes qui ont une grande importance car l’éducation est l’un des derniers domaines politiques que les Länder peuvent façonner seuls.

b) « L’Europe » existe certes dans les programmes de matières telles que les langues étrangères, l’histoire ou la géographie, mais surtout dans les matières qui, selon les Länder, s’appellent « économie et politique », « enseignement communautaire » ou « sciences sociales » ; mais leurs programmes sont tellement remplis de thèmes importants (éducation à la démocratie, prévention de la toxicomanie et de la violence, …) et le nombre d’heures est si faible que les enseignants doivent décider eux-mêmes quel thème choisir ; s’ils sont eux-mêmes convaincus que l’intégration de la République fédérale d’Allemagne dans l’Union européenne et la mise en réseau européenne au-delà de l’UE (avec le Conseil de l’Europe, l’OSCE, l’OTAN et d’autres institutions) sont importantes et utiles, « l’Europe » aura lieu à l’école parce que les enseignants s’engageront et accepteront un travail supplémentaire. Si les enseignants considèrent que l’Europe n’est pas importante, ils n’enseigneront pas le sujet « Europe » car il y a suffisamment d’autres sujets importants.

c) Si les enseignants sont prêts à intégrer les questions européennes dans leur enseignement, encore faut-il qu’ils en soient capables. Un enseignant qui donne 25 heures ou plus de cours par semaine, qui planifie en outre des voyages de classe, qui mène des discussions avec les parents, qui règle des conflits, qui fait fonctionner l’administration, qui surveille les récréations, qui donne des cours de rem- placement, qui fait de la prévention contre la violence et la drogue et qui répare la photocopieuse, a peu de temps pour suivre les événements actuels en Europe et les transposer en temps réel dans ses propres concepts d’enseignement.

En bref : l’enseignement de l’Europe est en retard sur la réalité et, selon Norbert Elias, il peut s’écouler jusqu’à trois générations (!) avant que le retard ne soit comblé.1

2. Les résultats de quelques études récentes sur le sujet

Dans ce qui suit, je m’appuie sur les deux études disponibles sur le sujet : d’une part, une vaste étude datant de 2007 et intitulée « Die Europäische Dimension in den Lehrplänen der deutschen Bundesländer. Vergleichende Studie im Auftrag der Europäischen Kommission – Vertretung in Deutschland » (La dimension européenne dans les programmes scolaires des Länder allemands. Étude comparative commandée par la Commission européenne – Représentation en Allemagne) publiée par l’Académie européenne de Berlin et, d’autre part, une étude réalisée en 2021 par Helmar Schöne, professeur à l‘école pédagogique de Schwäbisch Gmünd, intitulée « EU unterrichten in der Schule – eine Bestandsaufnahme » (= Enseigner l’UE à l’école – un état des lieux)2 , qui se base sur un projet Monnet.

Voici quelques thèses tirées de ces études qui peuvent aider à orienter la suite du travail.

- La connaissance de l’UE est souvent considérée comme une sorte de « doctrine secrète », ce qui entraîne un sentiment d’impuissance chez les enseignants et les élèves.

Les études qui s’intéressent au niveau de connaissance de la population sur l’Union européenne aboutissent la plupart du temps à des résultats décevants : en règle générale, les Allemands savent peu de choses sur l’UE, que ce soit sur les institutions politiques européennes, leurs missions, les acteurs centraux ou la manière dont les décisions sont prises. Ce qui est vrai pour la population l’est tout autant pour les élèves : une majorité d’élèves ne s’intéresse généralement pas à la politique et encore moins à la politique européenne. L’UE et la politique européenne sont souvent perçues comme un enseignement secret auquel les jeunes n’ont pas accès.

- Ces constatations nécessitent toutefois certaines restrictions : en effet, on ne peut pas parler d’un désintérêt général pour la politique européenne et ses conséquences. Il n’est pas possible d’expliquer autrement les poussées de mobilisation isolées, par exemple Fridays for Future et Pulse of Europe, mais aussi les protestations de jeunes (en Allemagne) à l’occasion des débats au Parlement européen sur les réglementations concernant les médias sociaux et l’Internet en général, qui ont été comprises comme des restrictions de leur propre liberté.

- Ce ne sont pas les programmes scolaires qui expliquent en premier lieu l’absence d’une transmission réussie des connaissances sur l’UE. L’expérience montre que le domaine thématique de l’UE n’est pas apprécié à l’école. Cela vaut d’une part pour les enseignants, qui se sentent souvent dépassés par la complexité du fonctionnement de l’UE et ont du mal à classer de manière appropriée les développements européens actuels et à les faire comprendre à leurs élèves. De plus, les thèmes européens sont souvent enseignés par des enseignants non spécialisés, c’est‑à- dire qui n’ont pas été formés pour cela, en particulier dans les écoles primaires, les collèges et les lycées.

- Le fait que « l’Europe » ne soit pas encore un projet achevé et qu’elle puisse être façonnée par nous tous, enseignants et élèves, n’est pas un avantage pour l’école et l’enseignement, mais plutôt un inconvénient. En effet, l’évolution constante de l’UE exige des enseignants qu’ils soient prêts à effectuer des recherches et à suivre des formations continues afin de rester à la pointe de leurs connaissances.

- L’importance du projet d’intégration européenne tient avant tout au fait que les États se sont volontairement soumis à une législation supranationale – même si ce n’est que dans certains domaines et avec des compétences limitées. Cet abandon volontaire de souveraineté est unique dans l’histoire et n’est pas suffisamment thématisé dans de nombreux matériels pédagogiques.

- Une étude montre que les modèles ou les visions de l’Europe en Europe de l’Est ET de l’Ouest ne sont souvent qu’un grossissement de leur propre conception nationale de l’État. Concrètement, les Allemands, par exemple, critiquent l’UE (en classe et au-delà) comme étant trop peu fédérale et parlementaire et ont du mal à reconnaître que l’UE est et sera quelque chose de propre.

Tous les défis peuvent être regroupés sous le titre « plus de professionnalisme ».
Cependant, ce ne sont ni les perspectives directrices ni les journées de projet qui permettent de créer durablement plus de professionnalisme, mais plutôt de nombreuses formations continues qualifiées, de préférence des formations qui sont elles-mêmes européennes.
Or, celles-ci n’existent que rarement, voire pas du tout (du moins en Allemagne) !

1 Elias, Norbert : Wandlungen der Ich-Wir-Balance (1987), in : Elias, Norbert : Die Gesellschaft der Individuen, Francfort 1987, ici : p. 281
2 Schöne, H. : Enseigner l'UE à l'école - un état des lieux, dans : Frech, Siegfried e.a. : L'Europe dans l'éducation politique. - Francfort/Main 2021, 85-100
Publié par Alfons Scholten dans Alfons Scholten, CECI dit, 0 commentaire

France – Allemagne : poursuivons la tâche

Le couple franco-allemand, ainsi dénommé en France, est une union forte de deux nations. C’est l’ensemble majeur de la construction européenne depuis plusieurs décennies. Il concerne aujourd’hui une population de plus de 150 millions d’habitants.

Cette année les deux nations fêtent le 60e anniversaire du Traité de l’Élysée. Ce dernier fixe les objectifs d’une coopération entre l’Allemagne et la France dans les domaines des relations internationales, de la défense, de l’éducation et de la jeunesse. Surtout, ce traité entérine la relation de confiance et d’amitié qui s’est instaurée entre ceux que l’on peut qualifier d’anciens « ennemis héréditaires ». C’est cela qui est remarquable et important car réalisé une petite dizaine d’années seulement après le début de la réconciliation. Ne l’oublions pas car c’est le fondement majeur de notre Union européenne telle que nous la connaissons d’aujourd’hui. Elle trouve son essence dans la Déclaration de Robert Schuman du salon de l’Horloge le 9 mai 1950. « En quinze lignes, il proposait tout simplement de supprimer l’opposition séculaire entre la France et l’Allemagne » se souvient Jean Monnet.1

À l’époque, il s’agissait de faire se rencontrer les jeunesses des deux nations afin de rapprocher deux pays, deux peuples, deux cultures, un passé et un passif historique commun. Comme beaucoup j’en ai bénéficié. Ce fut ma première découverte de l’Allemagne.

Au nom de la paix, de la solidarité et de la prospérité cela a fonctionné au fil des ans. C’était une volonté citoyenne et pas seulement une décision de chefs d’État. Même si, on se doit de le souligner, de bonnes relations entre dirigeants des années d’après-guerre ont grandement facilité les choses. C’était aussi une vision de Schuman : «  Au delà des institutions et répondant à une aspiration profonde des des peuples, l’idée européenne, l’esprit de solidarité communautaire, ont pris racine »2. La coopération franco-allemande est de cet esprit.

Elle est la pierre angulaire pour l’avenir de l’Union. Plus que jamais, elle repose sur le succès et de la pérennité de cette coopération exceptionnelle et originale dans le monde. Robert Schuman l’annonce : « Cette idée « Europe » révèlera à tous les bases commune de notre civilisation et créera peu à peu un lien semblable à celui dont naguère se sont forgées les patries. Elle sera la force contre laquelle se briseront tous obstacles ». Il ajoutait que ce ne serait pas toujours simple car disait ‑il « rien de durable ne s’accomplit dans la facilité ». Notre époque le confirme à nouveau.

Au cœur du projet européen qui en découle, la citoyenneté européenne est une réalité pour les deux pays.

Souvent occultée, sinon comprise comme un ensemble de droits – dont la libre circulation des personnes, l’élection au suffrage universel des députés au Parlement européen et l’éligibilité lors des élections locales et européennes – cette citoyenneté commune s’affirme être un moteur pour que Allemands et Français avancent de concert.

Le projet européen repose en grande partie sur la compréhension et l’acception de cet élément de la culture commune des membres de l’Union européenne.

Mais cette citoyenneté est-elle véritablement installée dans les consciences, voire même acceptée ? Si elles ne peuvent se confondre avec la nationalité, ni la citoyenneté commune ni la culture de l’UE ne font l’objet, sauf à de rares exceptions, d’un enseignement ou d’une éducation dans l’un et l’autre pays. C’est pourtant une base essentielle pour que le projet européen puisse se poursuivre avec une plus forte intégration, et à terme peut-être une définition nouvelle de ce que sont l’Union et sa gouvernance.

Le CECI, avec le soutien du Fonds citoyen franco-allemand, les patronages de la Commission européenne et du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, a voulu en 2022 ouvrir la réflexion en organisant en décembre dernier un colloque qui faisait suite à un questionnaire en ligne dans le prolongement de ses travaux lors de la Conférence pour l’Avenir de l’Europe.

Cette consultation s’est déroulée à la fois dans un contexte international et européen bouleversé (Covid, Guerre en Ukraine), et dans la perspective du 60e anniversaire du Traité de l’Élysée. L’analyse a permis de se poser les questions de la formation, de l’éducation et de la socialisation à l’Europe des citoyens de l’Union européenne en prenant spécifiquement le prisme franco-allemand et celui de l’intergénérationnel. Il a donné lieu à des échanges approfondis. Les pratiques comparatives et explicatives ont permis de faire faire émerger des réalités, avec similitudes mais aussi différences. Deux visions de la citoyenneté européenne comme constituant majeur ont ainsi été explicitées lors de ce premier colloque rassemblant des acteurs des deux pays.

2023, année du 60e anniversaire du Traité de l’Élysée, doit permettre d’approfondir les deux questions centrales de cette citoyenneté partagée et l’acceptation de la culture commune. Sans laquelle, les décisions prises au niveau de l’UE aussi bonnes soient-elles ne seront intégrées par les peuples européens.

Cela n’enlève en rien les contenus des cultures nationales. Bien au contraire, il faut les faire connaître. C’est tout l’esprit des relations franco-allemandes de notre temps, au même titre que l’union des pays européens. « L’établissement des relations culturelles que nous développons entre la France et l’Allemagne, entre étudiants, professeurs, scientifiques, syndiqués, etc., marque des progrès exceptionnels » écrit en son temps Schuman. Poursuivons la tâche.

 1 Jean Monnet Repères pour une méthode, propos sur l’Europe à faire, Fayard. 
 2 Robert Schuman, Pour l’Europe, Nagel.
Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, 1 commentaire

Le défi du Traité d’Aix-la-Chapelle

Réflexion sur les partenariats franco-allemands et européens à l’approche des 60 ans du Traité de l’Élysée.

En 2022 et 2023, les anniversaires de l’histoire européenne se multiplient : 70 ans du Parlement européen ou de l’Assemblée parlementaire, 60 ans de la fin de l’Europe en Afrique suite aux accords d’Évian, 30 ans du Traité de Maastricht, 10 ans du prix Nobel de la paix, … et bientôt les 60 ans du Traité de l’Élysée.

Ce traité a été une grande réussite pour les dirigeants politiques de l’époque en France et en Allemagne, de Gaulle et Adenauer. Il a été rendu possible parce que de nombreuses organisations de la société civile avaient préparé le terrain, déjà avant la fin de la guerre dans les camps de prisonniers de guerre des deux pays et en partie avec le soutien du gouvernement militaire français dans sa zone d’occupation allemande. Mais ce fut aussi une performance particulière de certains représentants de l’Église catholique, comme l’évêque Théas de Montauban, fondateur de Pax Christi, mais également de personnalités ayant des racines dans le judaïsme allemand, comme Alfred Grosser et Joseph Rovan qui, en tant que directeur du bureau Éducation populaire, a marqué de son empreinte de nombreuses orientations de la politique culturelle et éducative. Mais depuis 1950, des jumelages comme celui de Ludwigsburg et de Montbéliard ont également constitué une base solide pour le rapprochement officiel franco-allemand en 1963. La coopération civile et sociale est donc allée de pair avec le rapprochement politique, si ce n’est l’a précédé.

Dans ce contexte, en lisant le Traité d’Aix-la-Chapelle (2019) dont le but consiste à compléter et renforcer son prédécesseur de 1963, on peut se demander si ce précepte est toujours valable aujourd’hui ou si les problèmes actuels de la coopération franco-allemande officielle ne sont pas dûs au fait qu’il semble manquer un fondement social. En voici quelques exemples : Les articles 2, 5 et 24 stipulent notamment que « les deux États procèdent régulièrement à des consultations à tous les niveaux avant les grandes rencontres européennes et s’efforcent ainsi d’établir des positions communes », que les deux gouvernements « procéderont à des échanges entre leurs cadres dirigeants » et qu”  »au moins une fois par trimestre, un membre du gouvernement de l’un des deux États, à tour de rôle, participe à une réunion du cabinet de l’autre État. » Quelles sont les associations, les organisations ou même les écoles – éventuellement dans la zone frontalière – qui peuvent prétendre que leurs cadres se rencontrent régulièrement et adoptent des positions communes sur des questions essentielles les concernant et qui échangent leurs cadres ? Cela pourrait contribuer à améliorer la qualité de leur coopération et à développer des perspectives d’avenir communes.

L’avenir est décrit à l’article 9 comme un « espace culturel et médiatique commun », auquel les « instituts culturels intégrés » doivent également contribuer. L’article 11 évoque en outre le développement de l’Université franco-allemande et la participation aux universités européennes. Quelles associations, organisations et écoles en France et en Allemagne considèrent leur coopération comme une contribution à la création d’un espace éducatif franco-allemand et s’efforcent d’harmoniser toujours plus leurs activités et de les intégrer peu à peu ? Les associations et les organisations pourraient disposer à moyen terme d’un instrument approprié à cet effet avec le statut d”« association européenne », actuellement en discussion au Parlement européen1.

Il est temps que les organisations et institutions de la société civile – aujourd’hui et non pas dans 60 ans – reviennent à la hauteur de la politique officielle, si ce n’est qu’elles deviennent des précurseurs pour les services et institutions étatiques !

1 voir à ce sujet le « rapport Lagodinsky » présenté au Parlement en février 2022 : https://lagodinsky.de/eunite4democracy/?lang=en (19.12.2022)

Publié par Alfons Scholten dans Alfons Scholten, CECI dit, 0 commentaire