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Robert Schuman : catholique, personnaliste et européen

En ce 4 septembre est célébré le 60e anniversaire de la mort de Robert Schuman. Si on le connaît comme l’auteur de la déclaration du 9 mai 1950, comme Père de l’Europe, l’homme était d’une grande simplicité, humilité et porteur d’identités multiples. Né au Luxembourg mais allemand de naissance par sa mère et doublement après l’annexion de la Lorraine. C’est donc en Mosellan qu’il entre en politique et au gouvernement en 1940. Il occupera de nombreuses fonctions dans des gouvernements successifs jusqu’à installer son image et sa voix dans les années 50.

Un homme de foi

Ce que l’on sait moins de l’homme, car souvent occultée, c’est son implication dans la foi catholique. Pratiquant tenace (il allait à la messe tous les jours), il était ancré dans la prière et oblat d’un monastère bénédictin. Il agit en chrétien engagé s’appuyant sur l’Évangile et, entre autres textes, sur la doctrine sociale de l’Église.
Il place impérativement la personne au centre de tout projet politique. Sa vision, son espérance de l’Europe étaient humanistes. S’il parlait en plein conflit de la nécessaire réconciliation franco-allemande, dans son discours prenait place les identités et appartenances «  En tant que chrétien et en tant que citoyen, notre devoir est de construire une Europe de la paix ».
On peut affirmer sans risque de se tromper que Schuman est un modèle de « politique chrétienne ». Il avait cette profondeur de réflexion, cette volonté de construire concrètement ce qui deviendra plus tard l’Union européenne.
Un ensemble de vie qui fera de Robert Schuman un Vénérable de l’Église catholique lorsque le pape François autorise l’ouverture d’un procès en canonisation en 2021. À Bruxelles, en ce 4 septembre est célébrée une messe à sa mémoire par la Commission des Évêques de l’Union européenne, la COMECE.

Un personnaliste

Membre du MRP, son inscription philosophique est en cohérence avec ses convictions religieuses et politiques. Il puise sa ressource chez des auteurs comme Jacques Maritain ou encore Emmanuel Mounier. Au niveau international il se retrouve en accord avec des personnalités internationales comme un Giorgio La Pira, le maire de Florence. Avec et comme eux, Schuman place la personne au cœur du projet politique. Il s’interroge sur deux concepts qui font débat chez les intellectuels de l’époque : la domination et la liberté. Ce qu’il aimerait voir s’installer c’est le libre arbitre de la personne à condition de lui en donner les moyens. C’est dans cet esprit qu’il s’appuie sur le principe personnaliste de gouvernement d’Emmanuel Mounier qui porte une vision éthique de la personne. La personne est opposée à l’individu égoïste et isolé. C’est l’esprit voulu pour les Européens par Schuman dans son livre « Pour l’Europe ». C’est ainsi que le concept de subsidiarité trouve peu à peu sa place dans le vocabulaire politique européen validé plus tard par le Traité de Maastricht.

Un européen convaincu

C’est en Européen convaincu, en apôtre de la paix, qu’il pense à la construction européenne dès la fin de la seconde guerre mondiale. Cela passera par la réconciliation entre les ennemis d’hier, la France et l’Allemagne. L’idée n’est pas nouvelle chez lui lorsque en 1950, il prononce son discours décisif dans le salon de l’horloge au Ministère des Affaires étrangères.
Avec Monnet il lui donne ce caractère original dans le monde de l’époque, validé par les pays fondateurs des Communautés européennes. Ce sera la CECA puis la CEE. La citoyenneté est déjà inscrite dans ses écrits et propos même si elle n’est, à ce moment là, pas encore une réalité. S’il admet avoir dû commencer par l’économie, il sait, parce que visionnaire, que l’Europe va progresser.
Pas d’un seul coup, pas dans une réalisation d’ensemble avec des crises successives qui lui permettront d’évoluer. Il ne voit pas l’Europe comme un État. Ce n’est pas sa vocation dira-t-il.
Pourtant 60 années après sa disparition, avec le retour de la guerre sur le continent et les complexités de notre monde, beaucoup se posent la question.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 2 commentaires

22 janvier et 4 septembre : l’année des 60 ans

L’année 2023 a débuté avec la célébration le 22 janvier du 60e anniversaire du Traité de l’Élysée incarnant la réconciliation franco-allemande signée par Charles de Gaulle et Konrad Adenauer.
Cette initiative en 1963, bien loin d’une simple signature, a non seulement scellé l’amitié entre les deux peuples longtemps belligérants, mais a constitué un socle pour ne pas dire un tremplin à la construction européenne. En effet, que serait l’Europe aujourd’hui sans cette base franco-allemande, nommée moteur ou couple selon la rive du Rhin ?

Toute initiative européenne passe par l’assentiment de ce duo incontournable tant par la symbolique qu’il représente que par la nécessaire mise en œuvre qui en découle.

L’année 2023 fait également écho à un autre 60e anniversaire : celui du décès de Robert Schuman en ce 4 septembre. Lui qui a connu trois nationalités – allemande et luxembourgeoise par sa naissance, puis française après la restitution de l’Alsace-Lorraine suite au Traité de Versailles en 1919 – est considéré comme l’un des Pères fondateurs de l’Europe aux côtés du Français Jean Monnet, de l’Allemand Konrad Adenauer, de l’Italien Alcide de Gasperi, du Belge Paul-Henri Spaak, du Néerlandais Johan Willem Beyen et du Luxembourgeois Joseph Bech.

Les Pères fondateurs, Scy-Chazelles

Les Pères fondateurs, Scy-Chazelles

La construction européenne, certes imparfaite parce qu’encore inachevée, trouve sa source dans le discours du 9 mai 1950 prononcée par Robert Schuman, alors ministre français des affaires étrangères, qui au travers de cette déclaration au Salon de l’horloge du Quai d’Orsay a osé au lendemain de la guerre croire en la paix. Quel pari ! Quel courage ! Quelle audace !

Le socle d’une paix durable était nécessaire ; il savait de quoi il parlait, l’homme aux nationalités successives et subies. Certes, mais parler de réconciliation à des opposants dont plusieurs générations s’entretuaient depuis 70 ans, mettre en présence les belligérants de la veille alors que les plaies étaient loin d’être pansées, faire œuvrer six peuples dévastés par les horreurs guerrières des années précédentes pour produire ensemble charbon et acier, il en fallait de l’espoir et de la conviction. De la foi aussi, en particulier dans la personne humaine.

De notre fenêtre aujourd’hui, mesurons-nous réellement le socle de valeurs humaines et humanistes chez cette personne ?
Quand on n’a connu la guerre qu’au travers des souvenirs de proches, de récits ou de cours d’histoire (aujourd’hui les Français de plus de 75 ans ne représentent que 10 % de la population, les chiffres sont quasiment identiques chez nos voisins allemands), on ne peut mesurer pleinement les épreuves et traumatismes qui s’inscrivent chez ceux qui subissent de plein fouet la tragédie guerrière.
La dramatique actualité vécue par le peuple ukrainien depuis 18 mois nous rappelle non seulement la fragilité de la paix, mais aussi l’exposition proche pour les peuples qui n’ont pas
eu la chance de suivre les chemins de paix initiés par leurs courageux aînés.
Dans notre Europe de l’ouest, nous nous sentons à l’abri. Nos voisins d’Helsinki, Riga ou Bucarest mesurent sans doute plus que nous les risques auxquels nous échappons actuellement, tout cela grâce à l’Union européenne.

Depuis le 4 septembre 1963, Robert Schuman repose en terre mosellane, sur les hauteurs de Scy-Chazelles non loin de Metz. C’est là que s’est arrêté son parcours européen à 77 ans, mais pas son œuvre ; bien au contraire, elle est poursuivie depuis des décennies par des hommes et des femmes, par le Peuple européen qui construit son histoire commune.

Dans quelques mois au printemps prochain, ce peuple justement aura de nouveau rendez-vous avec l’Histoire, pour la 10e fois dans le cadre du renouvellement de ses représentants au Parlement européen. Robert Schuman n’a pas connu cet événement démocratique, mais nul doute qu’il en serait fier.

Publié par Marie-Laure Croguennec dans CECI dit, Les contributeurs, Marie-Laure Croguennec, 1 commentaire

L’Europe, une affaire d’ajustement permanent et tous azimuts

Ç’aurait pu au départ n’être qu’un texte comme tant d’autres, de ceux qui régulièrement viennent encombrer nos ordinateurs, et bien plus rarement notre esprit. Mais il était dit que celui-là allait réveiller en moi de lointains souvenirs, si éloquents sur la manière de percevoir, ou non, la réalité et les limites de la construction d’une Union effective entre nos pays membres, entre leurs économies, et finalement entre leurs citoyens.

Le texte datait du 11 août, un moment où a priori les attentions sont en relâche et les observateurs sur les plages ! Il ne s’agissait que d’un banal communiqué de presse, comme en diffusent tant les institutions et qui (l‘auteur fait ici son mea culpa pour en avoir rédigé tant et tant !) sont comme la poésie surréaliste : l’essentiel est dans le non-dit !
Et pourtant dans les quelques lignes qui retinrent mon attention, plusieurs éléments intéressants étaient cités : d’abord le fait que le Fonds d’Ajustement à la Mondialisation (FAM) avait aidé 13 000 travailleurs licenciés à se recycler et à retrouver un emploi, et que sur une année 51,8 millions € avaient été consacrés à cette tâche humainement essentielle.

Il était encore indiqué que ce Fonds avait consenti 14 interventions dans neuf États membres et pour les secteurs du transport aérien et de l’automobile, de l’entreposage et des transports terrestres. Tous les travailleurs concernés avaient été indirectement victimes de la concurrence mondiale, exacerbée par la crise du Covid. On objectera que la somme ainsi engagée est relativement dérisoire au regard de l’impact attendu – ou redouté – des restructurations liées à l‘ouverture des frontières mondiales. Mais ce serait en même temps oublier qu’on ne chiffre nulle part les bénéfices engrangés par les entreprises qui, elles, ont su et pu, pour des raisons de stratégie et/ou d’opportunité, « se placer » et tirer avantage de la levée des barrières douanières.

Et puis surtout, l’existence de ce FAM, appelée de leurs vœux et de leur action par les syndicats européens, est en soi révélatrice du souci de « coller » aux réalités du vécu humain des entreprises. Un autre chiffre est plus stimulant : depuis 2007, le FAM a versé 688 millions € dans 77 cas de licenciements collectifs, aidant près de 168 000 travailleurs licenciés, dans 20 États membres, ce qui n’est en rien dérisoire !
D’autant que les bénéficiaires sont le plus souvent des travailleurs sous-qualifiés et défavorisés confrontés aux nouvelles exigences du marché de l’emploi. Avec un budget annuel de 210 millions €, il peut financer 60 à 85% du coût des actions visant à adapter ces travailleurs à de nouvelles activités, ou à les aider à créer leur propre entreprise.

Cette action discrète mais néanmoins concrète m’a rappelé les discussions acharnées menées un soir d’octobre 1992 face aux agriculteurs de ma région venus manifester devant chez moi avec force tracteurs, banderoles, hauts parleurs, micros, journalistes et caméras, tandis que de discrètes forces de l’ordre étaient en théorie chargées de veiller au grain au cas où…
On venait d’annoncer en fin d’après-midi la conclusion à Blair House d’un accord entre l’Europe et les États-Unis sur les produits agricoles, préalable indispensable au succès quelques semaines plus tard des négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce.
La colère des manifestants de ce soir-là, qui ignoraient tout comme moi la teneur exacte du compromis obtenu de haute lutte après des mois d’un homérique bras-de-fer tenait à l’impression qu’on les lâchait sans défense et comme vulgaire monnaie d’échange face au monstre américain, à la compétitivité réputée inégalable et sans partage.

Dans les propos que je tins à mes interlocuteurs forcés de cette nuit pluvieuse d’automne, je rappelai que ces accords étaient par définition basés sur la réciprocité et que chacun aurait à y gagner, que des clauses de sauvegarde étaient prévues, une précaution essentielle, notamment en agriculture où – on l’oublie trop souvent – le premier décideur reste avant tout le ciel – et qu’enfin, les mêmes règles s’appliqueraient à tous, fût-ce après une période de transition dont chacun aurait à gagner. De surcroît, ces accords valaient pour 5 ans et donneraient lieu à examen critique et à négociations en vue de leur renouvellement, sans oublier les clauses de sauvegarde dans le pire des cas.
Allait suivre, passé la ratification votée de haute lutte par les Parlements nationaux et européen, le processus de Doha, finalement remplacé par une stratégie d’accords bilatéraux, sans doute mieux adaptée aux mentalités et aux réalités du moment.

Dans un domaine plus industriel, la création de ce FAM, auquel le Parlement européen s’était en particulier attaché, est un exemple de cette stratégie d’accompagnement qui vaut pour tous les secteurs de l’économie et pour toutes les régions.
Elle illustre mon propos d’alors que je maintiens un quart de siècle plus tard : la mondialisation est une chance pour tous.
Ce qui serait un risque inacceptable et insupportable, ce serait une mondialisation sans règles du jeu et réduite alors à une sorte de football sans arbitre. Et celle-là pourrait très bien s’imposer d‘elle-même, quitte à ce que ce soit la résultante d’une épreuve de force où nous n’aurions sans doute, même à Vingt-sept, pas la force de tenir dans la durée.
L’ajustement à la mondialisation, c’est aussi, et peut-être surtout, une affaire de mentalités. Comme la construction d’une Europe du reste. N’est-ce pas ce à quoi faisait allusion Robert Schuman le 9 mai 1950 quand il parlait de réalisations concrètes débouchant sur une solidarité de fait ?

Publié par Philippe Tabary dans CECI dit, Les contributeurs, Philippe Tabary, 0 commentaire

Nouveaux billets en euros : et si on osait l’incarnation ?

Bonne idée ! Jusqu’au 31 août 2023, la Commission européenne invite les citoyens européens à s’exprimer sur le choix du thème des nouveaux billets en euros dont la mise en circulation est prévue pour 2026.
Certes, la monnaie papier perd de vitesse au profit du paiement numérique ou par carte – pourtant tout aussi « liquide » que les espèces – mais autres temps, autres mœurs, nous adoptons de plus en plus l’usage des nouvelles technologies au quotidien, y compris pour les achats. Il n’en reste pas moins que la concrétisation de la monnaie unique passe par l’existence des espèces sonnantes et trébuchantes que sont les 8 pièces et 7 billets qui ont cours depuis le 1er janvier 2002.
Si les pièces sont dotées d’une face nationale, il n’en est rien pour les billets dont les portails, fenêtres et ponts, tous fictifs, avaient pour but de symboliser la coopération entre les pays membres et leur ouverture au monde, associés à des courants architecturaux.

Nouvelle thématique deux décennies plus tard

Si toute une génération s’est trouvée pleinement contemporaine de cette existence numéraire, « vingt ans après leur mise en circulation initiale, il est temps de revoir l’apparence de nos billets de banque, afin que les Européens de tous âges et de tous horizons puissent s’en sentir plus proches » commente Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne.

D’où l’idée d’inviter les citoyens à se prononcer sur 7 thèmes proposés :

  • Fleuves : rivières de la vie en Europe,
  • La culture européenne,
  • Le futur vous appartient,
  • Le reflet des valeurs européennes dans la nature,
  • Les oiseaux : libres, résilients et inspirants,
  • Mains : construire l’Europe ensemble,
  • Notre Europe et nous-mêmes

Ces 7 domaines intéressants et inspirants ont le mérite de nous faire avancer vers des représentations concrètes, signe d’un besoin de représentations symboliques, mais également authentiques.
Si tel est le but, pourquoi alors ne pas oser l’incarnation si souvent jugée trop absente et aller jusqu’au bout en proposant des noms de personnes ?

Besoin d’incarnation… et d’action

En effet, il n’en manque pas des hommes et des femmes pour qui l’Europe a représenté un rêve, une issue, une construction, une œuvre de paix, une solution aux tragédies qu’ils et elles avaient touchées de près, et qui se sont révélés des témoins de notre histoire : de Simone Veil à Robert Schuman, de Louise Weiss à Jean Monnet, d’Anne Franck à Alcide de Gaspéri, de Konrad Adenauer à Paul-Henri Spaak…
Il n’en manque pas des hommes et des femmes d’Europe qui au fil des siècles représentent l’inventivité, l’évolution, le progrès, les arts, la littérature et sont présents dans notre quotidien : de Marie Curie à Léonard de Vinci, de Maria Callas à Vasco de Gama, de Sénèque à Mozart, de Picasso à Beethoven, de Galilée à Aristote, de Freud à Van Gogh…
La liste est longue.

Assurément, une telle sélection s’annonce plus difficile à arbitrer et possiblement génératrice de clivages nationaux pour ne pas dire de guerres de clochers européens. En effet, ces personnalités sont-elles équitablement familières de Dublin à Vilnius ou d’Helsinki à Athènes ? Certes non. Mais les ponts et fenêtres imaginaires l’étaient-ils seulement ?
Et si j’entends déjà d’aucuns augurer que Louise Weiss ou Alcide de Gaspéri ne sont pas suffisamment connus du grand public, ce serait alors une formidable occasion de réparer nos carences culturelles et citoyennes en la matière par un épisode d’histoire européenne présenté à toutes et tous, de l’Atlantique à la Mer noire (la Bulgarie entrera dans la zone euro en 2025), de la Baltique à la Méditerranée.

Savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va

Sans minimiser l’intérêt de chacune des 7 thématiques proposées, colloques, séminaires et publications sur la citoyenneté européenne révèlent régulièrement le manque d’incarnation d’Europe dans la vie de tous les jours.
Or les symboles, la monnaie unique en est un comme le drapeau, l’hymne, la devise ou encore la fête – en attendant que le 9 mai devienne un jour férié -, contribuent à construire la conscience citoyenne européenne. Avec l’euro et le renouvellement de ses billets, nous avons là une chance de faire d’une pierre deux coups : donner plus de proximité à l’Europe et rassembler toutes les générations simultanément en leur faisant vivre cette appropriation.
Un cours d’histoire et de culture européenne intergénérationnel en quelque sorte, pour dépasser cet obstacle de méconnaissance et pour ouvrir la voie d’un plus fort sentiment d’appartenance.

Plus que de laisser les carences éducatives du passé nous enliser dans une acculturation de notre histoire commune, transformons cette fragilité en un formidable élan et allons à la rencontre de ces hommes et ces femmes qui, chacun et chacune de sa fenêtre, de son époque, de son idéal, de son domaine a semé, a créé, a soigné, a pensé, a osé, a œuvré.

Ce choix d’une 8e thématique par des noms de personnes n’est sans doute pas la solution la plus facile, mais quand on dit et redit que l’Europe se construit avant tout par et pour la personne, rien ne serait plus cohérent.
Et l’enjeu européen ne vaut-il pas de relever ce défi ?


Enquête en ligne jusqu’au 31 août 2023 : la BCE consulte

Publié par Marie-Laure Croguennec dans CECI dit, Les contributeurs, Marie-Laure Croguennec, 4 commentaires

Alerte à la vague noire ?

En France, les intentions de vote aux européennes de juin 2024 font du RN le grand gagnant avec 32%. Contre 23% aux élections de 2019, soit une progression de  40% en 5 ans. Cette percée s’inscrit dans un large mouvement de fond européen.
La Hongrie, la Pologne et l’Italie sont gouvernées par l’extrême-droite (ED). Celle-ci fait partie de larges coalitions gouvernementales ou les soutient activement en Slovaquie, Lettonie et Suède, aux Pays-Bas et en Finlande où, après trois mois de négociations et une campagne menée contre l’immigration et l’UE, le mouvement national-populiste des Vrais Finlandais a rejoint le gouvernement. Elle est bien implantée en Allemagne, avec des scores importants de l’AFD dans les régions de l’Est. En Espagne, la domination de Vox dans des scrutins locaux n’a heureusement pas débouché sur une coalition avec la droite à l’issue des législatives du 23 juillet. L’hypothèse reste valable en revanche pour l’Autriche avec un possible retour au pouvoir du FPÖ aux prochaines élections.

Le concept de « cordon sanitaire », né en Belgique à la fin des années 1980 en réaction à la montée du parti d’extrême-droite flamande, ne fonctionne plus. La frontière entre droite et ED s’efface progressivement, des partis conservateurs reprenant les thèmes de prédilection de d’ED.
Cette porosité n’épargne pas totalement la gauche : les sociaux-démocrates danois doivent leur maintien au pouvoir à des mesures sévères contre l’immigration. L’ED s’installe au cœur de nombreuses démocraties européennes, dans un double processus de dédiabolisation de ses idées et d’hybridation avec les partis conservateurs. Cette normalisation passe par l’abandon de la rhétorique anti-européenne au profit de l’Europe des Nations ainsi que par un gommage de surface des pulsions autoritaires. Elle passe aussi, symboliquement, par des dénominations rassurantes : partis de la Liberté aux Pays-Bas et en Autriche, parti des Démocrates en Suède, etc.

Néonazisme, anti-immigration, populisme (au sens de la défense du peuple face aux élites), ultranationalisme et souverainisme, euroscepticisme voire europhobie, enracinement ruraliste ou localiste, sécuritarisme et autoritarisme, rhétorique anti-système et anti-partis traditionnels : nous avons là toute la palette des composantes de l’ED, dont le « mix » et la hiérarchie varient selon l’histoire nationale et les rapports de force politiques.
Ces partis divergent sur le plan économique (socialisants contre libéraux, parfois climato-sceptiques), culturel et religieux (plus ou moins traditionalistes, défendant les valeurs chrétiennes ou la laïcité) et de  la politique extérieure (alignement ou non sur Moscou ou sur les États-Unis).
Mais un socle commun est identifiable :
1) rejet de l’immigration et glorification de l’identité ;
2) souverainisme ;
3) autoritarisme et sécuritarisme.

Ce qui se passe au Parlement Européen est la résultante de ces tendances nationales. On observe une montée en puissance de la droite nationaliste-conservatrice eurosceptique, le groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR), dont Georgia Meloni est l’ex-présidente et dont sont membres le parti polonais Droit et justice (PiS), les « Frères d’Italie » et Vox. Sur une frange plus radicale, identitaire, anti-immigration et europhobe, Identité et Démocratie (ID), où siègent la Ligue du Nord italienne, le RN et l’AFD, bénéficie d’un nombre de sièges comparable. Ensemble, ces deux groupes pèsent 126 sièges sur 705, soit 18% du Parlement.
Depuis plusieurs mois, un projet de coalition entre le Parti populaire européen (PPE) et ECR, gagne du terrain dans les cercles européens et nationaux. L’éventualité pour l’ID de s’y associer paraît peu crédible, ce groupe étant opposé aux sanctions contre la Russie, contrairement à ECR. Sans bâtir de scénarios sur les regroupements possibles à l’issue des élections de juin 2024, il faut considérer que ces groupes, même non unis sous une même bannière, créeront des alliances d’opportunité, susceptibles d’imposer leur vote. Leur rapprochement récent avec le PPE sur des dossiers essentiels comme celui du Pacte Vert en est un signe annonciateur.

Cinq raisons nous semblent expliquer la percée de l’ED :

  1. L’enjeu premier des migrations avec une volonté populaire de fermer les frontières nationales aux migrants dont les cultures sont vécues comme incompatibles, voire menaçantes pour les valeurs traditionnelles. L’UE est considérée comme trop permissive vis-à-vis des étrangers. Ses difficultés à définir une politique commune, le bilan mitigé des accords de Schengen sur la protection des frontières extérieures et certaines incohérences de la politique migratoire, comme l’accord financier conclu il y a quelques années avec la Turquie, sont autant de facteurs amplificateurs.
  2. La montée en puissance de l’ED est aussi une réponse aux forces centrifuges de la dérégulation économique et financière. Pour de nombreux Européens fragilisés et inquiets pour leur avenir, l’UE, abusivement réduite par l’ED à « l’Europe de Bruxelles », fait figure de coupable idéal, incapable de les protéger des excès de la mondialisation. Les crises économiques successives sont venues accentuer cette défiance, sur fond de politique sociale européenne trop timide car régulièrement battue en brèche par les pays scandinaves, les Pays-Bas et l’Autriche, attachés à préserver leur modèle national.
  3. Le succès de l’ED s’explique également par le manque de vitalité idéologique des partis traditionnels. S’y ajoute une crise récente du centrisme européen : les quatre partis du groupe Renew (dont le parti français Renaissance) subissent une baisse de crédibilité dans les sondages. La difficulté du fonctionnement démocratique institutionnel à définir un horizon collectif est aussi un facteur d’insatisfaction croissante et d’envie, au moins symbolique, de « renverser la table ».
  4. Un aspect conjoncturel ne doit pas être négligé : face à deux crises majeures, la pandémie puis la guerre en Ukraine, l’UE a apporté la preuve de sa capacité de résistance et d’adaptation aux chocs externes et a effectué quelques pas vers plus d’intégration. Cette solidité inattendue et le « spectre » du fédéralisme ne peuvent que servir de repoussoir à des partis nationalistes europhobes.
  5. Enfin, un système très élaboré d’influence numérique, ciblant particulièrement les jeunes publics, bénéficiant du soutien de riches alliés nord-américains ainsi que d’autres puissances étrangères, permet à l’ED d’occuper une place disproportionnée sur la toile.

On pourra objecter que Victor Orban n’est plus au faîte de sa gloire, que le PiS s’essouffle, que Vox vient de régresser aux législatives. On rappellera que plusieurs petits pays européens (Portugal, Irlande, Luxembourg..) sont épargnés par l’ED. Pour autant, la possibilité d’une prise de pouvoir de l’ED en 2024, seule ou en partage, ne doit pas être négligée.
Ne tombons pas dans le piège d’un rationalisme malvenu face à l’inimaginable, n’oublions pas l’élection de Donald Trump et le Brexit !
Pour faire barrage à cette « vague noire », il n’est plus temps de brandir l’étendard des valeurs. Cette entourloupe idéologique prospère auprès d’une opinion publique profondément déçue par l’incapacité des partis classiques à répondre à ses souffrances. C’est ce terreau-là que les partis de la démocratie doivent faire disparaître en pensant une alternative solide et crédible sans ostraciser les partisans de l’ED.
À ce titre, concilier la préférence populaire pour un niveau moins élevé d’immigration et la nécessité de se montrer accueillant avec les nouveaux venus représente un défi incontournable.
Quant à la tentation du reniement de ses convictions européennes par une partie de la droite, par pur opportunisme électoral, elle ne pose pas seulement une question morale. S’associer à des partis qui n’ont de cesse de l’affaiblir, c’est livrer définitivement l’Europe à la domination des grandes puissances. Avec comme premières victimes, les citoyens européens.

Publié par Patrick Salez dans CECI dit, Les contributeurs, Patrick Salez, 1 commentaire

L’enjeu capital des élections européennes du 9 juin 2024

Comment aborder, à moins d’un an de futur scrutin, la question de l’enjeu de la future élection européenne de juin 2024, la dixième depuis l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct en 1979, avec l’élection de Simone Veil à sa tête ?

Retour sur l’élection de la Commission européenne de 2019–2024

Lorsque l’on regarde la composition des sept groupes politiques actuels au Parlement européen, le parti populaire européen (PPE où siège LR) arrive en tête avec 176 sièges, suivi de Socialisme et démocratie (S&D où siègent Place publique et le PS) avec 145 sièges, puis de Renew (où siège Renaissance) avec 103 sièges. Lors des législatures précédentes, le PPE et S&D avaient à eux deux la majorité absolue. Ce n’est plus le cas dans la mandature 2019–2024 : il faut au mois trois groupes politiques pour atteindre la majorité et la prépondérance du PPE n’est plus absolue, comme on l’a vu lors du dernier vote sur la préservation de la nature où le PPE a été mis en minorité et finalement battu.

À l’initiative de son président, Manfred Weber, le probable détachement de la partie la plus à droite du PPE afin de rejoindre les groupes les plus conservateurs ou anti-européens de l’échiquier politique européen, à savoir les Conservateurs et réformistes européens (ECR : 64 élus) et ceux d’extrême-droite, Identité et Démocratie (ID : 66 élus) pourrait faire basculer la majorité vers ce nouveau conglomérat de la droite dure. N’occultons pas la montée des partis de droite en Europe, notamment en Italie (Georgia Meloni était la présidente du groupe ECR avant son élection à la tête du gouvernement italien) mais aussi en Finlande, en Suède, sans compter sa prépondérance en Pologne, en Hongrie et en Slovaquie ni son étiage élevé et en constante progression en France.

L’élection européenne n’est pas limitée à celle du Parlement européen

N’oublions pas non plus que l’enjeu des élections européennes ne se limite pas à élire des députés européens mais qu’il est bien plus large que cela.
Il s’agit, en effet, de renouveler la direction des trois plus grandes institutions européennes : celles qui font partie du « triangle institutionnel », composé du Parlement européen, du Conseil européen (les chefs d’État et de gouvernement) et de la Commission européenne.
Les détracteurs de la Commission, qui sont légion à dénoncer les abus de pouvoirs de « Bruxelles, une horde de bureaucrates », répètent à l’envi que la Commission est un organisme hors-sol, aux pouvoirs exorbitants et non-élu démocratiquement. de surcroît.

Qu’en est-il dans la réalité ? La candidate à l’élection de la Commission européenne de 2019, Ursula von der Leyen, proposée par Emmanuel Macron au Conseil européen à la place de Manfred Weber, membre d’un parti affilié au PPE, le CDU allemand, n’aurait jamais pu accéder à ces fonctions si elle avait uniquement promu les idées de son parti, ce qu’elle fit pourtant au début. Il lui a fallu rencontrer tous les autres groupes politiques du Parlement qui lui ont fait clairement comprendre que, si elle n’adoptait pas leurs principaux chevaux de bataille, (notamment sur l’action climatique, inspiratrice du Green Deal, le Pacte vert), elle ne recueillerait pas le suffrage de leurs membres. Et avec les seules voix de la droite, elle ne pourrait pas être élue présidente de la Commission européenne. Élue ? Oui, élue par les députés européens, ce qui fut le cas en juillet 2019 avec 52 % des voix, sur la base d’un programme complètement transformé.

Il ne s’agissait pas d’une élection au suffrage universel direct, comme l’auraient rêvé les fédéralistes européens, mais d’une élection au scrutin indirect, comme l’est celle des sénateurs en France, élus par les grands électeurs, eux-même élus au suffrage universel. Vient-il à l’idée de quiconque en France de contester la légitimité démocratique du Sénat et de prétendre que le président du Sénat, Gérard Larcher, n’a pas été élu, sous prétexte qu’il ne l’a été que par ses pairs ? Non, bien entendu.

De plus, une fois élue par le Parlement européen, et non désignée comme on le lit trop souvent dans la presse, Ursula von der Leyen a procédé à la répartition des postes de commissaires, en accord avec les États membres qui ont désigné leurs candidats selon leurs priorités.
Mais ce ne fut pas la fin de l’histoire puisque ces candidats ont dû affronter les députés fraîchement élus au cours d’auditions serrées, menées par les commissions parlementaires concernées, parfois par plusieurs commissions, afin de vérifier leurs habilités à exercer leurs futures fonctions. Et ce ne fut pas un parcours exempt de difficultés puisque la candidate française, Sylvie Goulard, a été recalée par le Parlement européen, ce qui a amené la France à désigner un nouveau candidat, Thierry Breton qui, au titre de son portefeuille de commissaire du marché unique, a pris une dimension prépondérante au sein de la Commission, notamment lors de la crise du Covid et du conflit en Ukraine avec ses conséquences sur l’industrie de la défense.
Ladite Commission (avec un grand C, celle-là), issue de ces auditions parlementaires a fait l’objet d’un vote d’approbation à 65 % en novembre 2019.

Imagine-t-on une telle procédure démocratique en France ? En caricaturant à l’extrême, on pourrait imaginer, à l’issue de l’élection présidentielle, le président de la République fraîchement élu proposer le poste de Premier Ministre à son (sa) chef(fe) de cabinet, le poste de ministre de l’Agriculture au jardinier de l’Elysée, le poste de ministre des Transports à son chauffeur et le poste de ministre de l’Intérieur à son garde du corps, sans qu’aucun ne fut jamais élu ? Et faire approuver la déclaration de politique générale de son (sa) nouveau (nouvelle) Premier(e) ministre par l’Assemblée nationale ?

Et quid des Spitzenkandidaten ?

Et si le principe des Spirtzenkandidaten (les candidats de pointe ou chefs de file) avait été appliqué automatiquement après l’élection européenne de 2019, l’ex-président du PPE, le leader du CSU, Manfred Weber, aurait dû être désigné par le Conseil européen pour être élu par le Parlement européen.
Or, ce candidat, qu’aucun électeur ou électrice des 26 autres pays que l’Allemagne ne connaissait, présentait l’énorme défaut de ne pas parler couramment le français, défaut irrémédiable aux yeux du président français. Même si l’emploi de la langue française régresse constamment au sein des institutions européennes au profit de l’anglais, la Commission devra être présidée de préférence par un ou une francophone, qualité que possède Ursula von der Leyen grâce à sa scolarité à l’école européenne d’Uccle. Elle est, de surcroît, parfaitement anglophone, ce qui est devenu indispensable pour compter aux niveaux européen et mondial.

Et si la droite dure gagnait les élections de 2024 ?

Imaginons maintenant la situation qui résulterait en 2024 d’une élection dont les résultats seraient dominés par une droite dure.
Si le nouveau futur groupe de droite totalisait plus de 50 % des voix, pas de problème ; son (sa) candidat(e) (Jordan Bardella ?), devrait être proposé(e) au suffrage du nouveau Parlement.
Mais si le score cumulé de cette nouvelle formation se situait entre 40 et 50 % des sièges, on pourrait imaginer une coalition de toutes les forces anti-droite pour faire barrage à celle-ci et présenter un candidat de compromis (Stéphane Séjourné ?), pour lequel voteraient plus de 50 % des députés ; ce qu’on appelle la politique du cordon sanitaire en Belgique.
Car, si avec le système des Spitzenkandidaten un(e) candidat(e) d’extrême-droite était automatiquement élu(e) avec quelque 40 ou 45 % des voix, il ou elle pourrait faire des alliances incongrues avec des groupes d’extrême-gauche, dont les positions anti-européennes ne sont guère éloignées.
Heureusement, ce système faussement démocratique ne sera pas d’application en 2024. Mais encore faudra-t-il mobiliser toutes les forces démocratiques afin de faire barrage à l’extrême-droite et éviter d’avoir un trio composé d’ex-PPE, d’ECR et d’ID à la tête des trois institutions majeures.

Un enjeu capital

Comme on le voit, l’enjeu de ces élections européennes du 9 juin 2024 est capital et ne se limite pas, comme aimeraient le croire certains, à un sondage grandeur nature en France à trois ans de la présidentielle de 2027. Le risque de se saisir de cette élection pour donner une leçon au locataire actuel de l’Élysée est bien réel, avec des conséquences qui seraient ravageuses au niveau européen. D’où la nécessité de se mobiliser à tous les niveaux pour inciter les électeurs à aller voter afin de renouveler les dirigeants des institutions européennes européens et non pas pour infliger une défaite au pouvoir en place en France. Il ne faut pas se tromper d’élection, ce serait une tragique erreur.
À nous de bien l’expliquer tout autour de nous.

Publié par Francis Gutmann dans CECI dit, Francis Gutmann, Les contributeurs, 5 commentaires

Restauration de la nature : le Parlement européen dit OUI

À l’annonce des résultats les applaudissements ont fusé dans l’hémicycle ce 12 juillet. Les eurodéputés viennent d’adopter un texte clé du Green deal européen ou Pacte vert pour l’Europe proposé par la Commission européenne. Il s’agit, selon la Commission, « d’une série de propositions visant à adapter les politiques de l’UE en matière de climat, d’énergie, de transport et de fiscalité en vue de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990 ».

Ce que le parlement a voté (et seulement cela) est la loi commune sur la restauration de la nature, la renaturation pour être précis de lieux dégradés par la main de l’homme et bien souvent pollués. Il s’agit d’un processus par lesquels les espèces vivantes « recolonisent » spontanément un milieu ayant subi des perturbations écologiques.

“La terre et la mer à sauver », voici ce qui était en jeu lors du vote de Strasbourg. C’est en tout cas ce qu’annonçait ce mardi le quotidien italien La Repubblica. Même sensiblement édulcoré des critères initiaux, le texte est d’importance et traduit aussi, au delà des fondamentaux environnementaux, la volonté des parlementaires européens de se faire entendre fortement et concrètement à un an des élections européennes.

Il faut le dire le texte n’est pas anodin et oblige États membres et territoires à la restauration d’au moins « 20 % des zones terrestres et marines dégradées à l’horizon 2030, et 100 % avant 2050”.
C’est un texte fort que la Commission et le Conseil portent depuis plusieurs mois. Il est l’expression d’un constat : celui que notre biodiversité est non seulement en danger mais en voie de disparition. Le texte de loi est désormais très clairement institué comme le symbole de la politique environnementale de l’Union européenne.

Au décompte des votes, le texte est adopté avec 336 voix pour. 300 euro-députés ont voté contre et 13 se sont abstenus. À noter, et cela n’est politiquement pas anodin, qu’une motion de rejet du texte proposée par les conservateurs du PPE a été écartée mais à une courte majorité. Cela a du sens et a sauvé le texte. Une victoire indéniable pour les camps institutionnels et pro-environnementaux qui s’inscrit dans la voie et la volonté de la durabilité. Précisons que le poids des scientifiques a également été déterminant tout comme celui des jeunes générations sensibles aux questions qui touchent l’environnement.

Objectif premier : restaurer terres dégradées et espaces marins

Lorsque l’on habite, comme moi, en Bretagne, un territoire urbain-rural et maritime, l’enjeu est connu et donc largement soutenable. Le texte vise en effet à imposer aux États membres des objectifs contraignants de restauration des terres et espaces marins abîmés par la pollution ou l’exploitation intensive, dans la lignée de l’accord de la COP15 à Montréal axé sur la protection de la nature et les moyens de mettre un terme à l’appauvrissement de la biodiversité partout dans le monde.

Ainsi, les Vingt-Sept vont devoir instaurer d’ici 2030 des mesures de restauration sur 20 % des terres et espaces marins à l’échelle de l’UE, puis d’ici 2050 sur l’ensemble des zones qui le nécessitent. Selon la Commission européenne « plus de 80 % des habitats naturels dans l’UE sont dans un état de conservation « mauvais ou médiocre » (tourbières, dunes et prairies tout particulièrement), et jusqu’à 70 % des sols sont en mauvaise santé. Tout cela étant dû aux pollutions successives, à l’urbanisation, les exploitations intensives, etc. ».

Soyons clairs, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur des métiers mais plutôt sur des pratiques. Et avant tout penser à notre propre devenir, à celui des générations à venir. Le commissaire européen à l’environnement, Virginijus Sinkevicius, en convient. Il a rappelé que cette loi sur la restauration de la nature était, je cite, « la première grande loi européenne sur la nature depuis trente ans et un exemple unique au monde ». Il s’appuie sur les analyses et rapports de scientifiques pluridisciplinaires. En effet, ce sont plus de 3000 chercheurs ont expliqué que « les plus grandes menaces pour la sécurité alimentaire étaient le changement climatique et la dégradation de la nature ».

Sur ce point l’Organisation des Nations Unies prend position. Pour elle comme pour les Européens, pour être efficaces, toutes les dispositions sont à prendre à l’échelon planétaire. Le site onusien stipule que « la survie de l’humanité dépend des écosystèmes, tels que les forêts, les zones humides et les cours d’eau. Ils fournissent de l’eau propre, abritent des animaux, comme les abeilles, essentiels à la production alimentaire, et jouent un rôle clé dans la lutte contre la crise climatique ».

À titre d’exemple, précisons qu’en Europe, « l’érosion des sols affecte 12 millions d’hectares de terres, soit environ 7 % de l’ensemble des terres agricoles, et coûte aux agriculteurs 1,25 milliard d’euros par an en perte de productivité » selon les données de la Commission européenne. Des chiffres à méditer et à reporter dans le contexte.

Au delà du politique, un affrontement entre scientifiques et conservateurs

Les experts affirment qu’en plus de protéger la nature, ce chemin ouvert par les institutions européennes, Conseil, Commission et Parlement européen à la suite de l’ONU peut aider les agriculteurs à augmenter leurs rendements et à renforcer la sécurité alimentaire mondiale. L’ONU et la FAO estiment que chaque dollar investi dans la restauration et la gestion durable des terres peut générer jusqu’à 30 dollars d’avantage économique, notamment une augmentation des rendements agricoles, une meilleure disponibilité de l’eau et une réduction de la dégradation des terres. Mais cela nécessite des changement de mentalités et l’émergence d’un nouveau paradigme. Mais n’est ce pas là le but ?

Il en va de même pour le secteur de la pêche et la ressource halieutique. Deux tiers des écosystèmes océaniques sont dégradés ou modifiés et un tiers des populations de poissons marins sont pêchées de manière non durable.

Sans aucun doute, ce vote va laisser des traces dans l’hémicycle de Strasbourg et dans l’opinion. Il peut être vu comme une opposition entre porteurs d’une sensibilité écologiste et ceux qui s’y opposeraient au nom de la rentabilité des productions. Mais ce serait un raccourci trop rapide et marquerait une insuffisance dans la construction d’une pensée tenant compte de toutes les complexités. Une euro-députée française du PPE justifiait son vote, celui de son parti en revendiquant le « pragmatisme de son organisation politique et une approche productiviste ». Elle dénonçait un texte nuisible à la production agricole et à l’activité économique « de toute production économique, industrielle, forestière et agricole en Europe ».

Les élus écologistes quant à eux regrettent une version du texte trop édulcorée. Mais rappelons que les États membres avaient adopté le 20 juin un texte assez similaire à celui voté par le Parlement.

Au final le parlement, représentant les peuples et citoyens de l’Union, a voté pour des objectifs contraignants afin de restaurer des espaces naturels dégradés. C’est un texte important, un des piliers du Pacte vert de l’Union européenne.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 5 commentaires

Du poing serré à la main tendue…

Autres temps, autres mœurs dit parfois le bon sens populaire, ou du moins ce qui se considère comme tel. L’expression est en tout cas taillée sur mesure pour parler des relations franco-allemandes, en ces temps où on célèbre à si juste titre le soixantenaire du Traité de l‘Élysée qui vit Charles de Gaulle, ancien prisonnier trois fois blessé en 1914–1918, et Konrad Adenauer joindre leurs mains et le destin de leurs patries respectives. Un ancien « poilu » et un père de famille dispensé des obligations militaires mais qui eut à pâtir de ce conflit notamment comme maire de Cologne à partir de 1917 venaient non pas seulement de faire la paix, mais de faire de la paix l’instrument durable de leur Union, et de la prospérité solidaire de leurs deux pays, si souvent jusqu’alors impérialistes en quête de suprématies nouvelles.

La méthode des deux visionnaires ne faisait en vérité que reprendre l’idée, nous devrions écrire l’idéal, d’autres anciens de la Grande Guerre : aussi bien Robert Schuman, affecté administratif dans les rouages allemands du fait de sa santé délicate de Mosellan sous le joug prussien, qu’Alcide de Gasperi, membre du Parlement autrichien depuis 1911 avant le rattachement tant attendu de sa région à l’Italie en 1918, ou Spaak, incarcéré à 16 ans alors qu’il cherchait à gagner la région du Havre et, de là, les troupes belges encore au combat autour du Roi. La force de tous ces hommes, devant les ruines encore fumantes et les millions de morts et d’invalides, de veuves ou d’orphelins en quête de vengeance, fut de donner à cette vengeance un autre tournant : ce n’était plus de l’adversaire de la veille qu’il fallait se venger mais de la méthode pernicieuse qui faisait régulièrement se dresser les uns contre les autres les voisins européens.

Il faut se rappeler que lors de la conférence de La Haye en 1948, dans l’un des pays ayant le plus durement souffert, et le plus longuement puisque jusqu’en mai 1945 du conflit avec les dictatures totalitaires, la délégation allemande fut précautionneusement introduite la dernière. Et que les applaudissements spontanés des congressistes devant ces pénitents qui fondirent en larmes pour assumer les péchés des autres dont ils avaient eux-mêmes souffert dans leur chair, fut l’annonce que le ciment de l’amitié avait pris. Et il n’a cessé de se consolider en nombre comme en profondeur, créant et consolidant ainsi ces solidarités de fait dont Schuman devait dire le 9 mai 1950 qu’elles seraient la manière de construire l’Europe que chacun appelait de ses vœux.

Tel fut le chemin, et ce que de Gaulle et Adenauer sacralisèrent a fait école : seul hôte étranger admis à La Boisserie le chancelier rhénan a fait école : on a beaucoup écrit et parfois ironisé sur les couples Giscard-Schmidt ou Mitterrand-Kohl, mais les deux hommes la main serrée à Verdun valaient tous les discours et sacralisaient toute la démarche. Un grand moment de l’Histoire comme celui qui vit Willy Brandt spontanément à genoux devant le monument du ghetto de Varsovie en 1970, face à des officiels polonais dépassés par la spontanéité et la profondeur humaine du geste de leur hôte. Il est des moments où la résipiscence confine à la grandeur !

Pierre angulaire d’une Europe sans frontières et depuis plus de 70 ans sans conflit sur ses frontières originelles (la plus longue période de paix de son long et tourmenté passé) ce couple franco-allemand a chassé de nos mentalités le mythe de l‘ennemi héréditaire, qu’avait si longtemps occupé l’Anglais et qui était le moyen habile de détourner l’attention et les mécontentements nationaux sur un commode bouc émissaire extérieur. Aujourd’hui, au lieu de s’accuser et de se reprocher les effets, nos pays ont choisi de s’associer et de s’attaquer aux causes, et ce qui vaut si étroitement pour la France et l’Allemagne s’est étendu depuis, et ne cesse de se consolider, jusqu’à associer la quasi-totalité du Vieux Continent. Le Rhin était une coupure, il est devenu une couture. Et nos histoires s’en sont trouvées raccommodées !

Publié par Philippe Tabary dans CECI dit, Les contributeurs, Philippe Tabary, 0 commentaire

9 mai, des symboles… et des actes

Le mois de mai 2023 est riche en jours fériés, tombant pour la plupart en semaine cette année.
À l’exception des personnes n’exerçant pas le lundi, toutes les autres peuvent se projeter dans des semaines hautement raccourcies où le défi consiste à accomplir autant de travail en moins de temps. Un comble en ce mois commençant par la fête… du travail.

En effet, ces jours fériés incombent tout d’abord au 1er mai, fête du travail s’il en est. 7 jours plus tard, on remet ça ; cette fois, c’est pour commémorer l’armistice de la guerre 1939–1945. On ne va pas s’en plaindre : il nous paraît évident et acquis que ces événements hautement symboliques dans le domaine des droits pour l’un et des valeurs de paix pour l’autre soient reconnus au point qu’un effort économique, civique et… de relâche leur soit accordé. Cela dit, s’ils nous semblent évidents et inscrits dans nos calendriers, cela n’a pas toujours été le cas : c’est depuis la Libération et réellement en 1948 que le 1er mai est devenu férié et chômé, mais ce n’est pas le cas du 8 mai qui lui a rejoint les jours enviés du calendrier en 1981. Eh oui ! Alors que l’armistice du 11 novembre 1918 s’est imposé à 4 ans d’âge dans les jours fériés dès 1922, il aura fallu 9 fois plus d’années, soit 36, pour que la paix sur le continent européen soit validée à hauteur de sa grande sœur de 1918. Allez comprendre… Peut-être fallait-il s’assurer que cette fois-là elle serait durable ?

Si aujourd’hui ce calendrier perforé se conjugue parfaitement avec une envie et un besoin de printemps chantant, il ne faudrait pas pour autant négliger l’origine de ces bienfaits. Assurément, quand le calendrier les rend plus visibles, il se peut qu’ils résonnent davantage. Quoi qu’il en soit il ne faudrait pas en oublier la genèse.

Jamais deux sans trois

À défaut de la semaine des quatre jeudis, le mois de mai pourrait et devrait bien accueillir la dizaine des trois jours fériés. Sans minimiser la légitimité des deux premiers, un troisième devrait indubitablement s’imposer : le 9 mai. Non pas parce que Léonid Brejnev l’a imposé en 1965 comme victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie, décalage horaire oblige, mais parce qu’un certain mardi de 1950, le 9 mai, le courageux, le valeureux, l’audacieux Robert Schuman a prononcé un discours au salon de l’horloge du quai d’Orsay appelant les ennemis d’hier à se réconcilier. Presque passée sous silence en son temps, cette date a donné naissance le 18 avril 1951 au Traité de Paris, créant la CECA, première pierre de la construction européenne. Il aura fallu d’ailleurs attendre 1985 pour reconnaître cette date comme l’acte fondateur de l’Europe de paix, celle de la citoyenneté et des peuples.

Les échos médiatiques peuvent la rendre plus ou moins discrète ou visible, mais quelles que soient les années il revient à en célébrer cet acte fondateur, garant de notre paix aujourd’hui âgée de 78 ans : un record quand on sait que les précédentes périodes de paix sur le continent européen n’ont jamais excédé 27 ans.

La faute à qui ?

Alors, à l’heure où depuis quatorze mois les bombes résonnent sur le sol ukrainien, la Paix, durable et continue, ne mériterait-il elle pas une incarnation forte ?
La Paix voulue, souhaitée, et mise en germe par Robert Schuman ne vaut-elle pas une journée fériée dans l’année au sein des vingt-sept États membres de l’Union européenne ?

Comme tout peuple se retrouve dans les symboles comme une devise ou un drapeau, parce que c’est par des réalisations concrètes que se construit le sentiment d’appartenance, un jour commun partagé s’impose comme ciment d’une construction identitaire et citoyenne : à quand le 9 mai, férié et chômé, institué comme un moment partagé entre les 450 millions de citoyens européens ?

Et pour une fois, à juste titre, on pourra dire « c’est la faute à l’Europe ».

Publié par Marie-Laure Croguennec dans CECI dit, Les contributeurs, Marie-Laure Croguennec, 1 commentaire

UE et énergie, quelle politique ?

En matière d’énergie, l’Union Européenne cherche encore sa politique industrielle et prend le risque que son Green Deal soit made in China ou in USA

Depuis 2021, l’Europe est confrontée à une crise des prix de l’énergie sans précédent.
Les raisons sont structurelles, avec entre autres l’organisation fondamentalement libérale du marché de l’énergie, appelé Market Design, la sortie allemande du nucléaire et son corollaire, la dépendance au gaz russe.
Elles sont aussi conjoncturelles : la reprise post-COVID, avec des prix de l’électricité et du gaz qui ont flambé sur les marchés européens et qui atteignent des niveaux insupportables tant pour les entreprises que pour les citoyens. La crise russo-ukrainienne n’a fait qu’aggraver la crise, en doublant cette crise des prix par un risque de pénurie du fait des tensions croissantes sur la sécurité des approvisionnements énergétiques de l’Europe.

Dans nombre de capitales européennes, l’urgence a conduit à prendre des mesures de boucliers tarifaires aussi protecteurs que bienvenus, et de mécanismes de soutien financier aux entreprises, mais souvent en ordre dispersé au risque de créer de véritables distorsions de concurrence entre les différentes économies européennes. Le plan allemand de soutien à l’économie de 200 milliards d’euros en est la parfaite illustration.

Mais si cette crise devait durer, malgré l’accalmie connue début 2023, les États auraient alors bien du mal à perpétuer ces dispositifs au regard de leur coût pour les finances publiques. Au risque de ne plus pouvoir éviter la débâcle industrielle qui résulterait d’un écart durable de compétitivité énergétique entre l’Europe et le reste du monde, car ce n’est qu’en Europe que les prix de l’énergie ont à ce point flambé. Ce sont alors les délocalisations des industries, en particulier les « énergo-intensives », qui pourraient s’emballer. Une catastrophe industrielle doublée d’une crise sociale… sans oublier l’abandon de souveraineté économique.

Le directeur général de l’Agence Internationale de l’Énergie a d’ailleurs déjà exprimé son inquiétude sur l’hiver prochain qui pourrait être encore plus compliqué que le précédent en matière de sécurité des approvisionnements énergétiques de l’Europe.

Il y a donc urgence à aller au-delà des mesures de circonstance et à revoir de fond en comble le marché européen de l’énergie.

La Présidente de la Commission européenne l’a reconnu elle-même. Le marché dysfonctionne et il faut le réparer, quitte à remettre en question trente années de dogmes libéraux à Bruxelles, mais les résistances sont nombreuses, dans les services de la Commission comme dans quelques pays qui ne jurent que par le libre-échange. Rappelons que le marché guidé par la seule concurrence libre et non faussée n’est pas une fin en soi, et dans le secteur de l’énergie, une application plus que rigoriste de la loi du marché peut nous faire passer à côté de l’essentiel, à savoir construire une vision de long terme qui assure la sécurité des approvisionnements et la neutralité carbone.

C’est bien là l’enjeu des prochains mois : réorienter la construction européenne de l’énergie pour quitter le dogme du marché et revenir aux priorités de toute politique énergétique, en tenant compte notamment qu’avec la digitalisation de nos économies et de nos sociétés l’électricité est plus que jamais un bien essentiel relevant de l’intérêt général. Car il en va de l’avenir de l‘industrie européenne et de la prospérité économique du continent.

L’ambition climatique, qui est vitale, ne peut pas faire l’impasse sur la question de la sécurité énergétique. La sécurité énergétique de l’Europe sera probablement et logiquement un des sujets à venir des élections européennes du printemps 2024. Mais à en croire les annonces faites par la Commission le 14 mars dernier, la réforme du marché de l’énergie risque d’accoucher d’une souris… et encore, puisque certains États-Membres se réfugient derrière l’accalmie actuelle sur les marchés de l’énergie pour tenter de réduire la réforme à sa portion congrue.

Certes, la Commission européenne a publié ce printemps le Net Zero Industry Act ou NZIA comme réponse au plan américain appelé IRA ou Inflation Reduction Act, qui ne vise à rien moins que faire du protectionnisme vert. Favoriser l’industrie européenne des énergies renouvelables, y compris gazières, face à ce protectionnisme vert américain, cela va dans le bon sens. D’autant plus, serait-on tenté de dire, qu’Outre-Atlantique, le terme vert englobe de nombreuses technologies bas carbone, dont le nucléaire, puisque l’IRA subventionnera une large palette d’investissements nucléaires.

Oui, le NZIA va dans le bon sens. Mais en Europe, l’idéologie verte continue de régner en maître à Bruxelles : le NZIA évoque le nucléaire du bout des lèvres, et la Présidente de la Commission n’a pas hésité à dire que le nucléaire n’était pas stratégique en Europe. Elle semble avoir la mémoire courte puisque le traité Euratom, un des traités fondateurs de l’Union, stipule que l’UE doit favoriser les investissements nucléaires. Pire, en agissant ainsi, la Commission ouvre un boulevard à l’industrie nucléaire américaine pour conquérir les marchés des pays d’Europe centrale et orientale. Nombre de ces pays, impatients de construire, agrandir ou renouveler leurs parcs nucléaires, cherchent en effet un partenaire sur lequel ils peuvent compter dans la durée pour les aider technologiquement et financièrement. Certains, dont les Polonais, savent pouvoir compter sur leurs alliés américains. D’autres, comme les Hongrois, savent devoir compter sur leurs anciens maîtres russes, restés très présents dans le domaine énergétique.

Au-delà du nucléaire, ne perdons pas de vue que c’est aussi le GNL américain qui inonde le continent européen depuis plus d’un an.

Alors, que fait l’Europe, pendant que l’aigle américain et l’ours russe se disputent l’est de notre continent ? Eh bien, l’Europe choisit de regarder ailleurs. Dans sa fuite en avant vers les énergies vertes, y compris renouvelables intermittentes, considérées à Bruxelles comme la seule solution climatique acceptable, elle prend le risque de se laisser enfermer dans une dépendance à la Chine, qui maîtrise nombre de technologies vertes, solaire et véhicules électriques en tête, et exporte vers l’Europe de plus en plus de composants et équipements de celles-ci. Si la Commission faisait dès 2000 de la diversification des approvisionnements le cœur de sa stratégie, elle a très vite oublié ses propres recommandations….

Est-ce bien ça, une politique industrielle ambitieuse, la sécurité énergétique et l’autonomie stratégique européennes ? Et la course à l’exemplarité pour une forme de fondamentalisme vert que certains poussent à Bruxelles est-elle compatible avec l’impératif d’une stratégie de puissance industrielle ? Le débat est ouvert en amont des élections européennes… pour éviter que le Green Deal cher à la présidente de la Commission ne soit made in China ou in USA !

Publié par Alexandre Grillat dans Alexandre Grillat, CECI dit, 0 commentaire