Marie-Laure Croguennec

1963–2023 : Il était un Traité…

Il avait 15 ans en 1963 à la signature du Traité de l’Élysée. Rencontre avec Christian Latieule, retraité de 75 ans vivant en Île-de-France, marié, père de deux enfants et six fois grand-père, pour qui les 60 ans du Traité représentent bien plus qu’une signature…
Après des études en école, collège et lycée publics à Paris, Christian a exercé toute sa carrière professionnelle dans l’enseignement privé catholique sous contrat avec l’État : instituteur, chef d’établissement scolaire, directeur diocésain adjoint de l’Enseignement catholique à Meaux et professeur à l’Université Catholique de Paris.

À l’inverse de nombre de vos contemporains, vous maîtrisez la langue allemande ; d’où cela vient-il ?
À la fin de la classe de CM2, mes parents ont été convoqués par mon institutrice, Madame Lombardet, qui leur a dit que je devais continuer mes études en collège puis au lycée et que je devais apprendre l’allemand en première langue dès la classe de sixième. Ainsi je me débrouille assez bien en allemand et très mal en anglais, ma deuxième langue… Soyons honnête sur mes compétences en allemand : aujourd’hui si les bases sont venues de mes études, l’essentiel a été acquis par mes relations avec mes amis allemands à Düsseldorf et en Bavière, à Straubing.

Parlons des relations justement, vous avez participé à l’un des premiers échanges organisés par l’OFAJ suite à sa création en 1963 dans le prolongement du Traité de l’Élysée. Vous souvenez-vous de la génèse de cet échange ?
Il y avait un groupe de jeunes dans notre paroisse qui s’appelait la « Communauté Des Jeunes (C.D.J.) » avec plusieurs groupes dont une équipe de handball. Nous étions affiliés à la Fédération Sportive et Culturelle de France (F.S.C.F.) et notre équipe participait au championnat régional de handball. Au début de l’année scolaire 1963–1964, la F.S.C.F. nous a proposé de participer à un échange franco-allemand organisé par l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse lors du week-end de Pâques 1964. Nous y avons rencontré une équipe allemande de Wanne-Eickel près de Dortmund où nous sommes allés en train depuis Paris pour être logés chacun dans la famille d’un joueur de handball de cette équipe allemande.

Comment ce voyage s’est-il déroulé ?

Nous sommes partis de la gare de Paris-est dans un train spécial pour ce voyage avec 750 autres jeunes, essentiellement des sportifs (footballeurs, handballeurs, joueurs de tennis de table, etc.). Nous étions tous des ados entre 16 et 20 ans, encadrés par nos responsables de groupes. Nous sommes restés sur place, à Wanne-Eickel durant trois jours avec un tournoi de handball rassemblant trois équipes allemandes, dont celle de Wanne-Eickel et deux équipes françaises dont je ne me rappelle plus le nom de la deuxième. En revanche, je me souviens que nous n’avons pas gagné le tournoi.

À l’arrivée à Dortmund, nous avons été accueillis de manière extraordinaire : un orchestre qui a joué la Marseillaise, puis de la musique à notre descente du train ; des jeunes et des adultes qui nous accueillaient en agitant des petits drapeaux français et ensuite, des bus nous ont emmenés jusqu’à l’hôtel de ville où nous avons été accueillis par le bourgmestre de Dortmund dans la grande salle des fêtes pour discours et buffet à partager. Ensuite, les bus ont emmené notre équipe de la C.D.J. à Wanne-Eickel où les handballeurs allemands et leurs parents nous attendaient pour nous conduire chez eux où nous nous sommes installés pour les trois jours. Là où j’ai été accueilli, c’était un petit appartement de trois pièces et les parents ont absolument voulu que je dorme dans leur chambre ! Pour deux nuits, ils ont utilisé le canapé qui se trouvait dans la salle de séjour, leur fils étant resté dans sa petite chambre… Incroyable…

Quel écho ce séjour a‑t-il eu dans votre propre famille et votre entourage ?

Des réactions très inattendues pour moi, réactions gravées dans ma mémoire !
À cette époque, les enfants ne parlaient pas à table lors des repas, les jeunes comme moi un peu lorsque l’occasion s’en présentait.
Dans notre famille, nous avions l’habitude de nous retrouver de temps en temps, le dimanche pour déjeuner chez mon arrière-grand-mère maternelle dans un grand appartement, à Belleville (Paris 20e). Nous étions souvent une bonne douzaine de personnes car c’était une grande famille, mon arrière-grand-mère avait eu huit enfants. Vers la fin 1963, nous étions réunis pour un déjeuner familial et, sans doute très content du projet auquel j’allais participer, j’ai dit toute ma joie de bientôt partir en Allemagne pour le week-end de Pâques. Que n’avais-je pas dit là !

C’est alors qu’un grand-oncle du côté de ma mère a interpellé mon père. Cela fait presque 60 ans mais les mots de l’échange avec mon père sont gravés à jamais dans ma mémoire. Cet oncle André interpelle donc mon père en lui disant :
« Jean, j’apprends que Christian, en plus d’apprendre l’allemand, va bientôt partir en Allemagne ; on voit bien que tu n’as pas été comme moi prisonnier en Allemagne pendant cinq ans ! » J’entends encore le silence soudain autour de la table et la réponse de mon père :
« André, je comprends ce que tu peux ressentir mais nos grands-parents se sont battus contre les Allemands en 1870, nos parents encore en 14–18 et nous en 39–45… Eh bien, je ne veux pas que cela recommence pour mon fils ! »

Il y eut un autre silence, puis l’oncle Gustave qui avait lui-aussi été prisonnier en Allemagne a pris la parole avec un bon mot dont il avait le secret ; les adultes ont parlé d’autre chose et cette question n’a plus jamais été abordée aux tables familiales de mon arrière-grand-mère…

Avez-vous conservé des liens avec la famille qui vous a accueilli ?

Non et pour plusieurs raisons que j’essaie d’identifier aujourd’hui : le jeune Allemand chez qui j’étais accueilli n’apprenait que l’anglais et ses parents ne parlaient aucune langue étrangère, il n’y avait pas la richesse des moyens de communication que nous connaissons aujourd’hui, j’ai même perdu le nom et le prénom de ce jeune homme. Il n’y a plus eu ensuite de contact avec le club de handball de Wanne-Eickel…

Cependant, aujourd’hui, je peux dire que « le ver était dans le fruit »… ! En effet, deux ans plus tard en 1966, sur une proposition de la F.S.C.F et avec l’O.F.A.J., je suis reparti en Allemagne pour un échange sportif en tennis de table avec l’équipe allemande de « Rheinland 05 » à Düsseldorf. Un échange complet puisqu’en 1968, toujours avec l’O.F.A.J. et la fédération allemande de la Deutsche Jugend Kraft (D.J.K.), cette équipe est venue à Paris lors du week-end de Pâques. Aujourd’hui, je suis toujours en relation d’amitié avec la femme de l’un de ces joueurs allemands dont le mari Emil est décédé en 2018. Ils sont venus plusieurs fois chez nous et nous ont reçus souvent chez eux. Karin a actuellement 87 ans…

Plus tard, notre fils Fabrice apprenant l’allemand en première langue a participé à un échange franco-allemand entre son lycée à St Mandé (94) et un lycée bavarois de Straubing. En 1987, nous avons accueilli chez nous pour une semaine Markus, et Fabrice a été reçu chez lui l’année suivante. C’est le début d’une intense amitié entre cette famille Büchner et nous. Markus a vécu les fêtes du bicentenaire de la Révolution française avec nous à Paris, puis des vacances en Bretagne, sur les bords de Loire et dans les Alpes ainsi qu’avec sa sœur et ses parents. Avec eux, nous avons découvert toutes les régions d’Allemagne, y compris l’ex‑R.D.A. quelques mois après la réunification, mais aussi la Tchécoslovaquie de l’époque. Des deux côtés, ces deux familles sont présentes lors des grands évènements familiaux de l’autre famille, mariages et obsèques. Aujourd’hui encore, nous ne passons pas une année sans nous revoir en Allemagne ou en France.

Perceviez-vous à l’époque les enjeux de « l’amitié franco-allemande » ?

Non, mais comme je l’ai dit, « le ver était dans le fruit » et ce ver c’est la réponse que mon père a faite à l’oncle André en 1963 !

Cette expérience a‑t-elle eu des conséquences sur votre vie et votre vision de l’Europe et du monde ?

Oui, comme je l’ai expliqué pour le lien entre l’Allemagne et la France, la dernière action chronologique dans ce sens étant la part très active que j’ai prise dans le jumelage de la commune voisine de chez nous, Crécy-la-Chapelle, avec la ville de Pielenhofen en Bavière, à côté de Regensburg (Ratisbonne).
De même cela m’a donné l’envie de découvrir le monde : beaucoup de pays d’Europe mais aussi de participer activement à la mise en place de partenariats au Togo et au Bénin.

60 ans plus tard, cet échange résonne-t-il encore pour vous ?

Énormément, je pense que cela transparaît suffisamment dans ce que je relate ici sans que j’aie besoin de préciser un peu plus…

Selon vous, quelle part dans la construction européenne ce Traité a‑t-il joué, ou joue-t- il encore ?

Aujourd’hui, je sais que ce Traité a joué un rôle fondamental car il a créé des bases irréversibles qui obligent les politiques des deux pays. L’idée géniale a été dès le départ d’impliquer la jeunesse… L’O.F.A.J. a joué et joue encore un rôle fondateur d’avenir. ERASMUS a permis de continuer et d’amplifier au niveau des jeunes des deux pays et des autres pays d’Europe.

Au-delà de la célébration du Traité qui connaît un certain retentissement, quel prolongement voyez-vous ou souhaitez-vous pour la suite ?

Continuer dans la même logique pour nos petits-enfants. L’Allemagne et la France, par leur amitié et leur coopération, sont des moteurs pour l’Union Européenne.

Avez-vous un message à exprimer ?

Que nos dirigeants allemands, français et tous les autres membres de l’Union unissent leurs efforts pour aider l’Ukraine à se défendre, mais aussi et surtout pour que l’on parvienne à amener la Russie (que je connais bien, sept voyages avec la Fondation Napoléon dont je suis membre) et l’Ukraine autour d’une table afin d’y négocier une paix durable comme l’Allemagne et la France ont su le faire grâce à deux visionnaires, Charles de Gaulle et Konrad Adenauer.

Publié par Marie-Laure Croguennec dans CECI dit, Marie-Laure Croguennec, 2 commentaires

L’Europe à portée de sapin

10 000 élèves de 350 écoles venant de 17 pays européens ; c’est à ce vivier culturel et linguisitique que contribue le CECI depuis plusieurs années en faisant le lien entre établissements scolaires et l’organisateur Brian Stobie et son équipe basés à Durham (Royaume-Uni).
Concrètement, les écoles mises en réseau au sein de groupes réalisent et expédient des décorations de Noël aux établissements partenaires (une trentaine d’écoles par groupe) sans oublier de communiquer sur les traditions respectives et la présentation des lieux de vie. L’aboutissement se traduit par un sapin de Noël inédit au vu de ses décorations émanant de tous horizons européens.
Des leçons de géographie et de culture européenne grandeur nature pour apprendre à se connaître. C’est comme ça aussi que se construisent la conscience européenne et le sentiment d’appartenance à l’Europe.
Félicitations à tous les élèves et leurs enseignants !

Publié par Marie-Laure Croguennec dans CECI fait, Marie-Laure Croguennec, 0 commentaire

Karen, une jeunesse en voie d’Europe

Quelques réflexions et commentaires suite à la publication de l’article « L’Europe dans les yeux de Karen ».

21 ans seulement et déjà une forte conscience européenne : c’est la puissante image qui ressort de l’échange avec Karen, étudiante bretonne en « Master d’Études franco-allemandes Coopération et Communication transfrontalière » à Metz. Si l’on comprend que le bain d’Europe dans lequel elle a évolué au fil de sa scolarité a pu influencer son parcours, on remarque également ses attentes pour un avenir loin d’être tracé d’avance. Son avis sur l’actualité, ses attentes et ambitions sur l’avenir du projet européen, mais aussi la responsabilité incombant aux citoyens par le vote aux élections européennes par exemple, argumentent le défi d’une Europe resserrée autour de ses valeurs, une Europe dans laquelle les citoyens se retrouvent impliqués et rapprochés des institutions.

Pour une Europe incarnée

Il est souvent reproché à l’UE de manquer de représentations fortes et identifiées.
Signe que l’Europe manque d’incarnation, outre les pères fondateurs ou quelques gouvernants « peu de noms viennent en tête » à Karen pour désigner des acteurs ou des personnalités liées à la construction européenne.
Parmi les pistes à creuser pour y remédier, faudrait-il des visages de personnalités européennes sur les billets d’euros ? L’idée refait surface régulièrement et contredit en cela le choix qui avait opéré en son temps et conduit à des représentations symboliques tels les « ponts imaginaires ou imaginés » comme liens entre les peuples, ou encore les fenêtres ouvertes sur le monde appelant à regarder au-delà de son propre horizon. Une ouverture vers des rencontres, des plus proches aux plus lointaines. Si le symbole porte tout son sens, il manque sans doute un aspect concret, réalisable dans une représentation de personnalités.
Puissent alors les États dépasser leurs visions nationales et s’accorder pour reconnaître des qualités universelles d’hommes et de femmes qui ont œuvré et se sont illustrés au fil des ans, de Léonard de Vinci à Simone Veil, de Copernic à Picasso, d’Andersen à Marie Curie, et bien d’autres…
Une proximité entre citoyens et institutions paraît également nécessaire par une simplification visant à rendre ce système « plus clair » aux dires de l’étudiante. En effet, la nébuleuse des termes (Commission européenne, Conseil de l’Union européenne, Conseil européen, Conseil de l’Europe) ajoute à la confusion et associe également cette confusion aux actes des institutions : cela contribue non seulement à éloigner les citoyens des structures européennes, mais souvent à rendre imperceptibles les décisions protectrices de ces dernières. Tout un paradoxe à hauteur duquel une simplification de gouvernance s’impose.
Ces aspects ont d’ailleurs été fréquemment évoqués par les citoyens lors de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe.

De la reconnaissance à l’appartenance

Comment la conscience européenne se construit-elle ? Karen s’est montrée surprise de découvrir parfois plus de spontanéité dans les rapprochements entre jeunes européens par rapport aux jeunes d’autres régions du monde. Se découvrir proches les uns des autres, à la fois géographiquement mais surtout culturellement contribue à s’identifier individuellement puis collectivement ; c’est sans doute le terreau qui nourrit et fertilise le sentiment partagé d’appartenance. Sur ce chemin, la (re)connaissance entre pairs constitue une étape.
Quel lieu plus simple et à la portée de tous que l’École pour agir ?
Signe que ce sont les expériences authentiques, le vécu sur le terrain qui élaborent et construisent le sentiment d’appartenance, c’est sur les bancs de son année de CM2 que l’étudiante fait remonter sa rencontre avec l’Europe, au travers d’activités concrètes portées par son enseignante rendant « le projet européen attractif ». Cette appétence s’est certainement trouvée consolidée par la suite par les échanges et rencontres elles aussi authentiques lors de séjours scolaires dans des pays européens qui d’étrangers sont devenus voisins.
Les systèmes éducatifs nationaux doivent impérativement s’emparer de ces enjeux et se montrer dignes de la responsabilité qui leur incombe en matière de construction de la citoyenneté européenne.
Signe que c’est tout au long de la vie que l’on se forme et s’éduque à l’Europe, s’il n’est jamais trop tard pour s’initier à l’Europe, il n’est jamais trop tôt. Il convient de ne pas réserver ces rencontres aux établissements secondaires mais au contraire de les initier « tôt, dans toutes les écoles primaires ». De la même manière que l’on n’attend pas d’un jeune enfant qu’il sache lire pour lui mettre un livre entre les mains, c’est justement parce qu’on l’aura familiarisé tout jeune avec le livre qu’il acquerra plus aisément la lecture. CQFD. Nul besoin non plus de devoir se déplacer physiquement pour échanger ; des ressources diverses comme la correspondance, renforcées aujourd’hui par la pléthore d’outils numériques (plateforme e‑twinning, réseaux sociaux) ne demandent qu’à être exploitées pour permettre la communication.

Un projet politique fort et évolué

Depuis huit mois, l’actualité internationale se trouve bouleversée par les conséquences de la guerre en Ukraine. L’UE, présente et active mais assurément imparfaite, se révèle aujourd’hui incontournable. Si des divergences entre États apparaissent – bien souvent alimentées par de purs intérêts nationaux – elles ouvrent une réflexion de fond en amenant les membres à se (ré)interroger sur les valeurs fondatrices du projet européen : la Paix et la Solidarité, prônées par Robert Schuman. Ce retour aux sources conduira vraisemblablement au défi d’un « approfondissement de l’Union plus qu’un élargissement », selon l’étudiante.
Que des jeunes s’impliquent aujourd’hui dans des cursus européens, s’approprient l’échelle européenne comme territoire, s’ouvrent au monde en y prenant une part active par des choix de formation sont autant d’indicateurs encourageants dans une société souvent présentée sclérosée et refermée sur elle-même. Au contraire, ces jeunes croient en un destin commun et témoignent d’ambitions fortes comme le prévoit Karen par le « renforcement de l’unité de l’Europe ». Ce sont eux, nos guides ; ils nous montrent la voie.
À l’image de la construction européenne après 1945, gageons que là aussi le moment venu la Réconciliation, 3e pilier des valeurs portées par le père fondateur, puisse être d’actualité.
Robert Schuman y a cru ; raison il a eu.

Publié par Marie-Laure Croguennec dans CECI dit, Marie-Laure Croguennec, 0 commentaire

L’Europe, dans les yeux de Karen

De Besançon ou de Berlin, de Cherbourg ou de Friburg, de Bretagne ou de Nuremberg, ils sont une petite douzaine d’étudiants français ou allemands à préparer un « Master d’Études franco-allemandes Coopération et Communication transfrontalière » à l’Université de Metz, dans le cadre d’un partenariat entre les universités de Lorraine, de la Sarre et du Luxembourg.
Rencontre avec Karen, 21 ans, qui après une double licence Droit-LEA (Droit carrières internationales) à l’Université de Bretagne Occidentale a quitté Brest pour la Lorraine.

Pourquoi ce choix ? Pour quelles perspectives ?
Après avoir eu l’occasion d’effectuer plusieurs séjours et échanges en Allemagne (scolaire et Brigitte Sauzay), je me suis découvert de fortes affinités avec ce pays, sa langue et sa culture. Aussi, je pense que favoriser les relations franco-allemandes pourrait me plaire. De plus, j’ai toujours été intéressée par l’Union européenne, sa construction historique… Pendant ma Licence, j’ai suivi des cours de Droit de l’Union européenne et du marché intérieur européen qui m’ont beaucoup plu.
À l’avenir, je pense que je pourrais travailler à l’organisation d’échanges de jeunes comme celui auquel j’ai pris part quand j’avais 15 ans, ou bien peut‑être plus directement lié à l’Europe.

Selon vous, pourquoi est-ce important de se diriger vers des études européennes ?
Tout d’abord pour comprendre ce que fait l’UE, par ses institutions et ses politiques, pour comprendre nos droits en tant que citoyens européens et quel rôle nous pouvons jouer (en votant aux européennes, par exemple). Ensuite, pour faire perdurer et améliorer l’Union européenne.

En tant que Française, quelles différences et points communs rencontrez-vous chez les autres étudiants ?
Avec les étudiants allemands ? Je ne sais pas vraiment quoi dire, nous avons tous un parcours très différent (Allemands comme Français). Je dirais que nous avons tous une assez grande ouverture d’esprit et un amour pour la France/l’Allemagne. Dans les méthodes de travail cela semble également assez similaire. Je ne vois pas de vraie différence Français/Allemands, juste des différences liées aux personnalités.

Quelle est, de votre point de vue, la différence entre être citoyenne française et citoyenne européenne ?
Pour moi, être citoyenne française c’est concret, je dirais sans hésiter que cela me définit, j’ai presque le sentiment qu’elle est innée. La citoyenneté européenne, bien que je me définisse aussi comme citoyenne européenne, est plus discrète, acquise plutôt qu’innée. Je pense que cela est lié à l’absence de langue européenne.
Cet été, j’ai passé quelques jours en auberge de jeunesse en Bavière et ai eu l’occasion de rencontrer des jeunes européens et non européens (Irlande, Belgique, Royaume-Uni, Canada, Costa Rica, USA) et j’ai ressenti que les Européens se rapprochaient un peu plus vite, ce qui m’a étonnée car généralement on ressent assez peu le sentiment d’appartenance à l’Europe.

Selon vous, quels principes ou valeurs doivent alimenter le projet européen ?
C’est déjà le cas mais à approfondir : paix, démocratie, justice, égalité, droits de l’Homme.

Quelles personnalités ont marqué ou marquent aujourd’hui la construction européenne ?
Robert Schuman, Jean Monnet pour la création de la communauté européenne, Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt pour la continuation (mais surtout l’amitié franco- allemande). Mais peu de noms me viennent en tête.
Autrement, bien sûr David Cameron, Theresa May et Boris Johnson pour le Brexit, bien que cela n’entre pas forcément dans la « construction » européenne.

De quand date votre propre ouverture ou sensibilisation à l’Europe ?
2011, en classe de CM2, grâce à une institutrice très impliquée qui a su rendre le projet européen attractif en faisant participer notre classe à un concours de BD de l’AEDE* « l’Europe se bouge, bouge-toi avec l’Europe ».

Avez-vous des suggestions ou des pistes à conseiller pour que cet éveil ait lieu chez les citoyens ?
Pour les enfants il faudrait en parler tôt, dans toutes les écoles primaires. Je sais que mon institutrice de CM2 a mis en place des échanges de décorations de Noël confectionnées par les enfants avec des écoles d’Europe pour créer un sapin européen. Je pense que c’est un bon moyen de créer un sentiment européen.
Pour les adultes, je pense que rendre le système institutionnel plus clair serait très bénéfique. Tout le monde devrait avoir une idée du rôle des institutions européennes (au même niveau que les nationales).

Comment voyez-vous aujourd’hui l’avenir de l’Europe ?
Je pense que la guerre en Ukraine et la menace russe vont renforcer l’unité de l’Europe, donc qu’aucun État membre ne voudra quitter l’UE dans un futur proche.
J’ai le sentiment que les États membres travailleront davantage à un approfondissement qu’à un élargissement de l’Union.

Avez-vous un message particulier à exprimer ?
Merci à toutes celles et ceux qui œuvrent pour l’Europe !

*AEDE : Association Européenne De l’Education

Propos recueillis par Marie-Laure Croguennec
Publié par Marie-Laure Croguennec dans CECI dit, Marie-Laure Croguennec, 1 commentaire

Le conte est beau

Depuis soixante jours, l’invasion russe en Ukraine s’est invitée sur les écrans de télévision fixant avec précision et temps réel des images dans les esprits : de l’exode de familles sur les routes aux charniers de Boutcha, en passant par les frappes militaires et les décombres de Marioupol, les scènes d’horreur ne manquent pas. Nul ne peut rester insensible et chacun d’entre nous découvre la proximité de cette guerre, tant sur le plan géographique, l’Ukraine est à quelques centaines de kilomètres de la France et aux portes de l’UE, que par l’immédiateté au vu de la rapidité de réception des informations. 

Nous, adultes, sommes saisis par la violence guerrière qui se déroule sur nos yeux, nous qui pour la plupart avons eu la chance de naître et de vivre sur le territoire européen dans la période de réconciliation. Des récits transmis, racontés, vécus par nos aînés, parents et grands-parents, nous ont été relatés comme promesses d’ultimes horreurs appartenant à un monde et une époque révolus, laissant place à la paix.
Nous, adultes, sommes choqués par le basculement et la soudaineté de ces actes belliqueux qui mettent à jour le fragile équilibre entre la terreur et la paix.
Nous, adultes, pouvons essayer de raisonner et, sans minimiser ni camoufler la réalité, tenter d’analyser les faits et enjeux, nous jouant de prospectives et prévisions en tout genre, sans risquer nos vies. 

L’enfance, un monde perméable 

Qu’en est-il des enfants ? Parce que le monde en vrai est à portée d’écran, ils se trouvent eux aussi concernés par les atrocités révélées. Parce que la vie enfantine n’est pas sanctuarisée ni étanche aux médias, les faits guerriers leur parviennent et ne manquent pas de les questionner.
À en juger par les propos exprimés dès le matin du 25 février, les jeunes écoliers ne se sentent pas éloignés des préoccupations de leurs parents :
« La guerre peut- elle arriver chez nous ? » telle était l’angoissante et lancinante interrogation courant comme un fil rouge tout au long de la logorrhée de paroles exprimées.
Reconnaissons que cette question résonne en nous, et au travers de notre compassion envers les Ukrainiens, nous redoutons avant tout de nous sentir, concrètement, concernés. 

Là aussi, il est un équilibre à trouver entre questions posées et réponses apportées ; rien ne serait plus dangereux que des espaces vides de mots qui auraient pour immédiateté la construction d’une réalité a fortiori erronée par ses excès ou au contraire absences de factualité.
Certes, à l’attention des enfants il n’est pas question d’entrer dans une explication exhaustive que d’aucuns d’ailleurs se trouveraient incapables de leur présenter, mais de poser des termes sur ces faits, fussent-ils hautement condamnables pour ne pas dire terrorisants.
Rien ne serait plus risqué que de laisser le vide, dont l’espace a horreur, s’installer et fixer des commentaires et légendes sur des images inscrites dans les esprits et aux encres indélébiles.
Apprendre à voir les événements et appréhender le monde et ses réalités font partie de la construction de la personne ; c’est tout l’enjeu de l’éducation aux médias qui s’édifie dès le plus jeune âge, et de jour en jour. C’est ainsi que l’on apprend également à devenir citoyen, faisant partie d’un tout, d’une société construite elle-même au travers d’une Histoire. Cet apprentissage est la résultante d’un processus de socialisation et convoque immanquablement valeurs et fondements. 

L’heure de réaliser et de confirmer s’il en était besoin que le vivre ensemble se construit à chaque instant, en tout lieu, et concerne chacun d’entre nous ; dans l’enfance et en particulier à l’école, l’éducation à la citoyenneté doit prendre toute la place qui lui revient pour édifier solidement cette responsabilité.
L’âge des élèves dans le premier degré, en particulier au cours des dernières années de primaire, se révèle particulièrement idoine pour l’émergence du sentiment d’appartenance et de conscience de partage comme le décrit Géraldine Bozec*. 

De Robert à Arthur : un printemps espérant 

En effet, en tant qu’enseignante en classe de CM2, je peux témoigner que le questionnement sur la guerre en Ukraine a débordé les premiers jours de mars et de ceux d’avril, rendant chez certains le printemps plus inquiétant que chantant.
Bien au-delà d’une présence explicite de ces tourments, la solidarité et le soutien envers le peuple ukrainien ont pu se manifester de mille et une façons par les jeunes élèves, les collectes de denrées de première
nécessité entre autres, et parfois de manière inattendue.
Ainsi, au terme d’une séquence classique d’expression écrite visant à apprendre à écrire un conte, alors que se succédaient les textes relatant les exploits de héros chevaliers secourant princesses et consorts au milieu de monstres et de licornes (très tendance, les licornes en 2022), s’est présentée la production d’Arthur, 10 ans, intitulée « La Russie contre l’Ukraine » : 

Il était une fois un jeune guerrier ukrainien qui s’appelait Davire. Il avait 28 ans, et vivait sans femme. 

En ce moment-là, c’était la guerre en Ukraine. Les habitants avaient très peur de la Russie, c’était leur ennemi. La mission pour Davire était de les sauver. Un beau jour, le jeune guerrier apparut sur le champ de bataille pour se battre contre la Russie. Il avait trois épreuves.
La première consistait à traverser la rivière de la mort pour atteindre l’armée russe.
Quant à la deuxième, elle se montra plus difficile, il fallait abattre l’armée russe et la capturer.
La troisième épreuve était assez difficile : il fallait tirer des balles pour faire la paix. Alors Davire utilisa son fusil magique et tout redevint comme avant. 

Davire se trouva une femme russe très gentille et ils eurent beaucoup d’enfants. »

Si son texte force le respect et inspire nombre d’enseignements, il montre avant tout au travers de sa conclusion impliquant les deux nationalités que les valeurs de paix et de réconciliation prônées par Robert Schuman un certain 9 mai 1950 sont loin d’être démodées.
Si ce printemps se révèle inquiétant et angoissant, il est aussi inspirant et espérant. 

Nous partageons tous, enfants et adultes, les mêmes espoirs, socles de notre avenir et destin commun.
Loin d’être futiles, les préoccupations du jeune élève dans son texte rassemblent les valeurs qui font de nous des humains. 

Bravo et merci à toi Arthur, ton conte est beau. 

* Géraldine BOZEC, Les Héritiers de la République, Éduquer à la citoyenneté à l’école dans la France d’aujourd’hui. 2010

Publié par Marie-Laure Croguennec dans CECI dit, Marie-Laure Croguennec, 0 commentaire

Vive le sapin européen !

Le CECI s’est à nouveau fait le relais auprès d’établissements scolaires pour qu’élèves européens, petits et grands, puissent partager leurs traditions de Noël.
Pour l’édition 2021, pas moins de 529 élèves de 14 écoles de Bretagne et Bourgogne-Franche Comté se sont employés à confectionner des décorations de Noël à l’attention d’écoles de l’UE, regroupées en un réseau de 309 établissements de 19 pays. 

Un grand merci à Brian Stobie qui coordonne, depuis Newcastle, cette opération qui permet aux jeunes de découvrir et s’approprier leur propre culture à la fois commune et différenciée. Une formidable occasion de participer à la construction du sentiment d’appartenance car « on ne naît pas citoyen européen, on le devient ». 

À l’école Kergroas de Lannilis (29), les élèves ont non seulement disposé sur leur sapin des décorations venues de toute l’Europe mais en ont profité pour faire vivre en classe tout un espace dédié à cet échange culturel et linguistique. 

Les élèves de CM1 et CM2 de l’école publique du Phare à Plouguerneau (29) posent fièrement devant leur sapin européen. 

Publié par Marie-Laure Croguennec dans CECI fait, Marie-Laure Croguennec, 0 commentaire

D’Écosse en France, essai transformé

23 juin 2016. Nul n’aurait imaginé les bouleversements engendrés par le référendum britannique.
De tourments en turbulences, les États se sont trouvés dans les méandres du brexit qui a donné maille à partir aux négociateurs, et ce n’est visiblement pas fini.
Qu’en est-il des citoyens ? Comment se vit ce bouleversement dans la vie des Britanniques ? Comment, a fortiori, quand on ne l’a pas souhaité ?
Rencontre avec Ann Marie Burns, Écossaise vivant en France depuis 26 ans.

Publié par Marie-Laure Croguennec dans CECI dit, Marie-Laure Croguennec, 0 commentaire

Journée de l’Europe à l’école

Publié par Cercle CECI dans CECI fait, Cercle CECI, Emmanuel Morucci, Marie-Laure Croguennec, Projet du CECI en 2021, 1 commentaire

L’Écosse, dans les yeux de Marianne

L’Écosse vient de réaffirmer son attachement à l’Europe au travers des élections qui ont plébiscité la Première Ministre écossaise Nicola Sturgeon. Tout un paradoxe pour le Royaume-Uni qui vient de quitter l’UE, même si l’on se souvient que nos voisins écossais avaient largement manifesté leur volonté de rester européens lors du référendum de 2016. Depuis, un autre bouleversement a déferlé par la pandémie qui n’épargne aucun territoire. Dans ce contexte, quelles conséquences dans la vie quotidienne pour les citoyens, écossais et ressortissants de l’UE ?

Rencontre avec Marianne Olier, 26 ans, chargée de marketing, vivant et travaillant à Édimbourg.
Lire la suite →

Publié par Marie-Laure Croguennec dans CECI dit, Marie-Laure Croguennec, Projet du CECI en 2021, 0 commentaire