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Quelques réflexions et commentaires suite à la publication de l’article « L’Europe dans les yeux de Karen ».
21 ans seulement et déjà une forte conscience européenne : c’est la puissante image qui ressort de l’échange avec Karen, étudiante bretonne en « Master d’Études franco-allemandes Coopération et Communication transfrontalière » à Metz. Si l’on comprend que le bain d’Europe dans lequel elle a évolué au fil de sa scolarité a pu influencer son parcours, on remarque également ses attentes pour un avenir loin d’être tracé d’avance. Son avis sur l’actualité, ses attentes et ambitions sur l’avenir du projet européen, mais aussi la responsabilité incombant aux citoyens par le vote aux élections européennes par exemple, argumentent le défi d’une Europe resserrée autour de ses valeurs, une Europe dans laquelle les citoyens se retrouvent impliqués et rapprochés des institutions.
Pour une Europe incarnée
Il est souvent reproché à l’UE de manquer de représentations fortes et identifiées.
Signe que l’Europe manque d’incarnation, outre les pères fondateurs ou quelques gouvernants « peu de noms viennent en tête » à Karen pour désigner des acteurs ou des personnalités liées à la construction européenne.
Parmi les pistes à creuser pour y remédier, faudrait-il des visages de personnalités européennes sur les billets d’euros ? L’idée refait surface régulièrement et contredit en cela le choix qui avait opéré en son temps et conduit à des représentations symboliques tels les « ponts imaginaires ou imaginés » comme liens entre les peuples, ou encore les fenêtres ouvertes sur le monde appelant à regarder au-delà de son propre horizon. Une ouverture vers des rencontres, des plus proches aux plus lointaines. Si le symbole porte tout son sens, il manque sans doute un aspect concret, réalisable dans une représentation de personnalités.
Puissent alors les États dépasser leurs visions nationales et s’accorder pour reconnaître des qualités universelles d’hommes et de femmes qui ont œuvré et se sont illustrés au fil des ans, de Léonard de Vinci à Simone Veil, de Copernic à Picasso, d’Andersen à Marie Curie, et bien d’autres…
Une proximité entre citoyens et institutions paraît également nécessaire par une simplification visant à rendre ce système « plus clair » aux dires de l’étudiante. En effet, la nébuleuse des termes (Commission européenne, Conseil de l’Union européenne, Conseil européen, Conseil de l’Europe) ajoute à la confusion et associe également cette confusion aux actes des institutions : cela contribue non seulement à éloigner les citoyens des structures européennes, mais souvent à rendre imperceptibles les décisions protectrices de ces dernières. Tout un paradoxe à hauteur duquel une simplification de gouvernance s’impose.
Ces aspects ont d’ailleurs été fréquemment évoqués par les citoyens lors de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe.
De la reconnaissance à l’appartenance
Comment la conscience européenne se construit-elle ? Karen s’est montrée surprise de découvrir parfois plus de spontanéité dans les rapprochements entre jeunes européens par rapport aux jeunes d’autres régions du monde. Se découvrir proches les uns des autres, à la fois géographiquement mais surtout culturellement contribue à s’identifier individuellement puis collectivement ; c’est sans doute le terreau qui nourrit et fertilise le sentiment partagé d’appartenance. Sur ce chemin, la (re)connaissance entre pairs constitue une étape.
Quel lieu plus simple et à la portée de tous que l’École pour agir ?
Signe que ce sont les expériences authentiques, le vécu sur le terrain qui élaborent et construisent le sentiment d’appartenance, c’est sur les bancs de son année de CM2 que l’étudiante fait remonter sa rencontre avec l’Europe, au travers d’activités concrètes portées par son enseignante rendant « le projet européen attractif ». Cette appétence s’est certainement trouvée consolidée par la suite par les échanges et rencontres elles aussi authentiques lors de séjours scolaires dans des pays européens qui d’étrangers sont devenus voisins.
Les systèmes éducatifs nationaux doivent impérativement s’emparer de ces enjeux et se montrer dignes de la responsabilité qui leur incombe en matière de construction de la citoyenneté européenne.
Signe que c’est tout au long de la vie que l’on se forme et s’éduque à l’Europe, s’il n’est jamais trop tard pour s’initier à l’Europe, il n’est jamais trop tôt. Il convient de ne pas réserver ces rencontres aux établissements secondaires mais au contraire de les initier « tôt, dans toutes les écoles primaires ». De la même manière que l’on n’attend pas d’un jeune enfant qu’il sache lire pour lui mettre un livre entre les mains, c’est justement parce qu’on l’aura familiarisé tout jeune avec le livre qu’il acquerra plus aisément la lecture. CQFD. Nul besoin non plus de devoir se déplacer physiquement pour échanger ; des ressources diverses comme la correspondance, renforcées aujourd’hui par la pléthore d’outils numériques (plateforme e‑twinning, réseaux sociaux) ne demandent qu’à être exploitées pour permettre la communication.
Un projet politique fort et évolué
Depuis huit mois, l’actualité internationale se trouve bouleversée par les conséquences de la guerre en Ukraine. L’UE, présente et active mais assurément imparfaite, se révèle aujourd’hui incontournable. Si des divergences entre États apparaissent – bien souvent alimentées par de purs intérêts nationaux – elles ouvrent une réflexion de fond en amenant les membres à se (ré)interroger sur les valeurs fondatrices du projet européen : la Paix et la Solidarité, prônées par Robert Schuman. Ce retour aux sources conduira vraisemblablement au défi d’un « approfondissement de l’Union plus qu’un élargissement », selon l’étudiante.
Que des jeunes s’impliquent aujourd’hui dans des cursus européens, s’approprient l’échelle européenne comme territoire, s’ouvrent au monde en y prenant une part active par des choix de formation sont autant d’indicateurs encourageants dans une société souvent présentée sclérosée et refermée sur elle-même. Au contraire, ces jeunes croient en un destin commun et témoignent d’ambitions fortes comme le prévoit Karen par le « renforcement de l’unité de l’Europe ». Ce sont eux, nos guides ; ils nous montrent la voie.
À l’image de la construction européenne après 1945, gageons que là aussi le moment venu la Réconciliation, 3e pilier des valeurs portées par le père fondateur, puisse être d’actualité.
Robert Schuman y a cru ; raison il a eu.