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Les campagnes se suivent et ne se ressemblent pas.
En ce fameux monde d’après où les citoyens de l’UE ont leur premier rendez-vous de la décennie avec le renouvellement de leurs parlementaires, la campagne s’annonce inédite. L’actualité des dernières années a mis sur le devant de la scène forces et faiblesses de notre espace communautaire. Si le fonctionnement de notre grande famille européenne est largement et nécessairement perfectible, les 27 ont prouvé qu’en se montrant unis et déterminés, ils étaient capables de révéler une Europe d’une efficacité insoupçonnée à nous protéger : la mise au point impressionnante de la vaccination anti-covid en un temps record est un des exemples de ces réussites dont elle n’a pas à rougir. Telle une jeune structure, elle se construit et fait aussi preuve de fragilité, témoin en cela du chemin à parcourir, valorisant les valeurs démocratiques qui incitent le peuple européen à s’emparer de son destin.
À six semaines d’un scrutin fondamental et déterminant, si l’on peut considérer à l’inverse des
éditions précédentes que la date du 9 juin est largement convoquée dans la sphère des médias et les esprits des citoyens pour servir de cadre aux tribunes journalistiques, aux sondages qui annoncent des résultats d’élections qui de fait n’ont pas encore eu lieu, ou aux propos de candidats déclarés, force est de constater que question programmes et listes des candidats, il faut encore attendre.
Et pourtant, tel un cheval de Troie plusieurs composantes politiques ont annoncé leurs prises de guerre au travers de la présentation des premiers de cordée, occultant les véritables enjeux et occupant par détournement le cœur des débats.
L’espace a horreur du vide
Cette appétence pour la chose européenne est d’autant plus troublante que ce sont les partis les plus éloignés de la défense des valeurs fondatrices de la construction européenne qui sont les premiers sortis du bois et se sont approprié les discours, fussent-ils faussés.
Les paradoxes foisonnent et rivalisent d’affirmation à ce stade, quasiment sans contradiction au point que plus c’est gros, plus ça passe. Tel un curé qui s’annoncerait athée, certains adversaires revendiqués de la construction européenne au profit de nationalismes assumés occupent le terrain et brandissent haut et fort slogans simplistes et populistes, et annoncent des jours meilleurs par un repli sur soi.
Des arguments contrés ? Que nenni. Les rares contre-attaques sont absorbées par l’avance prise par un départ anticipé et un style maîtrisé souvent impressionnant, la musique et la logorrhée faisant le reste.
Sur le fond, il faudrait pourtant repasser : bien souvent c’est pour présenter une prise de guerre ou encore annoncer une issue nationale à un scrutin qui n’en est rien, et c’est ainsi que sont occupées nombre de tribunes au détriment d’éclairages opportuns, et optimisent avec brio ce qui ne sont de simples stratégies de communication. Il faut reconnaître que certains stratèges savent tirer profit des espaces laissés vacants et se sont déjà forgé une armure de candidats à défaut d’annonce de programme.
Elle n’est pas encore officielle, mais la campagne a bel et bien commencé.
La faute à qui ?
On peut s’interroger sur la discrète stratégie des partis europhiles qui peinent à se montrer. Les
listes s’établissent en coulisses et si certains leaders commencent à émerger, les véritables
programmes et feuilles de route, à six semaines du scrutin, semblent encore dans les tuyaux.
Certes, les électeurs ont encore quelques jours jusqu’à début mai pour valider l’inscription de leur droit de vote, et les potentiels candidats disposent eux d’un délai courant jusqu’au 17 mai pour annoncer leur intention de se présenter aux suffrages de leurs concitoyens. 17 mai – 9 juin : ce délai d’un peu plus de (ou seulement) trois semaines pour parler d’eux, de leurs convictions et surtout de leurs programmes en vue de convaincre les électeurs paraît bien maigre au regard des enjeux : défense européenne, migrations, urgence climatique et environnementale, droits de l’homme et démocratie, Europe sociale, etc.
Alors, où êtes-vous, démocrates de la pensée schumanienne ou successeurs des Monnet et consorts ? Ces élections inscrites dans l’exercice de notre démocratie européenne pour la 20e fois depuis 1979 lors de la première élection au suffrage universel des parlementaires qui amena Simone Veil à la présidence doivent être au rendez-vous de l’histoire, en particulier dans le contexte menaçant les valeurs démocratiques à nos portes par la guerre exercée en Ukraine par le dictateur russe.
Réveillez-vous, candidats et leaders démocratiques, et présentez-nous vos programmes forts et
ambitieux à la hauteur des enjeux !
Montrez-vous à nous, hommes et femmes prêts à transcender les clivages nationaux pour
défendre nos valeurs humanistes, présentez-vous à nous par vos listes qui permettront une
incarnation qui manque tant, et faites-nous avancer sur ce chemin que d’aucuns, dans des temps bien plus incertains, ont osé initier.
L’Histoire vous regarde.
L’Histoire européenne nous concerne et nous regarde, tous.
Le débat entre Valérie Hayer et Jordan Bardella nous a montré 2 personnalités opposées : l’une, à l’écoute, connaissant ses dossiers, l’autre, odieux par son comportement en se permettant sans cesse de couper la parole à Valérie Hayer, et confondant élections européennes et élections présidentielles, comme Valérie Hayer le lui a fait remarquer : il adoptait une posture de futur premier ministre de la France au lieu de député européen. Les enjeux européens lui sont visiblement indifférents. Difficile dans ce cas d’avoir un programme …
Quant aux partis europhiles, on peut penser que la guerre en Ukraine sensibilise l’opinion à la nécessité d’une Europe forte. Toutefois, à côté des partis nationalistes et de leurs promesses inconsidérées, il va falloir beaucoup de pédagogie aux autres partis pour expliquer aux électeurs que ce qui nous attend, ce ne sont peut-être pas « du sang, du labeur, des larmes et de la sueur » comme Churchill le disait en 1942, mais au moins sobriété, baisse de la consommation, partage, accueil des étrangers … En bref, que la solidarité et le la lutte contre le dérèglement climatique vont nous obliger à travailler plus pour gagner moins et à changer notre mode de vie.
Oui l’Histoire nous regarde ! Mais nous, la regardons nous ?
Il est vraiment temps que nos candidats viennent nous parler, expliquer, nous donner envie d’y croire, d’y aller, de voter pour construire.
Je t’embrasse