22 janvier et 4 septembre : l’année des 60 ans

Marie-Laure Croguennec
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L’année 2023 a débuté avec la célébration le 22 janvier du 60e anniversaire du Traité de l’Élysée incarnant la réconciliation franco-allemande signée par Charles de Gaulle et Konrad Adenauer.
Cette initiative en 1963, bien loin d’une simple signature, a non seulement scellé l’amitié entre les deux peuples longtemps belligérants, mais a constitué un socle pour ne pas dire un tremplin à la construction européenne. En effet, que serait l’Europe aujourd’hui sans cette base franco-allemande, nommée moteur ou couple selon la rive du Rhin ?

Toute initiative européenne passe par l’assentiment de ce duo incontournable tant par la symbolique qu’il représente que par la nécessaire mise en œuvre qui en découle.

L’année 2023 fait également écho à un autre 60e anniversaire : celui du décès de Robert Schuman en ce 4 septembre. Lui qui a connu trois nationalités – allemande et luxembourgeoise par sa naissance, puis française après la restitution de l’Alsace-Lorraine suite au Traité de Versailles en 1919 – est considéré comme l’un des Pères fondateurs de l’Europe aux côtés du Français Jean Monnet, de l’Allemand Konrad Adenauer, de l’Italien Alcide de Gasperi, du Belge Paul-Henri Spaak, du Néerlandais Johan Willem Beyen et du Luxembourgeois Joseph Bech.

Les Pères fondateurs, Scy-Chazelles

Les Pères fondateurs, Scy-Chazelles

La construction européenne, certes imparfaite parce qu’encore inachevée, trouve sa source dans le discours du 9 mai 1950 prononcée par Robert Schuman, alors ministre français des affaires étrangères, qui au travers de cette déclaration au Salon de l’horloge du Quai d’Orsay a osé au lendemain de la guerre croire en la paix. Quel pari ! Quel courage ! Quelle audace !

Le socle d’une paix durable était nécessaire ; il savait de quoi il parlait, l’homme aux nationalités successives et subies. Certes, mais parler de réconciliation à des opposants dont plusieurs générations s’entretuaient depuis 70 ans, mettre en présence les belligérants de la veille alors que les plaies étaient loin d’être pansées, faire œuvrer six peuples dévastés par les horreurs guerrières des années précédentes pour produire ensemble charbon et acier, il en fallait de l’espoir et de la conviction. De la foi aussi, en particulier dans la personne humaine.

De notre fenêtre aujourd’hui, mesurons-nous réellement le socle de valeurs humaines et humanistes chez cette personne ?
Quand on n’a connu la guerre qu’au travers des souvenirs de proches, de récits ou de cours d’histoire (aujourd’hui les Français de plus de 75 ans ne représentent que 10 % de la population, les chiffres sont quasiment identiques chez nos voisins allemands), on ne peut mesurer pleinement les épreuves et traumatismes qui s’inscrivent chez ceux qui subissent de plein fouet la tragédie guerrière.
La dramatique actualité vécue par le peuple ukrainien depuis 18 mois nous rappelle non seulement la fragilité de la paix, mais aussi l’exposition proche pour les peuples qui n’ont pas
eu la chance de suivre les chemins de paix initiés par leurs courageux aînés.
Dans notre Europe de l’ouest, nous nous sentons à l’abri. Nos voisins d’Helsinki, Riga ou Bucarest mesurent sans doute plus que nous les risques auxquels nous échappons actuellement, tout cela grâce à l’Union européenne.

Depuis le 4 septembre 1963, Robert Schuman repose en terre mosellane, sur les hauteurs de Scy-Chazelles non loin de Metz. C’est là que s’est arrêté son parcours européen à 77 ans, mais pas son œuvre ; bien au contraire, elle est poursuivie depuis des décennies par des hommes et des femmes, par le Peuple européen qui construit son histoire commune.

Dans quelques mois au printemps prochain, ce peuple justement aura de nouveau rendez-vous avec l’Histoire, pour la 10e fois dans le cadre du renouvellement de ses représentants au Parlement européen. Robert Schuman n’a pas connu cet événement démocratique, mais nul doute qu’il en serait fier.

Publié par Marie-Laure Croguennec

1 commentaire

[…] À l’occasion du 60e anniversaire de la mort de Robert Schuman, voici une parution de l’Est républicain. Retrouvez également sur notre site deux articles : l’un d’Emmanuel Morucci : Robert Schuman : catholique, personnaliste et européen l’autre de Marie-Laure Croguennec : 22 janvier et 4 septembre : l’année des 60 ans […]

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