Emmanuel Morucci

L’Europe choisit sa voie

Pour la quatrième fois, la présidente de la Commission européenne madame Ursula von der Leyen a prononcé le Discours sur l’état de l’Union – traduisez SOTEU en anglais. C’est désormais un rendez vous incontournable pour qui s’intéresse à la politique européenne et de ses États membres. L’exercice est cette année particulier car le chemin tracé par la présidente de la Commission intervient à quelques mois des élections européennes qui se dérouleront du 6 au 9 juin. Ursula Van der Leyen dresse une sorte d’évaluation des quatre ans de sa présidence marquée par des crises successives : Covid, Brexit, guerre de la Russie contre l’Ukraine, énergie, inflation et difficultés sociales, … un bilan de l’action de la Commission européenne certes, mais aussi un panel d’orientations pour l’Europe dans le monde complexe qui est le nôtre.

Elle souligne la position géostratégique naissante et affirmée de l’UE : « Regardez où en est l’Europe aujourd’hui. Nous avons assisté à la naissance d’une Union géopolitique – en soutenant l’Ukraine, en s’opposant à l’agression de la Russie, en répondant à l’affirmation de la Chine et en investissant dans des partenariats. »

Ce faisant elle introduit le débat sur les exigences de notre époque auxquelles doit répondre l’UE, en son sein et dans ses actions et relations avec le reste du monde. Les dossiers sont lourds et prégnants : politique migratoire, soutien à l’Ukraine, questions écologiques et environnementales, réchauffement climatique, relations avec les territoires, économie, transition numérique. Pas loin de dix dossiers phares dont l’intelligence artificielle, les défis numériques, le spatial. Reprenons ici quelques éléments de son intervention.

Parlant d’intelligence artificielle elle affirme, je cite : « L’Europe doit ouvrir la voie à un nouveau cadre mondial pour l’IA, reposant sur trois piliers : les garde-fous, une gouvernance et l’orientation de l’innovation ». Un thème qui nous concerne tous et bouleverse notre vie à des degrés divers : citoyens, médias, industrie, santé, éducation, et autres.

Le Pacte Vert (Green deal) est un peu son bébé, elle lance ce projet central dès son arrivée à la Présidence. Ici encore le défi est grand et pas facilement acceptable par le plus grand nombre. On se souvient du débat au Parlement européen qui avait failli tordre le cou au texte principal du Pacte, la loi sur la restauration de la nature (voir mon article de juillet 23).
Il s’agissait de donner sa place à une nature souvent mise à mal par des pratiques agricoles et industrielles, une artificialisation des sols, une urbanisation toujours plus gourmande en terres et en nature.
Avec le Pacte vert, porté avec force par la Commission, c’est une feuille de route environnementale pour l’Union européenne et un signal pour le reste du monde. Il a du sens et est d’autant mieux admis que cette année les épisodes caniculaires ont été spectaculaires, désastreux dans beaucoup de régions européennes et ailleurs. La transition écologique est donc une urgente nécessité. Sur le sujet : « Nous restons ambitieux. Nous nous en tenons à notre stratégie de croissance. Et nous nous efforcerons toujours d’assurer une transition juste et équitable ». Et d’annoncer dans la foulée un ensemble de mesures en faveur de l’énergie éolienne.

Un temps fort du discours est l’annonce de mesures contre les pratiques anticoncurrentielles de la Chine dans de nombreux secteurs. Cela peut « friter ». La présidente affirme vouloir lancer « une enquête anti-subventions sur les véhicules électriques en provenance de Chine ». Et d’ajouter :  « Les marchés mondiaux sont désormais inondés de voitures électriques chinoises moins chères. Et leur prix est maintenu artificiellement bas par d’énormes subventions publiques. Cela fausse notre marché ».

L’élargissement est un chemin que veut emprunter l’UE. « L’Europe des 30 est en marche » était le titre d’un ouvrage publié en 2007 par Philippe Deloire. La prospective d’alors se précise. Ursula von der Leyen semble faire le choix d’une Europe élargie et approfondie. L’Ukraine est l’invitée de cet élargissement lorsque le conflit avec la Russie sera terminé. Mais au-delà du message d’espoir que veut lui lancer la Commission il convient de constater les progrès effectués par ce pays en vue de rejoindre les Vingt-Sept :  « Le futur de l’Ukraine est dans notre Union… tout comme celui des Balkans occidentaux et de la Moldavie ». Mme Leyen se projette dans une Europe à 30 voire à 35 : « Dans un monde où la taille et le poids comptent, il est clairement dans l’intérêt stratégique et sécuritaire de l’Europe de compléter notre Union ». La théorie du « nombre critique « d’habitants en quelque sorte.

Mais elle est consciente de la difficulté de l’entreprise et confirme quelques instants plus tard que ces élargissements poseront des problèmes de gouvernance… elle devra sans doute évoluer. Élargir ou approfondir ? pour elle la réponse est claire : « Nous pouvons faire les deux ». La question est corrélée à celle des migrations et l’accueil des réfugiés que les peuples n’admettent que difficilement : « Chaque jour, nous constatons que les conflits, le changement climatique et l’instabilité poussent les gens à chercher refuge ailleurs ». D’une grande complexité le sujet sera long à résoudre et pourra influencer le vote des citoyens lors des élections européennes.
Elle est convaincue de pouvoir avancer sur ce dossier épineux : « J’ai toujours eu la ferme conviction que les migrations doivent être gérées ». L’humain et les valeurs fondatrices de l’UE sont ici convoquées.

Pour conclure, un discours sur l’état de l’Union que j’ai trouvé fluide et adapté à un public large. Le citoyen européen doit se sentir concerné car informé. Certes les canaux de l’information ne sont sans doute pas tous ouverts mais les médias ont fait leur job. La question centrale est l’intérêt que l’on porte ou pas à la chose européenne, notamment à l’approche des élections des parlementaires représentant les peuples. Il ne faudra pas se tromper, car comme l’affirme Ursula von der Leyen « l’avenir du continent dépend des choix que nous faisons aujourd’hui ».

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Robert Schuman : catholique, personnaliste et européen

En ce 4 septembre est célébré le 60e anniversaire de la mort de Robert Schuman. Si on le connaît comme l’auteur de la déclaration du 9 mai 1950, comme Père de l’Europe, l’homme était d’une grande simplicité, humilité et porteur d’identités multiples. Né au Luxembourg mais allemand de naissance par sa mère et doublement après l’annexion de la Lorraine. C’est donc en Mosellan qu’il entre en politique et au gouvernement en 1940. Il occupera de nombreuses fonctions dans des gouvernements successifs jusqu’à installer son image et sa voix dans les années 50.

Un homme de foi

Ce que l’on sait moins de l’homme, car souvent occultée, c’est son implication dans la foi catholique. Pratiquant tenace (il allait à la messe tous les jours), il était ancré dans la prière et oblat d’un monastère bénédictin. Il agit en chrétien engagé s’appuyant sur l’Évangile et, entre autres textes, sur la doctrine sociale de l’Église.
Il place impérativement la personne au centre de tout projet politique. Sa vision, son espérance de l’Europe étaient humanistes. S’il parlait en plein conflit de la nécessaire réconciliation franco-allemande, dans son discours prenait place les identités et appartenances «  En tant que chrétien et en tant que citoyen, notre devoir est de construire une Europe de la paix ».
On peut affirmer sans risque de se tromper que Schuman est un modèle de « politique chrétienne ». Il avait cette profondeur de réflexion, cette volonté de construire concrètement ce qui deviendra plus tard l’Union européenne.
Un ensemble de vie qui fera de Robert Schuman un Vénérable de l’Église catholique lorsque le pape François autorise l’ouverture d’un procès en canonisation en 2021. À Bruxelles, en ce 4 septembre est célébrée une messe à sa mémoire par la Commission des Évêques de l’Union européenne, la COMECE.

Un personnaliste

Membre du MRP, son inscription philosophique est en cohérence avec ses convictions religieuses et politiques. Il puise sa ressource chez des auteurs comme Jacques Maritain ou encore Emmanuel Mounier. Au niveau international il se retrouve en accord avec des personnalités internationales comme un Giorgio La Pira, le maire de Florence. Avec et comme eux, Schuman place la personne au cœur du projet politique. Il s’interroge sur deux concepts qui font débat chez les intellectuels de l’époque : la domination et la liberté. Ce qu’il aimerait voir s’installer c’est le libre arbitre de la personne à condition de lui en donner les moyens. C’est dans cet esprit qu’il s’appuie sur le principe personnaliste de gouvernement d’Emmanuel Mounier qui porte une vision éthique de la personne. La personne est opposée à l’individu égoïste et isolé. C’est l’esprit voulu pour les Européens par Schuman dans son livre « Pour l’Europe ». C’est ainsi que le concept de subsidiarité trouve peu à peu sa place dans le vocabulaire politique européen validé plus tard par le Traité de Maastricht.

Un européen convaincu

C’est en Européen convaincu, en apôtre de la paix, qu’il pense à la construction européenne dès la fin de la seconde guerre mondiale. Cela passera par la réconciliation entre les ennemis d’hier, la France et l’Allemagne. L’idée n’est pas nouvelle chez lui lorsque en 1950, il prononce son discours décisif dans le salon de l’horloge au Ministère des Affaires étrangères.
Avec Monnet il lui donne ce caractère original dans le monde de l’époque, validé par les pays fondateurs des Communautés européennes. Ce sera la CECA puis la CEE. La citoyenneté est déjà inscrite dans ses écrits et propos même si elle n’est, à ce moment là, pas encore une réalité. S’il admet avoir dû commencer par l’économie, il sait, parce que visionnaire, que l’Europe va progresser.
Pas d’un seul coup, pas dans une réalisation d’ensemble avec des crises successives qui lui permettront d’évoluer. Il ne voit pas l’Europe comme un État. Ce n’est pas sa vocation dira-t-il.
Pourtant 60 années après sa disparition, avec le retour de la guerre sur le continent et les complexités de notre monde, beaucoup se posent la question.

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Restauration de la nature : le Parlement européen dit OUI

À l’annonce des résultats les applaudissements ont fusé dans l’hémicycle ce 12 juillet. Les eurodéputés viennent d’adopter un texte clé du Green deal européen ou Pacte vert pour l’Europe proposé par la Commission européenne. Il s’agit, selon la Commission, « d’une série de propositions visant à adapter les politiques de l’UE en matière de climat, d’énergie, de transport et de fiscalité en vue de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990 ».

Ce que le parlement a voté (et seulement cela) est la loi commune sur la restauration de la nature, la renaturation pour être précis de lieux dégradés par la main de l’homme et bien souvent pollués. Il s’agit d’un processus par lesquels les espèces vivantes « recolonisent » spontanément un milieu ayant subi des perturbations écologiques.

“La terre et la mer à sauver », voici ce qui était en jeu lors du vote de Strasbourg. C’est en tout cas ce qu’annonçait ce mardi le quotidien italien La Repubblica. Même sensiblement édulcoré des critères initiaux, le texte est d’importance et traduit aussi, au delà des fondamentaux environnementaux, la volonté des parlementaires européens de se faire entendre fortement et concrètement à un an des élections européennes.

Il faut le dire le texte n’est pas anodin et oblige États membres et territoires à la restauration d’au moins « 20 % des zones terrestres et marines dégradées à l’horizon 2030, et 100 % avant 2050”.
C’est un texte fort que la Commission et le Conseil portent depuis plusieurs mois. Il est l’expression d’un constat : celui que notre biodiversité est non seulement en danger mais en voie de disparition. Le texte de loi est désormais très clairement institué comme le symbole de la politique environnementale de l’Union européenne.

Au décompte des votes, le texte est adopté avec 336 voix pour. 300 euro-députés ont voté contre et 13 se sont abstenus. À noter, et cela n’est politiquement pas anodin, qu’une motion de rejet du texte proposée par les conservateurs du PPE a été écartée mais à une courte majorité. Cela a du sens et a sauvé le texte. Une victoire indéniable pour les camps institutionnels et pro-environnementaux qui s’inscrit dans la voie et la volonté de la durabilité. Précisons que le poids des scientifiques a également été déterminant tout comme celui des jeunes générations sensibles aux questions qui touchent l’environnement.

Objectif premier : restaurer terres dégradées et espaces marins

Lorsque l’on habite, comme moi, en Bretagne, un territoire urbain-rural et maritime, l’enjeu est connu et donc largement soutenable. Le texte vise en effet à imposer aux États membres des objectifs contraignants de restauration des terres et espaces marins abîmés par la pollution ou l’exploitation intensive, dans la lignée de l’accord de la COP15 à Montréal axé sur la protection de la nature et les moyens de mettre un terme à l’appauvrissement de la biodiversité partout dans le monde.

Ainsi, les Vingt-Sept vont devoir instaurer d’ici 2030 des mesures de restauration sur 20 % des terres et espaces marins à l’échelle de l’UE, puis d’ici 2050 sur l’ensemble des zones qui le nécessitent. Selon la Commission européenne « plus de 80 % des habitats naturels dans l’UE sont dans un état de conservation « mauvais ou médiocre » (tourbières, dunes et prairies tout particulièrement), et jusqu’à 70 % des sols sont en mauvaise santé. Tout cela étant dû aux pollutions successives, à l’urbanisation, les exploitations intensives, etc. ».

Soyons clairs, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur des métiers mais plutôt sur des pratiques. Et avant tout penser à notre propre devenir, à celui des générations à venir. Le commissaire européen à l’environnement, Virginijus Sinkevicius, en convient. Il a rappelé que cette loi sur la restauration de la nature était, je cite, « la première grande loi européenne sur la nature depuis trente ans et un exemple unique au monde ». Il s’appuie sur les analyses et rapports de scientifiques pluridisciplinaires. En effet, ce sont plus de 3000 chercheurs ont expliqué que « les plus grandes menaces pour la sécurité alimentaire étaient le changement climatique et la dégradation de la nature ».

Sur ce point l’Organisation des Nations Unies prend position. Pour elle comme pour les Européens, pour être efficaces, toutes les dispositions sont à prendre à l’échelon planétaire. Le site onusien stipule que « la survie de l’humanité dépend des écosystèmes, tels que les forêts, les zones humides et les cours d’eau. Ils fournissent de l’eau propre, abritent des animaux, comme les abeilles, essentiels à la production alimentaire, et jouent un rôle clé dans la lutte contre la crise climatique ».

À titre d’exemple, précisons qu’en Europe, « l’érosion des sols affecte 12 millions d’hectares de terres, soit environ 7 % de l’ensemble des terres agricoles, et coûte aux agriculteurs 1,25 milliard d’euros par an en perte de productivité » selon les données de la Commission européenne. Des chiffres à méditer et à reporter dans le contexte.

Au delà du politique, un affrontement entre scientifiques et conservateurs

Les experts affirment qu’en plus de protéger la nature, ce chemin ouvert par les institutions européennes, Conseil, Commission et Parlement européen à la suite de l’ONU peut aider les agriculteurs à augmenter leurs rendements et à renforcer la sécurité alimentaire mondiale. L’ONU et la FAO estiment que chaque dollar investi dans la restauration et la gestion durable des terres peut générer jusqu’à 30 dollars d’avantage économique, notamment une augmentation des rendements agricoles, une meilleure disponibilité de l’eau et une réduction de la dégradation des terres. Mais cela nécessite des changement de mentalités et l’émergence d’un nouveau paradigme. Mais n’est ce pas là le but ?

Il en va de même pour le secteur de la pêche et la ressource halieutique. Deux tiers des écosystèmes océaniques sont dégradés ou modifiés et un tiers des populations de poissons marins sont pêchées de manière non durable.

Sans aucun doute, ce vote va laisser des traces dans l’hémicycle de Strasbourg et dans l’opinion. Il peut être vu comme une opposition entre porteurs d’une sensibilité écologiste et ceux qui s’y opposeraient au nom de la rentabilité des productions. Mais ce serait un raccourci trop rapide et marquerait une insuffisance dans la construction d’une pensée tenant compte de toutes les complexités. Une euro-députée française du PPE justifiait son vote, celui de son parti en revendiquant le « pragmatisme de son organisation politique et une approche productiviste ». Elle dénonçait un texte nuisible à la production agricole et à l’activité économique « de toute production économique, industrielle, forestière et agricole en Europe ».

Les élus écologistes quant à eux regrettent une version du texte trop édulcorée. Mais rappelons que les États membres avaient adopté le 20 juin un texte assez similaire à celui voté par le Parlement.

Au final le parlement, représentant les peuples et citoyens de l’Union, a voté pour des objectifs contraignants afin de restaurer des espaces naturels dégradés. C’est un texte important, un des piliers du Pacte vert de l’Union européenne.

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Gestion européenne des frontières

Migrations : l’UE renforce la gestion européenne intégrée des frontières et veut accélérer les retours

La communication relative à la gestion européenne intégrée des frontières est une obligation prévue par le règlement relatif à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. C’est une stratégie globale qui permet une vision commune à l’ensemble des institutions de l’Union et expose les grandes lignes de l’UE aux frontières extérieures.

CPV Portugais, au cours de l’opération de sauvetage Poséidon 2015
© Copyrights Frontex, la modification de l’image interdite

Par ailleurs, Frontex fournit une analyse stratégique des risques prise en compte dans les priorités et les orientations proposées par la Commission pour les cinq prochaines années. Elle recommande d’ailleurs aux États membres une reconnaissance mutuelle des décisions de retour et une accélération des retours.

Le 9 février dernier, le Conseil européen a réaffirmé sa détermination à assurer un contrôle efficace des frontières extérieures terrestres et maritimes de l’Union dans le cadre d’une approche globale en matière de migrations.

Une gestion européenne intégrée des frontières efficace

Le 14 mars dernier, la Commission a établi le premier cycle stratégique d’orientation politique pluriannuel pour la gestion européenne intégrée des frontières. C’est le fruit d’un processus de consultation interinstitutionnelle qui a débouché sur une vision commune de la gestion des frontières extérieures. Elle fournit un cadre coordonné aux autorités nationales ainsi qu’à leur plus de 120 000 agents et à Frontex, qui dirige leur travail quotidien.

Les principales priorités

  • Un contrôle aux frontières, soutenu par une coopération interservices et des systèmes d’information à grande échelle, afin d’améliorer la gouvernance des migrations et la préparation aux crises.La nécessité d’une coordination entre les États du pavillon et les États côtiers, ainsi que la nécessité de développer les meilleures pratiques en matière d’échange d’informations complètes en temps utile constituent des priorités.
  • Un système européen commun en matière de retour : une meilleure coordination entre les autorités nationales et les agences européennes est une composante essentielle aux fins de l’exécution efficace des retours.
  • La coopération avec les pays tiers devrait être intensifiée afin de contribuer au renforcement des capacités opérationnelles de ces pays dans les domaines du contrôle aux frontières, de l’analyse des risques, du retour et de la réadmission, ainsi que de la lutte contre le trafic de migrants.
  • Le plein respect des droits fondamentaux : la protection des frontières de l’Union doit s’effectuer dans le plein respect des droits fondamentaux. Les actions des acteurs de l’Union et des États membres doivent être menées dans le plein respect du droit de l’Union, y compris la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et du droit international.

Renforcer la coopération en matière de reconnaissance mutuelle des retours et accélération des retours

L’UE souhaite un système efficace en matière de retour. C’est pour la Commission un élément central du bon fonctionnement du système de migration et d’asile. Il s’inscrit dans une approche globale exposée dans le nouveau pacte sur la migration et l’asile. Il s’agit aussi de produire un effet dissuasif sur les migrations dangereuses et illégales. L’ambition est de contribuer à prévenir l’exploitation des migrants en démantelant le modèle économique des réseaux criminels de passeurs et en promouvant des voies d’entrée légales sûres.

Quelques éléments constitutifs

  • La reconnaissance mutuelle des décisions de retour : grâce au système d’information Schengen modernisé, qui est entré en service le 7 mars, les États membres peuvent désormais être immédiatement informés de l’adoption, par un autre État membre, d’une décision de retour à l’encontre d’un ressortissant de pays tiers.
  • Des retours plus efficaces : les États membres peuvent établir des liens plus étroits entre les autorités chargées de la gestion de l’asile et des retours.
  • Des incitations au retour volontaire : il est nécessaire de fournir des informations sur le retour à un stade précoce du processus, y compris au cours de la procédure d’asile. Les États membres devraient mettre en place des structures de conseil en matière de retour et de réintégration afin de promouvoir le retour volontaire.

Prochaines étapes

En ce qui concerne la gestion européenne intégrée des frontières, Frontex dispose de six mois pour traduire cette orientation stratégique en une stratégie opérationnelle et technique. Les États membres disposent, quant à eux, de douze mois pour actualiser leur stratégie nationale.
De son côté, la Commission coopérera étroitement avec les États membres afin de les soutenir dans la mise en œuvre opérationnelle de ces mesures. Une évaluation de la politique stratégique pour la gestion européenne intégrée des frontières est prévue dans quatre ans, en vue de définir un nouveau cycle politique pluriannuel en 2027. La Commission procédera également cette année à une évaluation du règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes.

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De la culture européenne commune

La guerre en Ukraine a révélé à nouveau l’Union européenne. Remarquable, le discours du président Zelensky devant le Parlement européen donne une large place à la question des valeurs. Plus de vingt citations. Il affirme que la Russie essaie « d’anéantir non seulement l’Ukraine souveraine », et souligne le « mode de vie européen ». Il voit l’Europe « comme un continent imprégné de principes, de valeurs, d’égalité et d’équité »1. Il soutient ainsi l’existence, d’un modèle social, une culture commune qu’il souhaite partager avec les autres membres de l’UE.

Les cultures liées aux territoires d’appartenance

La culture commune est un peu l’arlésienne de la construction européenne. Tout le monde en parle tout en la cachant sous le boisseau. C’est un thème récurrent pour le CECI qui en fait un phénomène anthropologique et un élément de socialisation. Elle se distingue d’une culture unique car elle maintient et développe les cultures nationales et régionales, réalités objectives et vivantes qui sont avec elle en itération, et que nul ne veut remettre en cause. De plus, postulons que la culture commune n’existe que par la société européenne qui la porte.
Lors du colloque du CECI « Quelles éducation, formation, socialisation pour les citoyens européens »2 le sujet était en toile de fond. Les questions du sens de la construction européenne, de la citoyenneté commune et du sentiment d’appartenance à l’UE étaient posées. Elles avaient fait au préalable l’objet d’un questionnaire en ligne. Les interviewés ont notamment répondu à la question : « Selon vous qu’est ce qui définit la culture européenne ? ». Si l’histoire arrive en tête des citations avec près de 60%, les arts et lettres, les rites et traditions, les symboles sont peu reconnus.
On le voit, si les dirigeants européens semblent avoir intégré avec force de conviction les éléments de la culture commune, qu’en est-il des citoyens pour lesquels l’Europe paraît toujours lointaine ? L’interrogation est centrale car il paraît vain de parler de sentiment d’appartenance à l’UE s’il n’y a pas d’emblée la reconnaissance de la dimension territoriale, de l’existence d’une culture partagée et, de fait, d’une identité européenne.

Les cultures inscrites dans des valeurs

Selon anthropologues et sociologues, une culture est « un ensemble complexe qui englobe les connaissances, les croyances, les arts, la morale, les lois, les coutumes, et tout autre capacité et habitude acquise par l’Homme en tant que membre d’une société ».3 L’UNESCO en donne une définition désormais institutionnalisée : « La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ».4
Pour le Conseil de l’Europe elle s’inscrit dans la promotion des droits de l’homme, de la pratique de la démocratie et la prééminence du droit : « La culture est l’âme de la démocratie ». Elle est le « fondement du vivre ensemble dans le respect et la tolérance mutuels dans un monde de plus en plus complexe ».5 C’est bien cette complexité qui est à prendre en compte. C’est elle qui donne sens au projet européen et sa dimension éthique.
Le sociologue franco-néerlandais Fons Trompenaars affirme qu’une culture est « la manière dont les membres d’une société abordent le risque ». La guerre en Ukraine, exemple tragique, éclaire cette assertion. Le président Zelensky en convient lorsqu’il invoque l’État de droit. En clair c’est notre modèle social européen. L’actualité nous le montre, les Européens ont leur propre manière d’aborder, l’économie, le social, le conflit et la guerre et les relations internationales. C’est culturel, le résultat d’une histoire et d’une inscription dans des valeurs. C’est le paradigme propre à l’UE, notre manière d’être, de faire, de penser, d’agir et de réagir.

Un processus en constante évolution

Cette culture consciente ou inconsciente répond à des critères objectifs, des ingrédients qui en forment la recette. Les travaux du psychosociologue néerlandais Geert Hofstede (1928−2020) induisent qu’une culture est constituée de plusieurs couches formant une structure systémique et intégrée. Il rejoint ainsi Trompenaars pour qui les éléments d’une culture forment un continuum aux dimensions explicites et implicites. Les citoyens y prennent leur part « ce sont des individus qui créent la culture, qui la transmettent, qui la transforment »6.
Une culture n’est pas figée. Elle évolue constamment en fonction des contingences. Mais elle repose sur un ensemble d’éléments constitutifs. Au cœur se trouvent les valeurs et les préceptes fondamentaux. Ils sont issus de notre histoire, de notre passé même lointain et sont transmis par les générations et les événements, par les cultures particulières et locales.
Ainsi la culture se montre à voir par des artefacts (architecture, mode, manière de se nourrir, art, littérature, musique, etc.), de l’histoire, des climats, des héros, des fondateurs, des institutions, des mythes, des rites, des symboles, par la gouvernance, le langage ou la langue, le droit ou encore le fait religieux.

Pour les Européens, les valeurs trouvent leur inscription dans l’antiquité. Athènes, Jérusalem, Rome empire et Rome siège de l’Église en sont à l’origine. Elles ont évolué au fil des siècles : Lumières, Aufklarung, philosophes britanniques, apports des religions et particulièrement du christianisme. Elles fonctionnent en système. Tous les ingrédients constitutifs y sont présents. Arts, histoire, héros. (Charlemagne, Rolland, Churchill, et d’autres), les Pères fondateurs (Schuman, Monnet, De Gasperi, Spaak), le mythe (Europa), les symboles (drapeau, hymne, passeport, euro, 9 mai), les institutions (Commission, parlement, banque centrale,) et une gouvernance (Conseil européen, Conseil de l’Union européenne), un langage sinon une langue, et un rite (la fête de l’Europe).

1 Information du Parlement européen du 9/2/23
2 Quelles éducation, formation et socialisation pour les citoyens européens, approche franco- allemande et intergénérationnelle, Brest-Guipavas le 3 décembre 2022.
3 Définition du britannique Edward Tylor (1832-1917) titulaire de la chaire d'anthropologie d'Oxford
4 Conférence mondiale sur les politiques culturelles Mexico City (26 juillet - 6 août 1982)
5 Sources : Conseil de l’Europe
6 Margaret Mead (1901-1978)
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France – Allemagne : poursuivons la tâche

Le couple franco-allemand, ainsi dénommé en France, est une union forte de deux nations. C’est l’ensemble majeur de la construction européenne depuis plusieurs décennies. Il concerne aujourd’hui une population de plus de 150 millions d’habitants.

Cette année les deux nations fêtent le 60e anniversaire du Traité de l’Élysée. Ce dernier fixe les objectifs d’une coopération entre l’Allemagne et la France dans les domaines des relations internationales, de la défense, de l’éducation et de la jeunesse. Surtout, ce traité entérine la relation de confiance et d’amitié qui s’est instaurée entre ceux que l’on peut qualifier d’anciens « ennemis héréditaires ». C’est cela qui est remarquable et important car réalisé une petite dizaine d’années seulement après le début de la réconciliation. Ne l’oublions pas car c’est le fondement majeur de notre Union européenne telle que nous la connaissons d’aujourd’hui. Elle trouve son essence dans la Déclaration de Robert Schuman du salon de l’Horloge le 9 mai 1950. « En quinze lignes, il proposait tout simplement de supprimer l’opposition séculaire entre la France et l’Allemagne » se souvient Jean Monnet.1

À l’époque, il s’agissait de faire se rencontrer les jeunesses des deux nations afin de rapprocher deux pays, deux peuples, deux cultures, un passé et un passif historique commun. Comme beaucoup j’en ai bénéficié. Ce fut ma première découverte de l’Allemagne.

Au nom de la paix, de la solidarité et de la prospérité cela a fonctionné au fil des ans. C’était une volonté citoyenne et pas seulement une décision de chefs d’État. Même si, on se doit de le souligner, de bonnes relations entre dirigeants des années d’après-guerre ont grandement facilité les choses. C’était aussi une vision de Schuman : «  Au delà des institutions et répondant à une aspiration profonde des des peuples, l’idée européenne, l’esprit de solidarité communautaire, ont pris racine »2. La coopération franco-allemande est de cet esprit.

Elle est la pierre angulaire pour l’avenir de l’Union. Plus que jamais, elle repose sur le succès et de la pérennité de cette coopération exceptionnelle et originale dans le monde. Robert Schuman l’annonce : « Cette idée « Europe » révèlera à tous les bases commune de notre civilisation et créera peu à peu un lien semblable à celui dont naguère se sont forgées les patries. Elle sera la force contre laquelle se briseront tous obstacles ». Il ajoutait que ce ne serait pas toujours simple car disait ‑il « rien de durable ne s’accomplit dans la facilité ». Notre époque le confirme à nouveau.

Au cœur du projet européen qui en découle, la citoyenneté européenne est une réalité pour les deux pays.

Souvent occultée, sinon comprise comme un ensemble de droits – dont la libre circulation des personnes, l’élection au suffrage universel des députés au Parlement européen et l’éligibilité lors des élections locales et européennes – cette citoyenneté commune s’affirme être un moteur pour que Allemands et Français avancent de concert.

Le projet européen repose en grande partie sur la compréhension et l’acception de cet élément de la culture commune des membres de l’Union européenne.

Mais cette citoyenneté est-elle véritablement installée dans les consciences, voire même acceptée ? Si elles ne peuvent se confondre avec la nationalité, ni la citoyenneté commune ni la culture de l’UE ne font l’objet, sauf à de rares exceptions, d’un enseignement ou d’une éducation dans l’un et l’autre pays. C’est pourtant une base essentielle pour que le projet européen puisse se poursuivre avec une plus forte intégration, et à terme peut-être une définition nouvelle de ce que sont l’Union et sa gouvernance.

Le CECI, avec le soutien du Fonds citoyen franco-allemand, les patronages de la Commission européenne et du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, a voulu en 2022 ouvrir la réflexion en organisant en décembre dernier un colloque qui faisait suite à un questionnaire en ligne dans le prolongement de ses travaux lors de la Conférence pour l’Avenir de l’Europe.

Cette consultation s’est déroulée à la fois dans un contexte international et européen bouleversé (Covid, Guerre en Ukraine), et dans la perspective du 60e anniversaire du Traité de l’Élysée. L’analyse a permis de se poser les questions de la formation, de l’éducation et de la socialisation à l’Europe des citoyens de l’Union européenne en prenant spécifiquement le prisme franco-allemand et celui de l’intergénérationnel. Il a donné lieu à des échanges approfondis. Les pratiques comparatives et explicatives ont permis de faire faire émerger des réalités, avec similitudes mais aussi différences. Deux visions de la citoyenneté européenne comme constituant majeur ont ainsi été explicitées lors de ce premier colloque rassemblant des acteurs des deux pays.

2023, année du 60e anniversaire du Traité de l’Élysée, doit permettre d’approfondir les deux questions centrales de cette citoyenneté partagée et l’acceptation de la culture commune. Sans laquelle, les décisions prises au niveau de l’UE aussi bonnes soient-elles ne seront intégrées par les peuples européens.

Cela n’enlève en rien les contenus des cultures nationales. Bien au contraire, il faut les faire connaître. C’est tout l’esprit des relations franco-allemandes de notre temps, au même titre que l’union des pays européens. « L’établissement des relations culturelles que nous développons entre la France et l’Allemagne, entre étudiants, professeurs, scientifiques, syndiqués, etc., marque des progrès exceptionnels » écrit en son temps Schuman. Poursuivons la tâche.

 1 Jean Monnet Repères pour une méthode, propos sur l’Europe à faire, Fayard. 
 2 Robert Schuman, Pour l’Europe, Nagel.
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Législation de l’Union

Une application en faveur des citoyens.

L’objectif de la Commission européenne est d’exposer ses travaux au travers d’une communication et de garantir le respect de la législation de l’Union. Les citoyens et les entreprises doivent bénéficier des mêmes droits dans l’ensemble de l’UE.
C’est donc une application correcte du droit de l’Union et validée par les États membres qui permet aux Européens de respirer un air plus propre, de voyager et de travailler librement n’importe où dans l’UE ou encore d’obtenir le remboursement de soins de santé reçus à l’étranger.

Il faut le savoir le droit de l’Union a une incidence réelle sur la vie quotidienne des Européens. C’est pourquoi son application est une priorité absolue pour la Commission. Je peux citer la présidente de la Commission Madame Ursula von der Leyen : « Le droit de l’UE est ce qui rend l’UE libre, juste et équitable. C’est le moteur d’une Europe plus verte, plus prospère et plus numérique, dans laquelle les citoyens peuvent se sentir en sécurité et protégés. Cela devrait être le droit de tout Européen et de toute Européenne, sans exception. C’est pourquoi nous avons besoin d’une application du droit de l’UE qui soit globale, intelligente et stratégique, pour permettre aux Européens et aux entreprises de tirer pleinement parti des possibilités offertes par l’UE. »

La mise en œuvre des réglementations européennes revient selon les traités aux États membres. La Commission les assure de son soutien pour leur faciliter la tâche par leur introduction dans les droits nationaux. Cela concerne particulièrement les orientations pratiques, le financement et le suivi, qui contribuent à prévenir les violations de ce droit commun. Ce sont les valeurs fondamentales que sont l’égalité, la justice et la citoyenneté qui sont à préserver et développer. Mais l’institution est aussi très claire. En cas de violations elle n’hésitera pas à saisir la justice en engageant des procédures d’infraction.

Une collaboration étroite avec les États membres.

En tant que gardienne des traités, la Commission a la responsabilité centrale de veiller à l’application du droit de l’Union. Toutefois, la coopération avec les États membres est essentielle.
L’application et le contrôle du respect du droit de l’Union sont le fruit d’un effort combiné de divers acteurs tels que les juridictions nationales, les parlements, les organismes de réglementation, les autorités de protection des consommateurs ou de protection des données, ainsi que la société civile et le public.
En particulier, les juridictions nationales, qui sont des juridictions de l’Union lorsqu’elles appliquent le droit de l’Union, jouent un rôle particulièrement important dans la chaîne répressive, étant donné que c’est par leur intermédiaire que les citoyens peuvent avoir un accès effectif à des voies de recours. De leur côté, par souci de transparence, les États membres doivent informer le grand public.

Mais comme les mots doivent avoir pour tous les citoyens le même sens et le même poids et afin d’éviter des interprétations divergentes de la législation et de favoriser une compréhension commune des règles, la Commission fournit une assistance technique et un soutien financier. Ces derniers sont disponibles au titre des Fonds régionaux et structurels européens détenus en France par les régions.

Un droit commun pour des réactions face aux crises.

Les crises ou les situations d’urgence telles que la pandémie de COVID-19 et la guerre d’agression russe contre l’Ukraine ont mis à l’épreuve la capacité des États membres à respecter pleinement la législation de l’UE. L’application du droit de l’UE n’est pas un événement ponctuel : elle nécessite des efforts constants et soutenus de la part des États membres et de la Commission, pour promouvoir une application cohérente et efficace des règles de l’UE. Ainsi, un bilan est actuellement en cours afin de veiller à ce que les outils de contrôle soient efficaces et que le droit de l’UE fonctionne dans la pratique.

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Avoir confiance en notre civilisation et projet européen

On n’a jamais pu en dire autant mais force est de constater que l’Union européenne est désormais au cœur de l’actualité quotidienne. On le doit à la guerre scélérate que mène la Russie en Ukraine, contre la civilisation occidentale, contre les droits humains les plus élémentaires, contre la liberté et la dignité de la personne humaine, du droit de chaque peuple à disposer de lui-même, mais aussi aux conséquences qui pour nous font scandale, font trébucher nos sociétés, à la crise énergétique qui inquiète les Européens à l’approche de l’hiver, mais aussi au réchauffement climatique, au manque d’eau, aux productions agricoles incertaines, etc.

Le prévisionnel des mois à venir n’est pas rose et l’ambiance plutôt anxiogène. Dans cette période de conflit mondialisé et peut-être malheureusement de pré-guerre mondiale, les États sont à la manœuvre et l’Union européenne occupe le terrain médiatique quotidien. La présidente Ursula van der Layen apparaît sur les écrans de télévision chaque jour et expose, comme le ferait une Première ministre, les orientations voulues par le Conseil européen et les propositions de la Commission européenne. Le Parlement européen, creuset de la démocratie, quant à lui fait part de ses engagements et souhaits politiques des représentants des citoyens pour que l’UE soit encore demain un espace de liberté, de paix, de développement et de prospérité. Bref, un lieu de vie agréable même dans la sobriété.

Aujourd’hui l’avenir de l’Union repose sur la force de ses valeurs. Celles qui ont fait qu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale et avec des crises successives, l’espace occidental du continent européen a progressivement évolué jusqu’à devenir ce centre décisionnel pour plus de 450 millions de ses citoyens.
Exemple marquant : c’est l’UE qui forme des soldats ukrainiens, et non pas des États membres, aux nouvelles technologies militaires nécessaires à la victoire contre son agresseur. C’est l’UE qui maintient une forme d’équilibre stratégique entre puissances régionales mondiales (Russie, Chine, USA, Inde, Brésil, Afrique) parfois avec difficultés mais toujours avec persévérance. Et sans jamais perdre de vue que notre style de vie, notre attachement à la dignité de la personne humaine, la liberté aux sens philosophique et économique soient le plus possible maintenus.
Bien sûr, durant ces périodes de crises dures, le monde continue sa progression. Et là aussi il convient d’être vigilants et ne pas perdre la boussole de notre temps. Je pense à l’Intelligence Artificielle qui peut résoudre nombre de problèmes mais qui est aussi à la source d’autres qui peuvent, sans vigilance, toucher à nos libertés de choix dans tous les domaines de la vie.
La question agricole est essentielle et la politique commune doit s’orienter vers l’établissement de plus petites exploitations, seules susceptibles d’aménager le territoire et de garantir la qualité et la quantité des denrées alimentaires proposées aux citoyens de l’Union. Cela implique des changements importants en matière de logistique et de transformation des habitudes.
Le président Macron a raison lorsqu’il affirme que nous sommes au bout de l’abondance. On le savait depuis longtemps mais eau, gaz, carburants, alimentation sont les causes de conflits locaux ou généralisés. On se le savait. On n’y croyait pas trop. Nous y sommes.

L’Union européenne est plus que jamais la dimension idéale pour repenser la société européenne de manière globale. En effet hors de l’UE et sans la solidarité entre pays membres, pas de sécurité ni de défense commune, pas de souveraineté énergétique, pas de politiques communes susceptibles de favoriser un développement de l’ensemble européen, pas de relations apaisées avec le reste du monde, pas de réponses aux défis sanitaires et de santé que le monde subit, pas de politique d’équilibre et de développement du continent africain comme le souhaitait en son temps Robert Schuman. Il convient désormais de gérer une politique migratoire qui est inévitable. Et les raisons sont nombreuses et interdépendantes : guerre, famine, accès à l’eau, réchauffement climatique, sécurité, absence de libertés et de démocratie.

Ce ne sont que des exemples mais ils appellent à une réflexion sur l’égalité entre les États membres et leur stratégie commune. Il n’est plus question d’hégémonie de l’un sur l’autre, ou des uns sur les autres. L’Europe ne peut être française ou allemande : elle doit être européenne. Emmanuel Mounier, en 1950, dans un article pour l’Observateur appelant à la construction viable d’une organisation européenne posait déjà la question des rapports humains dans une perspective des conditions inéluctables qui se présentaient à l’époque. Plus que jamais la question est d’actualité. Quels rapports humains dans cette Europe qui se découvre tout à coup être une puissance par les événements contraignants qui s’imposent à elle depuis l’extérieur ?

Pour le CECI dont c’est la vocation de recherche et d’observation, la question est centrale. Car elle pose la question de l’existence d’une culture commune. Celle qui fait de nous des Européens. Mais loin de penser un centralisme résurgence du passé des États nations de Renan, il me semble indispensable de penser le local comme on pense le global ; ce que l’on nomme du mot savant de subsidiarité. L’un et l’autre sont des chemins en réalité convergents. Ils amènent à poser la qualité des rapports humains dans les activités, dans les manières de consommer, dans le regard que l’on porte sur l’humain, la nature et la biodiversité, sur l’éducation et la socialisation. Sur la manière de penser la nécessaire spiritualité qui fera de l’UE le lieu du progrès humain pour donner au monde la forte doctrine politique, économique et sociale indispensable au diagnostic et la guérison de nos désordres. Ces derniers mots empruntés à Emmanuel Mounier doivent nous donner confiance en l’avenir de notre civilisation et de notre projet européen.

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CAE : révision des traités ?

Conférence sur l’avenir de l’Europe : les députés se prononcent pour une révision des traités.

La Conférence sur l’Avenir de l’Europe a trouvé son terme le 9, jour symbolique de la fête de l’UE. Les députés européens ont salué les résultats ambitieux et constructifs de la Conférence et ont apporté leur soutien aux propositions citoyennes ambitieuses qui visent à réformer l’UE en profondeur.
En assemblée, le Parlement a adopté à main levée une résolution sur le suivi des conclusions de cette Conférence inédite.

C’est une des demandes citoyennes et c’est une nécessité portée par le CECI. Le Parlement reconnait que « les propositions ambitieuses et constructives » issues de la Conférence nécessitent de réviser les traités, notamment pour garantir plus de simplicité, de transparence, de responsabilité et de démocratie dans l’UE.
À cette fin, le PE invite la commission des affaires constitutionnelles à préparer des propositions pour réviser les textes fondateurs de l’Union.

De telles démarches sont envisageables par la conclusion d’une Convention conforme à l’article 48 du traité sur l’UE.
Grâce à cette procédure, l’UE devrait privilégier un modèle de croissance durable, inclusif et résilient qui met l’accent sur les PME avancent les députés.
Ils appellent à la pleine mise en œuvre du socle européen des droits fondamentaux et l’UE à jouer un rôle prépondérant dans la lutte contre le changement climatique, la protection de la biodiversité et la mise en avant du développement durable à l’échelle mondiale.

Les députés ont souligné que l’octroi d’un droit d’initiative législative au Parlement et la fin de l’unanimité au Conseil permettraient d’approfondir l’intégration politique et de parvenir à une véritable démocratie.

Un exercice sans précédent de démocratie participative

Lors du débat une grande majorité des députés ont souligné que les citoyens ont fait entendre très distinctement leurs attentes, leurs priorités et leurs préoccupations dans cet exercice sans précédent de démocratie participative. Ils ont aussi souligné que les conclusions de la Conférence devaient être respectées.

Nombre d’entre eux ont mis en exergue la nécessité pour les citoyens d’être plus impliqués dans les représentations démocratiques à l’échelle européenne.
D’autres ont mis l’accent sur des secteurs particuliers pour lesquels les propositions citoyennes appellent à de grands changements, notamment de véritables élections européennes ainsi que de nouveaux pouvoirs pour l’UE dans les domaines de la santé, de l’énergie, de la migration et de la défense.

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9 mai en Europe : une date, la guerre et la paix

Pour les Européens de l’Union, le 9 mai est le jour de la fête commune : celui qui commémore la déclaration de Robert Schuman en 1950, considérée comme la première pierre, le texte fondateur de la construction européenne. Il propose alors la mise en commun des systèmes de production, français et allemand, du charbon et de l’acier.

Pourtant dans la pensée de Robert Schuman l’Europe en devenir ne se réduit pas à la CECA ou à l’Euratom. Dans ses textes prophétiques et notamment son livre « Pour l’Europe », il met en évidence et en premier les valeurs qui doivent présider à l’émergence d’une entité européenne fondée sur la paix, la solidarité, la coopération internationale, la justice, la démocratie et la citoyenneté. 

En Union européenne : un jour de célébration de la Paix 

Ce qui prédomine chez Schuman c’est son intérêt pour la personne humaine dans cette construction qui n’a pas d’égal dans le monde. En ce sens, et dans une perspective personnaliste, rappelant les deux conflits mondiaux, il est un précurseur des constructions d’ensemble dans un concert des nations qu’il considère comme une option déterminante dans le sens du meilleur ou du pire : « À une époque pendant laquelle, en l’espace d’une seule génération, des heurts d’une violence et d’une étendue sans précédent se sont produits entre les hommes, et au cours de laquelle la menace de nouveaux conflits continuent à peser sur l’humanité entière comme une fatalité, en même temps que les moyens de destruction nouvellement inventés confèrent aux tueries futures le caractère non plus d’une épreuve de forces rivales mais celui d’un suicide généralisé, nous avons senti que nous étions à la croisée des chemins »1.

Son projet, de responsabilité citoyenne et démocratique, a connu des hauts et des bas mais surtout un succès qui prend toute sa force dans l’actualité. Celui d’une construction de la paix entre les pays signataires. Elle dure depuis plus de 70 ans. « Ce qui compte à l’actif de l’Europe, c’est qu’elle est à même de contribuer, effectivement et dans l’immédiat, aux besoins de l’humanité, en réponse aux aspirations nouvelles des peuples » déclare-t-il. Il s’agit donc bien pour Schuman de mettre en oeuvre une entreprise de paix avant même une union économique. 

En Russie : une oeuvre de guerre 

La paix est un idéal que les Européens veulent poursuivre face à l’adversité qu’impose la Russie de Vladimir Poutine au monde, dans sa volonté de contraindre l’Ukraine par le meurtre et la destruction. Nos dirigeants européens font tout ce qui est possible de faire, se positionnant sur les valeurs et préceptes fondamentaux de l’Union. C’est la vocation de notre 9 mai, de la Journée de l’Europe. Ils travaillent à la sauvegarde de l’Ukraine mais aussi de l’Union en équipant l’armée de ce pays et en accueillant ses réfugiés. 

À l’inverse, pour Vladimir Poutine le 9 mai sera le jour de son grand discours, de ses références à la Seconde Guerre mondiale, de sa nostalgie de l’URSS. Ainsi, et dans le contexte de sa guerre déjà mondialisée, le jour de l’armistice à Moscou se veut être un jour symbolique. Comme depuis 1945, les responsables russes tentent de faire croire qu’ils ont été les seuls à combattre le nazisme faisant fi des Alliés et des autres peuples européens. Ils poursuivent la même réthorique pour justifier leur agression de l’Ukraine. Inquiétant, ce « jour de la victoire » pourrait marquer un tournant dans la guerre contre l’Ukraine et par ricochet pour les Européens. Le Ministre Lavrov n’a t‑il pas déclaré « vouloir intensifier les actions militaires et ajuster l’avancée des troupes lors de cet anniversaire » ?
Pour Vladimir Poutine cette date est d’une portée symbolique sur le peuple russe.
Emmanuel Macron, président du Conseil de l’Union européenne, répondra en Européen depuis Strasbourg. La date pourrait alors être aussi celle d’un plus fort engagement pour les occidentaux. 

Assurer la défense collective de l’UE

En effet, l’Union doit se préparer à sa sauvegarde. « L’Europe ne se construit pas contre quiconque, proclamait Schuman, mais elle doit assurer sa défense. » Ici encore sa parole était juste : « Une tâche européenne, constructive et valable, consiste sans doute à assurer la défense collective contre toute agression possible. Comme la paix, la sécurité est devenue indivisible… ».

Par la force des choses cette paix et cette sécurité à assurer pour l’Ukraine et l’UE seront au cœur des pensées et des manifestations du 9 mai et du mois de l’Europe. Au moment où la France préside le Conseil de l’Union européenne, les thèmes autour de la sécurité et de la défense seront au centre des échanges et des débats. La prise de conscience d’une Union européenne forte et capable de peser dans les relations internationales sera forcement première.
Mais souvenons nous de cette adresse de Jean Monnet à René Pleven, président du Conseil à propos du « containment » de 1947 qui amenait les responsables américains d’alors à tout mettre en œuvre pour empêcher l’URSS de s’emparer de nouveaux territoires : « Nous sommes aujourd’hui face à face avec la nécessité de nous assurer une « victoire froide » sur l’adversaire et de préparer la guerre » 2.

La Journée de l’Europe du 9 mai aura cette année une tout autre portée et saveur que celles, précédentes et gentillettes, que nous avons connues. 

Emmanuel Morucci 6 mai 2022 

1 Robert Schuman, Pour l’Europe, 1963 Editions Nagel, Paris
2 Jean Monnet, Mémoires, Editions Le Livre de poche, Paris, 1976

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