Emmanuel Morucci

Conférence internationale avec Tbilissi

Report des négociations par le gouvernement géorgien :
quelles positions politiques et juridiques pour l’UE ?

Je voudrais remercier le Docteur Ioseb Kelenjeridze, Directeur de l’Institut de Droit à l’Université Européenne à Tbilissi pour son invitation à intervenir à l’occasion de cette conférence internationale « European Union – Legal and Political Vectors ». Merci également à Vazha Kiladre qui anime notre session ainsi que Hans-Jurgen Zahorka qui a été un intermédiaire efficace et amical dans cette invitation. J’adresse mes salutations aux autres intervenants de cette conférence : Madame Nona Gelashvili et Monsieur Levan Meskhoradze.

Les questions auxquelles m’a demandé de réagir Ioseb Kelenjeridze sont de nature pluridimensionnelle : politiques, juridiques, diplomatiques et morales. 

Mon propos est celui d’un modeste observateur attentif aux situations européennes. Je dois dire qu’au moment où nous échangeons, des mesures potentielles pouvant être prises sont discutées actuellement au sein des instances européennes et entre les États membres. Il est important de rappeler que le statut de candidat a été accordé à la Géorgie le 14 décembre 2023, par les Chefs d’État et de gouvernement lors d’un sommet européen.

Pour rappel ces questionnements touchent à la loi sur les ingérences étrangères, lois contraires à la règlementation européenne. Si la Géorgie n’abroge pas ces lois, quel pourrait en être le résultat ? C’est un objet politique et juridique conditionnel à la démarche d’adhésion. L’Union européenne pourrait-elle interdire à la Géorgie les voyages sans visa ? Ou retirer le statut de candidat ?

Commençons par cette question de visa car c’est une position symbolique face à la situation en Géorgie. Actuellement, les ressortissants géorgiens n’ont pas besoin de visa pour des séjours de moins de 90 jours sous conditions de ressources et d’un passeport. Toutefois, actuellement l’UE exprime son mécontentement en menaçant de suspendre des visas diplomatiques en raison de la répression de l’opposition.

Le partenariat oriental

Avant d’aller plus loin il est important de rappeler que la Géorgie est un des pays partenaires de l’UE et participe déjà au partenariat oriental lancé en 2009. Ce partenariat vise, entre autres choses, à renforcer le dialogue politique entre l’UE et les pays partenaires, à faciliter l’intégration économique à travers des accords d’association et des accords de libre-échange, à promouvoir des réformes en matière de démocratie, de droits de l’homme et de bonne gouvernance. La situation actuelle fait que, malgré ces accords d’association en cours, la situation politique actuelle soulève des préoccupations quant à l’avenir de l’intégration européenne de la Géorgie.

Les questions que vous me posez impliquent une réflexion sur la complexité de la situation. Elles touchent à la fois à la négociation avec l’Union européenne et les actuels pays membres et à la politique intérieure de la Géorgie, et concernent le droit communautaire, la citoyenneté européenne tout comme aux identités nationales et identité commune. Elles touchent également à la conscience européenne. La liberté des ONG est primordiale dans le processus démocratique ainsi que leur coopération notamment pour celles dont l’action est liée à un rapprochement avec l’UE et à la diffusion de l’information européenne aux citoyens. On ne peut parler ici d’ingérence mais de dispositif habituel à toute candidature acceptée à la dimension politique commune. La question des élargissements est sensible car il en va également de l’unité européenne en ces périodes de turbulences économiques et politiques internationales et du respect du traité d’Union européenne abordé par Madame Nona Gelasvili. Les difficultés avec la Hongrie en sont un exemple comme peut l’être la progression dans plusieurs pays lors des élections de personnalités de droite radicale. 

Une première remarque est celle de l’exercice de la démocratie, du droit de vote et au respect des droits des citoyens. Comme vous le savez un référendum est nécessaire pour entamer les négociations d’adhésion. Ce doit être une volonté populaire et citoyenne. C’est toujours un peuple qui s’exprime et non pas seulement un gouvernement. Dans le cas qui nous intéresse c’est bien le gouvernement géorgien qui recule la date d’ouverture à 2028 contre l’avis des citoyens.

D’autres questions soulevées traitent des choix démocratiques. Celle du droit de circuler librement dans l’Espace Schengen et en UE, et celle des sanctions éventuelles pour atteintes aux droits de l’homme et à la citoyenneté. 

Les valeurs de l’UE sont inscrites dans les Traités, notamment celui de Lisbonne mais également dans le document important qu’est la Charte des droits sociaux fondamentaux des citoyens de l’UE. Pour adhérer et valider les négociations il est nécessaire de valider ce que l’on appelle l’Acquis communautaire et transposer dans le droit national l’ensemble de ces dispositions. C’est pourquoi le temps avant l’adhésion peut être long. Parfois 10 ans. Il y a également les questions économiques et sociales à prendre en compte. 

Actuellement, important est l’état de la situation et des relations avec la Russie qui mène une guerre d’agression vis-à-vis de l’Ukraine. Ce pays exprime sa volonté de rejoindre l’UE. Les États membres de l’UE ont validé le fait que les négociations s’ouvriront avec ce pays dès la guerre achevée. C’est une question fondamentale car le principe d’adhésion premier est la paix entre les membres. On peut prendre comme principe la relation fondamentale entre la France et l’Allemagne. Sans cette volonté forte, portée en 1950 par les fondateurs, sous l’égide de Robert Schuman et d’autres dont Konrad Adenauer, ce rapprochement historique, l’UE n’existerait pas. 

Les opinions publiques

La Géorgie doit se positionner sur les textes actuels. C’est la base. Mais, comme l’a dit Hans-Jurgen Zahorka, il est important de tenir compte des opinions publiques géorgienne et européenne. Toutes ne sont pas au même niveau et certaines peu favorables à un élargissement. 

Si l’UE s’engage vers d’éventuels élargissements (au nombre de 10), ils doivent être une réussite et ne concernent pas seulement un marché unique. La relation doit être du type gagnant/gagnant. Il y a d’autres dimensions relationnelles à prendre en compte comme la sécurité commune, la politique de voisinage, la défense, les relations avec le reste du monde, celles avec les BRICS (dont la Russie) et aujourd’hui particulièrement la zone indo pacifique, mais aussi les domaines de notre futur : le numérique et l’intelligence artificielle. La guerre en Ukraine est actuellement un point très sensible. 

Toutes les déclarations en UE vont dans ce sens du maintien des négociations ouvertes. Toutes regrettent clairement la déclaration d’Irakli Kobakhidze, contre la position de la présidente Salome Zourabichvili sur la décision de « Rêve géorgien » de ne pas poursuivre l’ouverture des négociations d’adhésion. Ce qui revient à rejeter le soutien financier de l’UE jusqu’en 2028. Il faut avoir conscience qu’en reprenant d’éventuelles négociations après 2028 cela ne permettra pas une entrée dans l’UE dans les deux ans. Il faudra un temps plus long, une dizaine d’années peut être. Cela passera, entre autres éléments, par l’acception des critères de Copenhague et de ce que l’on appelle l’Acquis communautaire. Le constat est que le plan d’action des autorités géorgiennes et le recul démocratique ont conduit à l’arrêt de facto du processus d’adhésion dès juin de cette année et que l’aide financière de l’UE au profit directement des autorités géorgiennes est actuellement en attente.

La position actuelle du gouvernement géorgien marque un changement par rapport aux politiques de tous les gouvernements précédents et ne répond pas aux aspirations européennes de la grande majorité du peuple géorgien, comme cela est inscrit dans la Constitution de la Géorgie.

Les médias nous montrent les images du peuple géorgien, une fois encore, manifestant en grand nombre dans les rues pour réaffirmer ses aspirations à rejoindre l’Union européenne. Bien évidemment, les Européens condamnent fermement la violence contre les manifestants pacifiques qui défendent leur avenir européen et démocratique. De fait, les actions du gouvernement géorgien ont des conséquences directes sur la relation avec l’UE et ses États membres. 

Vouloir être membre de l’Union européenne, c’est respecter les règles de l’ensemble que l’on désire rejoindre. Ce n’est pas un accord pour faire bien ou pour obtenir seulement des avantages économiques. Les implications sont nombreuses et autres : économiques bien sûr, mais aussi politiques, sociales, culturelles, diplomatiques….Et reposent sur un socle de valeurs communes et partagées. 

Ainsi, les autorités géorgiennes doivent respecter le droit à la liberté de réunion et à la liberté d’expression, et s’abstenir d’utiliser la force contre des manifestants pacifiques, des politiciens et des représentants des médias. Pour l’UE, tout acte de violence doit faire l’objet d’une enquête et les responsables être tenus pour responsables. Je constate, à la lecture des déclarations, que l’UE réitère ses graves préoccupations concernant le recul démocratique continu du pays, y compris les irrégularités qui ont eu lieu lors des récentes élections législatives. Dans ce contexte, l’UE attend avec impatience le rapport final de l’OSCE/ODIHR et ses recommandations.

Que dire encore ? Que l’UE soutient le peuple géorgien et son choix pour un avenir européen. Bien évidemment, la porte de l’UE reste ouverte, mais l’acceptation aux valeurs européennes et le retour de la Géorgie au chemin de l’adhésion à l’UE est entre les mains des dirigeants géorgiens.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, CECI fait, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 1 commentaire

Nouvelle commission : défis et enjeux pour l’UE

Au moment où la passation entre l’ancienne et la nouvelle Commission européenne est opérée, les défis et enjeux qui se présentent aux Européens sont nombreux. Se voulant concret et symbolique le premier déplacement à Kyiv du président du Conseil européen, António Costa, de la Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Kaja Kallas, et la commissaire chargée de l’élargissement, Marta Kos, est l’illustration concrète d’une situation réelle qui touche chacun des pays membres de l’UE.

C’est un signe d’autant plus prégnant que le monde connaît une période de grande instabilité politique, économique et culturelle. Les conflits sont latents. Les compétitions entre États-continents sont devenues des réalités que les institutions nationales et européennes semblent avoir du mal à saisir et les médias des difficultés à informer de manière exhaustive.
Un peu partout existe un glissement vers des droites radicales en réaction à des échecs de gouvernements sur des évolutions économiques, sociales et, il faut le dire, des changements sociétaux. Ils réagissent aussi parfois aux contre-coups aux migrations, voire et souvent à un sentiment d’insécurité.

La Chine s’impose sur les marchés qui faisaient autrefois la gloire des occidentaux et en particulier sur les secteurs automobiles, du numérique, de l’IA ou encore celui des panneaux solaires. L’Inde s’impose dans les domaines du numérique ou de l’industrie pharmaceutique. Il est vrai que depuis des décennies des délocalisations font à ces pays de somptueux cadeaux que les États et groupes industriels regrettent aujourd’hui. En réaction, le consommateur commence à regarder d’un mauvais œil un produit banal qui traverse les océans et parcourt des milliers de kilomètres maritimes ou aériens pour atterrir dans nos GMS.

Ainsi, la mise en perspective par l’UE de la zone indopacifique est un objectif prioritaire pour la Commission car la zone connaît une croissance massive tant en terme économique que de populations. En termes commerciaux et industriels, mais aussi de stabilité, le défi est majeur.

Si l’on rajoute la guerre d’invasion que mène la Russie contre l’Ukraine, la déstabilisation du Moyen Orient, l’émergence des BRICS augmentés de 20 pays, un réchauffement climatique auquel on tente de s’adapter, on voit clairement que la nouvelle Commission sous la présidence d’Ursula von der Layen va devoir agir en finesse, efficacité et rapidité. Si elle doit rechercher le consensus, cela implique que les États membres soient absolument solidaires. Le jeu personnel de certains dirigeants, comme celui auquel se livre le PM hongrois Viktor Orban est à bannir. Optimiste, j’espère que la méthode communautaire devra permettre d’arriver à des accords.

Les défis sont nombreux.

Nous le savons, les défis qui se présentent sont nombreux. Essayons d’en regarder quelques-uns. La liste n’est malheureusement pas exhaustive.

Le premier et le plus urgent est le retour à la paix sur le continent européen. C’est essentiel car c’est l’essence même, la première des motivations du projet européen. C’est sur cette base que s’est construite la communauté européenne. « Plus jamais la guerre sur le continent européen » clamait, en 1948, au congrès de La Haye le Premier ministre britannique Winston Churchill. Deux ans plus tard la déclaration de Robert Schuman concrétisait le propos. Depuis cette date, c’est vrai, il n’y a pas eu de conflit entre pays signataires. Cela dure alors depuis plus de sept décennies. Rappelons qu’une guerre éclatait auparavant entre nos pays en moyenne tous les trente ans ; il est bon de le souligner. Avec la guerre à nos frontières, il faut donner aux Ukrainiens les moyens de la paix.

Un deuxième concerne la compétitivité et le risque de décrochage économique auquel l’UE est confrontée. Mario Draghi dans son rapport remis à la présidente de la Commission propose trois orientations fondamentales pour relancer une croissance « durable » : innover et combler le retard technologique, définir un plan commun pour la décarbonation et la compétitivité, et renforcer la sécurité et réduire les dépendances.

Le troisième n’est pas si simple à mettre en œuvre. Il s’agit de la décarbonation, c’est-à-dire l’ensemble des mesures permettant au secteur industriel, à l’économie, à l’UE, aux États, entreprises et citoyens de réduire l’empreinte carbone. Il s’agit d’agir avec efficacité pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, dioxyde de carbone (CO2) et méthane (CH4) principalement, afin de limiter l’impact sur le climat.

Le quatrième défi est sans conteste celui des migrations. Le Conseil s’efforce de mettre en place une politique migratoire européenne efficace, humanitaire et sûre. Celle-ci doit tenir compte de nombreuses complexités que les dirigeants comme les citoyens doivent prendre en compte. Il concerne la démographie fortement en baisse au sein de l’UE comme la résolution des besoins actuels et futurs en matière de main d’œuvre. La démographie qui devrait faire l’objet d’une politique commune tant elle met en cause des éléments, économiques, culturels et sociaux. C’est une question majeure que l’on ne peut mettre de côté.

Un cinquième défi est celui de l’élargissement. Il est important car l’UE pour peser dans le monde tant dans les domaines de l’économie que géostratégiques a besoin d’un nombre critique de citoyens. En août 2023, le président du Conseil européen, Charles Michel, déclarait que l’Union européenne devait être prête à intégrer de nouveaux membres d’ici 2030. Mais cela ne doit se faire sans une analyse critique sérieuse afin d’en saisir le bien fondé. La question de la citoyenneté commune, du nécessaire sentiment d’appartenance sont à prendre en compte et pas uniquement les problèmes institutionnels qui, inévitablement, vont se présenter. Un nouveau traité se profile. Ce sera un travail préparatoire pour la nouvelle législature. En attendant, la porte est ouverte à près de dix pays demandeurs dont l’Ukraine et la Moldavie. Pour l’instant, cinq pays des Balkans occidentaux ont obtenu le statut de candidats : Macédoine, Monténégro, Albanie et Bosnie-Herzégovine.
Certes, ces pays devront satisfaire aux exigences des critères de Copenhague mais pas seulement. Les dimensions politiques, culturelles sont au cœur de leur acceptation.

Que doit faire l’Union européenne face à de telles situations ?

Revenir avec force dans le jeu international et conscientiser au niveau des politiques intérieures. C’est l’ambition affichée par les dirigeants européens. Pour ce faire, l’UE doit se construire un agenda géopolitique nouveau et l’expliquer. Il est important pour les citoyens de l’UE, pour les relations entre les États membres, mais il doit devenir lisible à l’extérieur de l’UE. C’est un signe fort pour les régions et États du reste du monde notamment au moment où certains accords économiques sont fortement discutés pour ne pas dire contestés.

Parlons de la défense. Si une armée européenne est une vision de l’esprit dans le contexte actuel faute d’une politique commune et diplomatie dédiée, il est important de souligner l’existence de mesures concrètes et identifiées dans le cadre de la stratégie industrielle de défense européenne (EDIP – The European Defence Industry Programme). Un objectif est d’augmenter le soutien financier. De même, il convient d’assurer la disponibilité et l’approvisionnement des produits de défense. Sur cette question, promouvoir la coopération avec l’Ukraine est essentiel.

Enfin, et c’est un enjeu central, l’UE doit réaffirmer avec force ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas. Elle n’est pas un État. Schuman avait d’ailleurs insisté sur ce fait. Mais elle est plus qu’un marché intérieur. Elle est un territoire de valeurs, d’appartenance et de citoyenneté.
Autrement dit, l’UE est une construction politique et pas seulement un ensemble économique. Pour fonctionner, elle doit obtenir l’adhésion de ses citoyens et leur appui. Ils répondent, souvent inconsciemment, à une culture commune. Ensemble, tous font civilisation.
C’est ce travail qui doit être mis en œuvre dans les mois à venir. Sans oublier que la subsidiarité réelle doit être au cœur des projets. Nous sommes attachés à nos cultures et souhaitons les préserver. C’est notre richesse et ce qui fait nos identités multiples.
L’UE n’est pas une uniformisation. Sa devise l’affirme. Les citoyens l’ont finalement exprimé lors des dernières élections.

La nouvelle direction de l’UE est en place.

La présidente Roberta Metsola (Parlement européen), la présidente Ursula von der Leyen (Commission européenne) et le président António Costa (Conseil européen) se sont retrouvés le 2 décembre, lendemain du début des nouveaux mandats de la Commission et du Conseil.

Le 1er décembre, António Costa a pris ses fonctions de président du Conseil européen. Organe principal de l’UE. En son sein les chefs d’État et de gouvernement des pays membres définissent l’orientation politique et les priorités de l’UE.

Le même jour, Ursula von der Leyen a entamé son deuxième mandat à la tête de l’institution exécutive de l’UE, après que le Parlement ait examiné et approuvé son équipe.

Le mandat de cinq ans du Parlement a commencé après les élections européennes de juin, après que les Européens aient voté au suffrage universel pour leurs représentants.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 2 commentaires

Immigration : les 27 à la recherche d’une voie, d’une voix commune

Réunis en Conseil européen, les vingt-sept chefs d’État et de Gouvernement cherchent une voie, d’une voix commune sur la question migratoire. Ils réclament, en urgence, une nouvelle loi (Les Échos 18/10/24). Encore faut-il savoir de quelle immigration il s’agit. Celles des Africains ou des Syriens par exemple, ou ciblent-ils aussi celle des Britanniques ou des Européens ? Cela va loin car même le droit de libre circulation des citoyens de l’UE, par le contrôle aux frontières, pourrait être remis en question.
Sur le sujet de l’immigration, entendons l’immigration clandestine, on constate un durcissement des positions, parfois diverses, parfois divergentes, des représentants des États membres. Outre des réalités dénoncées par les habitants souvent des zones fortement urbanisées, c’est le résultat des élections européennes qui est le point de départ d’une forme de radicalisation des choix des dirigeants européens. Cela s’est traduit par la montée des partis des extrêmes droites. On a assisté également à l’installation au Parlement européen du parti des « patriotes européens » mené par Viktor Orban, Premier ministre de Hongrie. La présidence du groupe est revenue à celui qui un temps a espéré devenir Premier ministre de la France, Jordan Bardella.
Les Européens ne répugnent plus à poser la question migratoire. Il semble même que ce soit devenu une priorité. Lors du dernier Conseil européen elle est même passée devant l’urgence du dossier de la compétitivité (Toute l’Europe, 2024). Ce devait être le thème principal du sommet. On reportera donc à plus tard les décisions concernant, par exemple car ce n’est pas le seul sujet, les importations de voitures électriques chinoises.

Une baisse significative de l’immigration

L’immigration devient une priorité car pour les Européens elle est trop importante. Pourtant la baisse est significative avec 42% sur les 9 premiers mois de 2024.
Il est vrai que sous la pression des partis d’extrême droite en Hongrie, en France ou encore en Allemagne, les dirigeants de l’UE veulent apporter une réponse rapide et stopper la progression de ces partis antidémocratiques. Même l’ancien président du Conseil européen, Donald Tusk, aujourd’hui Premier ministre de Pologne souhaite suspendre temporairement le droit d’asile européen. Mais, précision, lui s’oppose à la décision du Premier ministre Hongrois d’ouvrir les frontières de son pays aux ressortissants russes et biélorusses. Preuve, s’il en est, que l’on mélange toutes les formes d’immigration.
Que les illégaux soient ramenés dans leur pays d’origine est une chose, mais nous devons être lucides sur la question globale. Premièrement tous les pays n’auront pas l’opportunité des Italiens avec l’Albanie, et en second lieu, sans immigration nos économies risquent d’en payer le prix, notamment parce que la démographie est en berne dans les pays européens. Nous n’avons pas fait assez d’enfants pour assurer, dans le futur, un bon continuum économique. Les autres régions du monde sont à l’affût. Nous n’avons pas non plus mis en place de politique familiale. Mais une question est à considérer : une immigration qui coûte et ne rapporte pas est-elle acceptable pour nos pays et populations ? Une autre est : la doxa est-elle une limite acceptable ?
Autrement dit, nous avons besoin d’une immigration. Encore faut-il l’expliquer en prenant en compte tous les éléments des complexités de notre temps. La connaissance est ici d’une urgente nécessité. Un choix devrait-il, comme certaines voix le proposent, se porter sur une immigration choisie ? Le décideur politique devra alors établir une sélection entre le bon et le mauvais migrant.

La solution albanaise

Pas facile de traiter cette question tant le sujet est sensible et fait peur. Le risque d’être critiqué dans un sens ou dans l’autre est aussi réel. Pourtant il me semble important d’aborder le sujet en essayant d’être le plus méthodique possible. C’est le rôle que doivent se donner les dirigeants politiques avec l’aide de toutes les compétences et disciplines : philosophes, sociologues, anthropologues, économistes, théologiens, historiens, géographes, médecins, etc., en mettant de côté les idéologies comme seul moyen de prise de décision.
En France le ministre de l’intérieur regarde avec intérêt la position italienne de Giorgia Méloni d’un transfert de migrants secourus en Méditerranée vers l’Albanie en attendant une décision ou non d’accueil. On peut penser que ce pays dont la candidature d’adhésion à l’UE a été récemment acceptée cherche à obtenir un appui dans sa procédure d’accession à l’Union européenne. Ce pays développe une dimension politique et diplomatique. C’est en tous cas le point de vue de nombreux analystes. C’est aussi un pays qui laisse migrer nombre de ses citoyens vers l’UE. On pourrait se rassurer en se disant que les premiers à inaugurer le dispositif ont au moins la vie sauve. C’est important car au moment où j’écris ces lignes un nourrisson vient de trouver la mort dans les eaux de la Manche. L’émotion est forte bien sûr en de telles circonstances. Qu’en est-il de la valeur première du projet européen ? De celle de la dignité de la personne humaine ?
Mais pourquoi remettre la question sur le métier ? Sous la pression de monsieur Orban qui a menacé de lancer ses cars pleins de migrants vers Bruxelles ? Parce que les Français ont voté largement pour le Rassemblement national, parce que les Allemands portent les candidats de l’ALD ? Parce que dans plusieurs pays de l’UE des choix politiques sont similaires ? Ou parce que le Pacte européen sur la migration et l’asile adopté en mai dernier après trois ans et demi de négociations n’a pas encore porté ses fruits ? Il est vrai qu’il ne devrait être efficient qu’en 2026. Ce qui est certain c’est que les Européens sont terriblement divisés sur cette question. Certains pays souhaitent reposer les lois sur l’immigration. L’idée serait de traiter avec des pays tiers. Encore faut-il en trouver.

La peur de l’étranger

Avons-nous peur de l’étranger ? Si nos concitoyens européens ont un comportement exacerbé c’est surtout en raison d’un nombre de délits et crimes attribués à des migrants. On ne peut le nier, ces faits existent mais ne sont pas le fait d’une majorité de ces personnes à la recherche d’un mieux-être, d’une vie meilleure sous d’autres latitudes que celles de leur pays de naissance ou d’origine. Ces derniers ne sont-ils pas ceux qui cultivent en intensif les produits agricoles espagnols qui alimentent nos tables et marchés ? Ne sont-ils pas ceux qui bâtissent nos immeubles ?

Nous devons être vigilants. La peur de l’étranger peut se transformer en « haine de l’autre » surtout lorsque des actes graves sont commis et relayés en continu par des médias. De même, la menace d’un « grand remplacement » est présenté dans les esprits de ceux qui ne vivent plus les éléments de notre propre culture judéo-chrétienne. Tout simplement la prise de conscience de notre inhospitalité (Rogozinski, 2024) gênante devant le spectacle d’hommes, de femmes et d’enfants dans la rue, sans toit, sans chaleur, sans nourriture nous amène à durcir le ton.
Mais nous ne pouvons faire l’impasse d’un questionnement déjà abordé en son temps par saint Thomas d’Aquin : Une société peut-elle absorber plus que sa culture ne peut supporter ? Sans doute pas, répondait le théologien. C’est donc bien en amont et il y a bien longtemps que nous aurions dû, nous Européens, agir pour éviter ces situations de départ en masse qui perdurent et dureront encore longtemps.
En guise de conclusion provisoire (car le débat va durer), regardons les chiffres en face : le nombre de migrants s’élève actuellement à 3% de la population mondiale et la plupart émigre vers d’autres pays du sud. Le nombre de ceux qui viennent vers l’Europe s’élève à 0,4% de la population européenne.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 3 commentaires

Erasmus Days 2024


Dans le cadre des Erasmus Days 2024, le président du CECI, Emmanuel Morucci, intervient

  • en collège à Saint-Pol-de-Léon le 14 octobre pour parler de la citoyenneté européenne
  • au lycée de La Croix Rouge à Brest le 17 octobre sur le thème « L’Europe et ses valeurs ».

Publié par Cercle CECI dans Annonces, CECI fait, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 0 commentaire

UE : un hémicycle transformé et stabilisé

Après la trêve estivale et celle des Jeux olympiques, les activités reprennent peu à peu tout au moins au niveau national européen. Il en va de même pour le CECI qui va suivre, pour analyses, différents épisodes de la vie politique et citoyenne de l’UE. Déjà entamées, celles-ci sont déjà nombreuses. Revenons sur les élections européennes.

Sur le plan politique les élections européennes ont été marquées en Europe par une poussée des partis de la droite eurosceptique, radicale et extrême qui comptent désormais trois groupes différents (et donc des moyens octroyés différents) : si l’on regarde en détail, cela donne le groupe « European Conservatives and Reformists » (ECR), les « Patriots for Europe » (PfE) et « Europe of Sovereign Nations » (ESN). Ces trois groupes comptent au total 187 députés.
Le PPE (Parti Populaire Européen – centre droit démocrate chrétien), reste majoritaire avec 188 eurodéputés.
À gauche, les groupes S&D, des Verts/ALE et de La Gauche (The Left-GUE/NGL) dont les français LFI agrègent des partis qui se revendiquent de la sociale-démocratie ou des partis travaillistes comme le SPD allemande, le SAP suédois, le PvdA néerlandais. Les trois députés français de Place Publique, les 10 députés du PS français, le PS portugais, le PS belge, et d’anciens partis communistes reconvertis comme le BSP bulgare y trouvent leur place.

En France, les électeurs ont envoyé au Parlement de Strasbourg sur 81 élus un groupe de 30 parlementaires issu du Rassemblement national. C’est important mais pas de nature à changer les choses. Comme l’écrit Jean Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman : « les contestations nationales ont contribué à renforcer les critiques mais ne remettent en cause ni les politiques de l’Union, ni la majorité centrale qui en dirige les institutions ».

Au total, les partis proeuropéens restent majoritaires et ont poursuivi la désignation de nouveaux présidents des institutions. Du point de vue démocratique, l’exemple le plus significatif est que Ursula von der Leyen a été réélue Présidente de la Commission européenne avec 401 voix sur 719, soit 55,7% des sièges. Son élection a été rendue possible grâce au soutien explicite des groupes PPE, S&D, Renew et Verts/ALE. Roberta Metsola est quant à elle reconduite dans ses fonctions de Présidente du Parlement européen. Ces deux élections traduisent la grande stabilité politique de l’Union, prise dans son ensemble.

Le cas français

À noter, du point de vue de la politique française et par extension de la politique européenne des États membres de l’UE, que si les électeurs hexagonaux ont envoyé lors de ces élections un groupe important de ce parti d’extrême-droite au Parlement européen le résultat a donné lieu à une dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République. Depuis les élections législatives la situation politique semble inextricable dans le pays, et l’instabilité devrait durer plusieurs mois tant des points de vue politique, qu’économique et social, ce qui laissera des traces durables dans la gestion politique du pays avec des incidences notables au niveau international.

En effet, des échéances pressantes attendent le Premier ministre qui sera nommé dans les prochains jours, comme la présentation d’ici le 20 septembre devant la Commission européenne d’un plan sur quatre ans pour réduire les déficits publics. De fait, avec une dette publique de 110 % du PIB et un déficit public de 5,5 % du PIB en 2023, la France ne respecte pas les critères du nouveau Pacte de stabilité et de croissance (PSC) adopté au printemps dernier.

En Europe, le résultat des élections européennes évoque la possibilité d’une fracture sérieuse entre pays européens, particulièrement avec la Hongrie de Viktor Orban. Ce dernier a constitué le parti Patriots au sein duquel le RN français participe activement. C’est le Président du RN Jordan Bardella qui le préside. Ce dernier savait qu’il aurait ce rôle plus de 10 jours avant le résultat des élections législatives en France. Il n’a donc jamais envisagé devenir Premier Ministre.

Un « aller simple » pour Bruxelles ?

Alors que la Hongrie préside pour six mois le Conseil de l’Union européenne, la première action a été de rencontrer le Président russe, sans en avoir aucun mandat, mettant de fait les autres pays membres dans une situation délicate. Celui dont le slogan de présidence de l’UE est :“Make Europe Great Again”, référence pour le moins trumpiste. Une situation dangereuse en période de tensions pour cause de guerre contre l’Ukraine que les institutions ont immédiatement rejetée en insistant sur l’inexistence d’un mandat. Cela n’empêche pas la Hongrie de valider un assouplissement des conditions d’entrée dans ce pays pour les ressortissants russes et biélorusses, ce qui entame la sécurité de l’espace Schengen.
À ce sujet, le porte-parole de la Commission européenne, a déclaré : « Lorsqu’il s’agit de notre acquis et des règles de Schengen, la Hongrie est liée à tout moment par les règles de Schengen, et cela signifie qu’il doit y avoir des contrôles très approfondis, non seulement si vous êtes en possession d’un visa ou d’un permis de séjour valide, mais aussi si vous avez des contrôles de sécurité approfondis en place ».

Comme si cela ne suffisait pas le gouvernement hongrois menace de payer un aller simple vers Bruxelles pour les migrants entrés dans son pays. Si la rupture n’est pas consommée nous n’en sommes plus très loin. Aux Hongrois de se positionner, s’ils préfèrent l’UE ou une alliance avec la Russie de Vladimir Poutine. Un « Hongrexit » n’est peut-être plus très loin.

Mais dans le même temps l’UE continue d’avancer tant du point de vue des idées que du fonctionnement démocratique, ou encore du poids dans le reste du monde. À titre d’exemple, parce que significatif quant à l’origine du pays, citons la proposition du Président de la Banque centrale italienne qui plaide en faveur d’une capacité budgétaire commune de l’UE. Son idée est d’agir pour garantir la paix et la prospérité, valeurs initiales de la construction européenne. Pour cela, dit-il, l’Union européenne a besoin d’une « capacité budgétaire commune ». Cela va dans le sens de la nécessité de renforcement de l’autonomie européenne et de la défense de l’UE. Cet impératif est désormais intégré et partagé.

La législature 2024–2029 va être dense. De fait, il est devenu urgent de s’adapter aux changements technologiques et géopolitiques tout en soutenant la compétitivité. Bien évidemment les objectifs environnementaux et climatiques restent au cœur des projets. Gageons que ce soit en faveur des citoyens de l’UE.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 3 commentaires

230 personnes à Nancy pour écouter la conférence d’E. Morucci

Emmanuel Morucci, président du CECI et conférencier pour la Commission européenne « TeamEuropeDirect » était invité le mardi 21 mai à s’exprimer à l’Espace ADA de Nancy. 230 personnes personnes sont venues écouter le conférencier sur le thème « Un Parlement européen pour quelle démocratie européenne ? »

Après avoir posé plusieurs éléments de contexte et de situation, l’orateur a présenté l’Europe dans un monde en évolution ainsi que les questions qui se posent aux Européens pour la période 2024–2030 ainsi que les priorités dont devra se saisir le Parlement européen dans la prochaine mandature.

Ceci avant d’aborder une présentation des institutions, les compétences confiées par les États-membres à la dimension supranationale et le processus décisionnel européen.

Une partie concernant principalement le Parlement européen a permis d’évoquer les différents groupes politiques et ce qui touche les élections elles-mêmes.

Le sujet a donné lieu à de très nombreuses questions. Si l’on devait souligner une en particulier c’est bien celle qui touche les groupes politiques d’appartenance au PE des parlementaires après leur élection. Cela semblait être une découverte pour beaucoup. Il est vrai que listes et médias n’en disent rien ou si peu.

On peut retrouver la conférence sur YouTube en suivant ce lien

Publié par Cercle CECI dans CECI fait, Cercle CECI, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 0 commentaire

Européennes : un choix politique fondamental et de dimension européenne

Les élections européennes sont importantes, elles sont un choix fondamental puisque les présidents des institutions, les priorités politiques de la prochaine Commission dépendent des choix des citoyens. Il est donc important d’avoir ce sentiment d’appartenance et être un citoyen actif.
Cela veut dire que, pour nous prononcer en clarté, nous attendons des candidats aux élections européennes des indications précises notamment en ce qui concerne les groupes politiques d’appartenance et les orientations politiques fondamentales qui y sont élaborées. Les groupes politiques du PE* soutiendront soit une Europe puissance ou uniquement marché économique.
Cette mandature devra toutefois réfléchir à l’avenir de l’UE et notamment sa gouvernance : intergouvernementale ou fédérale, ou autre « Europe des nations ». Les députés auront sans doute à réfléchir à un éventuel nouveau traité susceptible de faire avancer le projet européen en étroite coopération avec les États membres.
Ce n’est donc pas une élection nationale dont il s’agit, mais bien une expression citoyenne et politique décisive de dimension européenne.

Dans quels groupes vont siéger les élus ?

Les têtes de listes aux élections européennes ont bien des difficultés à dire dans quel groupe politique ils vont siéger au Parlement européen. On ne les entend pas s’exprimer sur le sujet, comme si cela n’avait pas d’importance. C’est pourtant une question que posent les électeurs. C’est loin d’être anodin car en dépend leur positionnement.

On sait que les LR siégeront au Parti Populaire européen (PPE), les socialistes au sein de Socialistes et Démocrates (S&D) et Renaissance au sein du Groupe Renew.
S’ils ont un élu (si + de 5%), les Verts iront naturellement au sein du Groupe éponyme.
Les choses sont bien plus ambiguës pour les deux listes d’extrême droite. Le RN pencherait vers Identité et Patrimoine (ID) et Reconquête vers Conservateurs et réformistes européens (ECR). Du point de vue de la démocratie, le choix du RN interroge car ses députés siègent actuellement avec l’AfD allemande qui compte dans ses rangs des néonazi. Ce parti d’extrême-droite allemand a même été exclu récemment du groupe ID à la suite d’une série de scandales impliquant notamment l’un de ses dirigeants, Maximilian Krah. Le RN aurait d’ailleurs été la cheville ouvrière de l’exclusion de 9 parlementaires après des propos inacceptables, et une proximité avec la Russie et la Chine, leur présence devenant particulièrement gênante pour la crédibilité du message nationaliste français. Toutefois cela ressemble à une tartufferie car l’AfD a conservé sa tête de liste pour le scrutin du 9 juin.
La rupture étant, selon Marine Le Pen, consommée, le RN devrait siéger au sein du groupe Conservateurs et réformistes européens (ECR) dont un des buts est l’affaiblissement de l’UE. Le dire est important afin que les citoyens fassent leur choix en conscience. Mais nos médias n’en disent que très peu, voire rien.
Enfin, parmi les groupes susceptibles d’avoir des élus, La France Insoumise siégera dans le groupe Gauche unitaire européenne (GUE). Notons que les eurodéputés qui ne sont pas dans un groupe politique officiel siègent tous ensemble dans les « non-inscrits ».

Une dispersion des voix en France

Ceci dit, le 18 mai le Journal officiel a publié la liste des candidats aux Européennes. La France présente aux suffrages 38 listes ainsi que les noms de leurs 81 candidats. C’est un record même si la tendance était déjà observée en 2019. Parmi eux, citons quelques-unes qui ne franchiront pas la barre des 5% : le Parti animaliste, le parti musulman Free Palestine ou encore Espéranto Langue commune, entre autres, la liste n’étant pas exhaustive1.
Globalement on observe que cette multiplication de listes, spécifique à la France, divise fortement tant à droite qu’à gauche. En avoir autant, illusion de la représentativité, n’est pas de bon augure pour le poids effectif de la France au Parlement européen.

La voix de la France affaiblie au PE

De fait la voix de notre pays sera affaiblie. Les petites listes ne changent rien à la répartition entre grands partis puisque leurs voix, environ 20% des suffrages, seront réparties entre les listes récoltant plus de 5 % des voix. Mais c’est un éparpillement qui au bout du compte engendre une répartition entre 6 ou 7 groupes politiques différents, sans compter, comme dit plus haut, les non-inscrits.

Autrement dit, l’influence des partis français va se diluer dans le Parlement alors que « d’autres pays présentent moins de listes, ce qui leur donne une plus grande influence au sein des grands groupes politiques du PE » observe notre collègue et contributeur Francis Gutmann. Autre remarque, celle de Patrick Salez : « La France est peu représentée au PPE et pèse donc très peu dans les deux gros partis. En revanche elle bien représentée à Renew sur ce mandat ». À titre d’exemple, le groupe S&D européen (2e groupe en nombre de députés après le PPE), comptait en 2019, 21 Espagnols, 16 Allemands, 15 Italiens et seulement 7 Français. Si l’on en croit les sondages, le nombre devrait s’améliorer au S&D mais pas dans les deux autres grands groupes que sont le PPE et Renew. LR devrait avoir environ 6 députés.

Certes, comme le dit Philippe Tabary, autre contributeur du CECI, nous avons l’embarras du choix à moins que ce que soit le choix de l’embarras :  « Reste pour chacune et chacun d’entre nous à se déterminer sur la liste estimée la plus proche de nos attentes : un choix qui, au fond, consiste à déterminer si nous laissons parler nos sentiments ou si nous cédons à nos ressentiments ». Ce choix de liste est vu comme un signe de bonne santé démocratique et de participation citoyenne. Mais cela nécessite un véritable examen de conscience et la difficulté de savoir et devoir choisir.

Ne pas se tromper d’élection

Dans tous les cas, si l’on se positionne sur les 7 ou 8 listes qui prétendent avoir des députés, l’objectif est de ne pas se tromper d’élection. Les Européennes ne sont pas une élection nationale, encore moins le discours franco-centré, et le résultat ne changera pas la physionomie politique de notre pays ni même fondamentalement celle de l’UE. Aussi, l’enjeu est de ne pas participer par un vote prenant insuffisamment en compte à son délitement mais au contraire de lui donner les outils qui lui permettront d’augmenter la capacité citoyenne européenne et de peser dans le monde. En effet, si selon les sondages, les partis qui prônent une « Europe des Nations » arrivaient en force au PE, dans les faits cela ne changera que très peu la donne car ils ne formeront pas une majorité.

Les citoyens doivent donc se prononcer pour des parlementaires qui prendront des décisions ad hoc en tenant compte de l’évolution des paradigmes mondiaux et de l’opinion qui à plus de 60% déclare développer un sentiment d’appartenance à l’UE. C’est dans cet esprit, qu’un nouveau traité et sa préparation permettront de définir l’avenir de l’Union européenne.

 1 liste des candidats sur le site Toute l’Europe. 
PE* : Parlement européen
Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 0 commentaire

9 juin : tout sauf une élection nationale

Au moment où les différentes têtes de listes fourbissent leurs projets pour l’Europe, il est primordial de rappeler que les Européennes ne sont pas des élections au rabais. C’est même l’inverse. La désignation des parlementaires de l’UE est de la plus haute importance pour l’UE, la France et les citoyens que nous sommes.
Ce sont les eurodéputés qui ont la responsabilité du choix de la future Commission européenne (art 17). Le Conseil européen (Chefs d’État et de gouvernement représentant les États) propose au Parlement européen un candidat à la présidence de la Commission. Ce dernier est ensuite élu, après un grand oral, par l’assemblée qui dispose d’un droit de véto.
C’est aussi à eux que revient, en codécision, l’adoption d’actes législatifs au niveau de l’UE.
Si les députés européens ne disposent pas de tous les pouvoirs d’un parlement national, ils représentent les peuples européens, et en cela l’institution parlementaire constitue le creuset de la démocratie dans son sens le plus pur et le plus précieux.

Quels enjeux ?
Le choix des électeurs déterminera ce que sera l’Europe de demain. Ce n’est donc pas un vote anodin. Ce n’est en aucun cas et surtout pas une élection nationale comme certains partis politiques s’emploient à vociférer à coups de raccourcis employés à tour de bras.
Voter le 9 juin mérite une vraie réflexion. Le bulletin glissé dans l’urne aura des effets concrets. Il engagera l’UE et chacun des pays dans une direction qui conditionnera notre vie quotidienne. Le vote est déterminant.
Il s’agit de répondre à une série de questions en nous positionnant sur l’avenir de l’Union européenne, notre avenir, dans un monde bouleversé par les guerres, les migrations et l’urgence écologique.
Une première est celle de l’Europe que nous souhaitons : Marché économique ou puissance ? L’interrogation est centrale au moment où se pose, par exemple, celle d’une Défense commune.
Une deuxième est l’idée que l’on se fait de la gouvernance : intergouvernementale comme c’est le cas aujourd’hui ? Fédérale, confédérale ou encore, comme les droites extrêmes le suggèrent une « Europe des nations » ? Cette dernière proposition n’entraînerait, à mon sens, qu’égotisme et compétition entre les États. L’Europe et les Européens méritent mieux.

Oui à une Europe forte
C’est une élection importante car l’Europe, loin d’être achevée, est présente dans notre vie quotidienne. L’UE doit jouer un rôle dans la complexité de notre monde, au moment où « le paradigme de la mondialisation s’est totalement transformé », où les relations internationales entre États continents (Chine/Russie, Inde, USA, UE,…) tendent fortement à se régionaliser.
L’existence d’une Europe forte est une condition incontournable pour l’économie, l’écologie, la lutte contre le changement climatique, la démocratie, la citoyenneté et la paix.
On pensait l’avoir compris lorsque la guerre en Ukraine a mis les gouvernements et les sociétés européennes à l’épreuve.

Ne pas se tromper d’élection
Désigner nos parlementaires européens amène chacun d’entre nous à s’interroger en profondeur.
Quid de l’Euro ? De la PAC ? De projets comme Copernicus et Galiléo, de la politique étrangère ?
Les candidats quant à eux doivent répondre aux questionnement autrement que par des slogans réducteurs et dépourvus de toute analyse digne de ce nom.
Quelles formes donner aux échanges commerciaux ? Quel budget pour l’UE ? (aujourd’hui à peine plus de 1% du PIB de chaque État).
Beaucoup de ces problématiques se traitent au niveau européen.
Le compte à rebours a commencé. Nous sommes à cinq semaines des élections européennes.
Ne nous trompons pas d’élection.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 2 commentaires

Réflexions autour de propos de Robert Schuman

À l’approche de l’échéance du 9 mai relire les analyses et intuitions de Robert Schuman est essentiel afin de saisir le projet européen dans ses valeurs et préceptes fondamentaux. Certes elles ont été écrites dans le contexte des années 50 et 60. Mais chacun en conviendra, elles restent d’une impressionnante actualité.

Contrairement aux progressistes qui le déclarent, les idées avancées et mises en œuvre par les pères de l’Europe ne sont pas dépassées. Elles sont même d’une brulante actualité. Certes si le monde a changé, si les évolutions technologiques, économiques, sociales ont transformé nos sociétés, se poser la question de l’Europe oblige à se pencher sur les préceptes fondamentaux et sur les complexités toujours plus importantes qui interagissent sur notre planète.

C’est autour de valeurs fondamentales que les pères de L’Europe, ceux qui ont posé la première pierre de l’édifice européen, se sont concentrés. La Paix en est sans doute la principale. Au lendemain de la guerre ils voulaient construire ensemble l’Europe de demain. Le message était puissant : « Nous tendons la main à nos ennemis d’hier, non simplement pour pardonner, mais pour construire l’Europe de demain ». Alors que le 9 mai 1950 Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, dans son discours du fameux Salon de l’Horloge a posé les bases du projet européen, validé par les responsables politiques d’au moins six pays dont l’Allemagne, le 9 mai deviendra un symbole fort de l’unité européenne. À cette époque Schuman énonce les raisons du vouloir vivre ensemble. De même, Il précise la méthode, tellement juste et toujours valable aujourd’hui : «  L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de faits ». Une grande stratégie à « petits pas » en quelque sorte. dira Jean Monnet.

La solidarité, autre valeur fondamentale du projet européen, affirme la direction communautaire voulue. Elle est efficace « si l’on ne s’en éloigne pas ». Des crises récentes ont démontré que sans solidarité les européens ne pouvaient aboutir ni individuellement ni collectivement : crises financières, Covid, guerre en Ukraine, etc. en sont quelques exemples. Des paramètres nouveaux apparaissent qui obligent à adapter méthode et action institutionnelle.

Le très regretté Jacques Delors écrivait dans la préface d’une des nombreuses rééditions de Pour l’Europe, seul livre produit par Robert Schuman : « ces écrits frappent par une combinaison, rare chez un responsable politique, entre la profondeur de l’idéal et la lucidité du regard. En témoignent, entre autres, les analyses sur nos partenaires ou encore les inquiétudes exprimées quant à la vitalité de nos démocraties ». Au moment où démarre la campagne des européennes et lorsque l’on voit les intentions de vote anti dans de nombreux pays on ne peut s’empêcher de craindre pour nos démocraties.

À la suite de Jacques Delors rappelons que l’Europe de Robert Schuman est celle de « la diversité de ses qualités et de ses aspirations ». Sans oublier et c’est très important « la responsabilité des choix personnels ».

Comme les principaux fondateurs de l’Europe, Schuman était politiquement un démocrate chrétien et philosophiquement un personnaliste. Il était marqué par la pensée d’un Jacques Maritain. Il était en premier lieu un homme particulièrement fidèle à sa foi. Cela explique son engagement politique mais plus encore il agissait dans sa vie personnelle et publique en gardant à l’esprit les principes de l’Évangile. En ce sens on peut penser qu’il s’est inspiré de la doctrine sociale de l’Église.

il affirme le sentiment « d’avoir eu le redoutable privilège de participer activement à la vie publique de mon pays. À une époque particulièrement troublée de son histoire, et à la lourde responsabilité d’orienter pendant plusieurs années sa politique étrangère ». Jamais il ne cherche la facilité. À ce sujet, parlant d’Europe il répétera sans cesse : « L’Europe ne se fera pas en un jour et sans heurts, rien de durable ne s’accomplit dans la facilité ». Un peu plus de 70 ans après la CECA, l’UE non encore achevée est en marche.
Aujourd’hui les enquêtes l’affirment l’idée européenne répond à une aspiration profonde des peuples. À condition bien sûr qu’ils se l’approprient et portent l’esprit de solidarité. Ce dernier a pris racine avec Robert Schuman. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Les nationalismes refont surface, l’histoire nous rappelle vers quoi ces aventures ont amené L’Europe et le monde il y a seulement 8 décennies. Là encore Schuman nous guide : « la vague des nationalismes ne pourra être conjurée que par une politique constructive et collective, dans laquelle chacun trouvera son compte, grâce à une solidarité effective d’intérêts et des efforts. Nous aurons à faire la preuve, pour tout homme de bonne foi, que les intérêts ainsi combinés ne sont pas irréconciliables comme le sont, par contre, les nationalismes qui se juxtaposent et s’opposent. Les intérêts sont, il est vrai, interdépendants et ne pourront trouver satisfaction que par la mise en commun de toutes les ressources ».

Parlant de patriotisme : « nous ne sommes, nous ne serons jamais des négateurs de la patrie, oublieux des devoirs que nous avons envers elle. Mais au dessus de chaque patrie nous reconnaissons de plus en plus distinctement l’existence d’un bien commun, supérieur à l’intérêt national, ce bien commun dans lequel se fondent et se confondent les intérêts individuels de nos pays ». Autrement dit nous pouvons être parfaitement patriotes et aimer une union européenne aux compétences supranationales.

Ici, la loi de la solidarité des peuples s’impose à la conscience contemporaine : « nous nous sentons solidaires les uns des autres dans la préservation de la paix, dans la défense contre l’agression, dans la lutte contre la misère, dans le respect des traités, dans la sauvegarde, de la justice et de la dignité humaine ».

Voilà des propos qui devraient éclairer une réflexion et une analyse pour tous ceux, qui comme moi, voteront le 9 juin prochain.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 4 commentaires
Hommage à Jacques Delors

Hommage à Jacques Delors

Jacques Delors nous a quittés. Il était de ceux qui ont marqué la construction européenne. On peut parler de lui comme d’un bâtisseur. Président de la Commission, il portait à bout de bras le projet de Maastricht, celui de la citoyenneté européenne et de la démocratie, de l’euro, d’Erasmus ou encore de l’Acte unique et du grand marché sans frontières. C’est par lui que la CEE est devenue UE.

Ses idées, sa force de persuasion, il les trouvait dans ses engagements et particulièrement dans ce personnalisme politique porté par Emmanuel Mounier. Certes il était socialiste mais pas que. L’appareil politique lui importait peu : « La politique est en tout mais elle n’est pas tout » aimait-il rappeler. Il parlait de sa double appartenance démocrate chrétienne et démocrate sociale, les deux courants fondateurs de l’UE. Le sens qu’il donnait à la vie politique portait l’empreinte de sa foi chrétienne, le socle d’un christianisme social fondé sur l’Évangile, qu’il vivait en toute discrétion : « Il n’y a rien de plus humain que la religion catholique. Le christianisme ne met pas de côté les fautes, les erreurs, les difficultés de l’homme… J’y retrouve toute la condition humaine. »

C’est par lui que l’on a commencé à réfléchir à la dimension éthique de la construction européenne : « L’Europe en quête de sens », en cherchant ce « supplément d’âme » qu’il savait nécessaire à l’Union européenne.

Son personnalisme, dont il est, sans doute et malheureusement, un des derniers géants politiques, il le fondait sur la responsabilité. « Le personnalisme est le rapport constant entre soi-même et autrui ». L’altérité sonnait chez Delors comme un leitmotiv. Cette capacité qu’a l’homme à faire, non pas seul mais dans une relation avec son environnement. « Le personnalisme est le contraire de l’individualisme exacerbé » disait-il. Il se déclarait devenir de plus en plus personnaliste.

Son ambition a toujours été de faire grandir le projet européen en préservant celui de la France et de chaque État membre. Son projet, inscrit dans ses convictions, était le bien commun et sa recherche permanente. Il ne parlait pas seulement d’intérêt général ; c’était bien au-delà. C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’il avait instauré le programme européen de formation tout au long de la vie.

Jacques Delors était de la veine des Pères fondateurs, un successeur de Schuman et des autres, un visionnaire, capable de penser une Europe se situant entre fédéralisme et Europe des États. Il n’a jamais oublié qu’au cœur du projet européen étaient les femmes et les hommes, les Européens. Toujours à œuvrer pour les rapprocher. Nous devons nous en souvenir.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 0 commentaire