Le traité va en générer un autre
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Trente ans après l’entrée en vigueur du traité de Maastricht l’Union européenne, qui passait d’une dimension purement économique à politique, se trouve à la croisée des chemins.
Pourtant les réalisations sont nombreuses et dans des domaines qui donnent à l’UE les ingrédients d’une puissance mondiale. La paix maintenue pour les pays signataires est sans doute le plus beau succès. On en prend la mesure lorsque l’on voit les tentations belliqueuses qui émergent ici et là sur la planète. L’ouverture des frontières en est une autre. La liberté de circuler, la possibilité de voter aux élections européennes et communales, d’être représentés à l’étranger, la monnaie unique qui définit à la fois le citoyen en tant que tel et l’Union. L’émergence d’une culture commune aux citoyens que nous sommes, bien réelle mais peu partagée car non expliquée et donc non consciente. Pourtant les ingrédients qui la composent sont bien présents et réels.
Il reste toutefois à l’UE des équations nombreuses et complexes à résoudre. Les principales sont d’ordre politique. Au plus proche de nous, elle concerne la citoyenneté commune et ce qui touche à la subsidiarité. Au plus large, les enjeux sont lourds et nécessitent une grande cohésion et la capacité à parler d’une seule voix, sans discordance. L’UE est confrontée au retour des guerres, au terrorisme, aux compétitions internationales et à l’émergence d’un bloc nouveau formé par l’élargissement de ce que l’on appelait, il y a peu, les Brics. Il faudra leur trouver une nouvelle appellation.
Et ce n’est pas tout. Ce tout concerne l’humanité. C’est presque une liste à la Prévert tant les sujets et les causes sont nombreux et nécessitent d’en saisir les complexités. La présidente du Parlement européen, la Maltaise Roberta Metsola, en a remarquablement parlé lors de son discours à la Sorbonne. Je veux parler de l’élargissement de l’UE, l’équilibre entre nord et sud, des chocs entre démocraties, dictatures et États autoritaires, de belligérance, le réchauffement climatique et crises environnementales, celles qui concernent les besoins grandissants en énergies, de l’accès et de la répartition à l’eau mais aussi la recherche fondamentale, l’espace et les océans, les politiques migratoires, de faits religieux, etc. La liste est loin d’être exhaustive et la politique étrangère commune (incluse dans le Traité) encore trop peu visible au regard du citoyen.
Quelques frilosités entre Français et Allemands ?
La période est marquée en interne par une difficulté relationnelle entre les deux pays sans lesquels toute paix durable et projets d’envergure n’auraient pu tenir. Je veux parler de la relation franco-allemande. Question de points de vue sûrement, mais elle est importante tant elle engendre des micro tensions. La relation entre les deux dirigeants Olaf Scholz et Emmanuel Macron est pourtant bonne, et ensemble ils trouvent sinon des compromis tout au moins une stratégie finale commune. Mais au-delà des deux pays, d’autres peuvent avoir sur certaines problématiques le sentiment d’être mis à l’écart. D’où des réactions.
La réforme de l’Union européenne anime le débat. Celle-ci doit précéder tout nouvel élargissement. Et il faut aller vite car le Conseil européen doit apporter réponse en décembre et c’est lui, en tant qu’assemblée des Chefs d’État et de gouvernement qui donne le la. Mais déjà Berlin et Paris ont mandaté leurs experts qui devraient rendre leurs rapports en septembre prochain.
On se doute qu’en termes d’élargissement l’Ukraine et la Moldavie ont l’oreille collée à la porte. Mais pour Paris, peu de choses peuvent se passer en ce domaine pour l’Ukraine tant que le conflit avec l’agresseur russe perdure. Tout de même, la présidente de la Commission Ursula von der Layen s’est déplacée ce 4 novembre à Kiev pour en cerner les contours avec le président Zelensky.
C’est une pierre d’achoppement dans les relations franco-allemandes. Ici les avis sont partagés et peuvent diverger avec les habitudes européennes. Les Allemands aimeraient voir l’Ukraine entrer rapidement et avant 2030, tandis que la France souhaite patienter jusqu’à la fin du conflit, d’autant que les conditions socio-économiques ne sont pas au rendez-vous. L’Ukraine est un grand pays avec un taux de pauvreté important. Mais au moins, Allemands et Français se parlent et échangent. Le COREPER, le Comité des Représentants permanents, issu de Maastricht et au sujet duquel on parle peu, est à l’œuvre.
Les enjeux des élections européennes
Le CECI proposera un débat en février sur les enjeux des élections européennes à partir de points de vue franco-allemands. Ces thématiques seront à l’ordre du jour des élections européennes qui auront lieu du 6 au 9 juin. Et il convient d’en parler car les citoyens doivent se positionner sur l’avenir de l’Union. C’est au moment de désigner leurs représentants qu’ils peuvent orienter les politiques européennes tant à l’interne qu’en matière de politiques internationales et étrangères. Les enjeux sont colossaux pour les pays membres. Car une question se pose : concernent-ils également des questions sociétales ? L’Europe a‑t-elle vocation a s’occuper de tout ? Non, car l’un n’est pas un État et le traité instaure le principe de subsidiarité. Mais pour autant la ministre allemande des affaires étrangères, l’écologiste Annalena Baerbock veut, dans une interview donnée au journal l’Opinion, sanctionner les pays qui « violent » les valeurs de l’UE inscrites à l’article 2 du Traité. « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités ». Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes. Certes, mais quelle interprétation veut-elle en faire ?
D’un point de vue plus global on peut prendre en compte ce que propose la ministre allemande des Affaires étrangères en matière de réforme des institutions de l’UE. Sa vision est géopolitique, dit-elle. Son idée est d’entamer rapidement des discussions intergouvernementales sur la réforme de l’UE avec une accélération de la procédure d’adhésion de l’Ukraine et de la Moldavie, voire de certains pays des Balkans. Seul moyen selon elle de bloquer la situation vis-à-vis de la Russie. Ces adhésions auront un effet mécanique.
La ministre allemande envisage également une réduction du nombre de parlementaires, voire même de commissaires. Y compris pour son propre pays ?
Pas certain que nos amis allemands voient les choses de la même manière.
Du côté français, la proposition, si elle est entendable, est difficile à mettre en œuvre.
À moins d’évoquer une commission aux membres tournants ? De dire qui sont les pays qui ont droit à un commissaire et les autres ? De changer de paradigme et d’envisager une intégration plus forte et une gouvernance plus fédérale ? Voilà des questions ouvertes pour le débat.