Européennes : un choix politique fondamental et de dimension européenne

Emmanuel Morucci

Les élections européennes sont importantes, elles sont un choix fondamental puisque les présidents des institutions, les priorités politiques de la prochaine Commission dépendent des choix des citoyens. Il est donc important d’avoir ce sentiment d’appartenance et être un citoyen actif.
Cela veut dire que, pour nous prononcer en clarté, nous attendons des candidats aux élections européennes des indications précises notamment en ce qui concerne les groupes politiques d’appartenance et les orientations politiques fondamentales qui y sont élaborées. Les groupes politiques du PE* soutiendront soit une Europe puissance ou uniquement marché économique.
Cette mandature devra toutefois réfléchir à l’avenir de l’UE et notamment sa gouvernance : intergouvernementale ou fédérale, ou autre « Europe des nations ». Les députés auront sans doute à réfléchir à un éventuel nouveau traité susceptible de faire avancer le projet européen en étroite coopération avec les États membres.
Ce n’est donc pas une élection nationale dont il s’agit, mais bien une expression citoyenne et politique décisive de dimension européenne.

Dans quels groupes vont siéger les élus ?

Les têtes de listes aux élections européennes ont bien des difficultés à dire dans quel groupe politique ils vont siéger au Parlement européen. On ne les entend pas s’exprimer sur le sujet, comme si cela n’avait pas d’importance. C’est pourtant une question que posent les électeurs. C’est loin d’être anodin car en dépend leur positionnement.

On sait que les LR siégeront au Parti Populaire européen (PPE), les socialistes au sein de Socialistes et Démocrates (S&D) et Renaissance au sein du Groupe Renew.
S’ils ont un élu (si + de 5%), les Verts iront naturellement au sein du Groupe éponyme.
Les choses sont bien plus ambiguës pour les deux listes d’extrême droite. Le RN pencherait vers Identité et Patrimoine (ID) et Reconquête vers Conservateurs et réformistes européens (ECR). Du point de vue de la démocratie, le choix du RN interroge car ses députés siègent actuellement avec l’AfD allemande qui compte dans ses rangs des néonazi. Ce parti d’extrême-droite allemand a même été exclu récemment du groupe ID à la suite d’une série de scandales impliquant notamment l’un de ses dirigeants, Maximilian Krah. Le RN aurait d’ailleurs été la cheville ouvrière de l’exclusion de 9 parlementaires après des propos inacceptables, et une proximité avec la Russie et la Chine, leur présence devenant particulièrement gênante pour la crédibilité du message nationaliste français. Toutefois cela ressemble à une tartufferie car l’AfD a conservé sa tête de liste pour le scrutin du 9 juin.
La rupture étant, selon Marine Le Pen, consommée, le RN devrait siéger au sein du groupe Conservateurs et réformistes européens (ECR) dont un des buts est l’affaiblissement de l’UE. Le dire est important afin que les citoyens fassent leur choix en conscience. Mais nos médias n’en disent que très peu, voire rien.
Enfin, parmi les groupes susceptibles d’avoir des élus, La France Insoumise siégera dans le groupe Gauche unitaire européenne (GUE). Notons que les eurodéputés qui ne sont pas dans un groupe politique officiel siègent tous ensemble dans les « non-inscrits ».

Une dispersion des voix en France

Ceci dit, le 18 mai le Journal officiel a publié la liste des candidats aux Européennes. La France présente aux suffrages 38 listes ainsi que les noms de leurs 81 candidats. C’est un record même si la tendance était déjà observée en 2019. Parmi eux, citons quelques-unes qui ne franchiront pas la barre des 5% : le Parti animaliste, le parti musulman Free Palestine ou encore Espéranto Langue commune, entre autres, la liste n’étant pas exhaustive1.
Globalement on observe que cette multiplication de listes, spécifique à la France, divise fortement tant à droite qu’à gauche. En avoir autant, illusion de la représentativité, n’est pas de bon augure pour le poids effectif de la France au Parlement européen.

La voix de la France affaiblie au PE

De fait la voix de notre pays sera affaiblie. Les petites listes ne changent rien à la répartition entre grands partis puisque leurs voix, environ 20% des suffrages, seront réparties entre les listes récoltant plus de 5 % des voix. Mais c’est un éparpillement qui au bout du compte engendre une répartition entre 6 ou 7 groupes politiques différents, sans compter, comme dit plus haut, les non-inscrits.

Autrement dit, l’influence des partis français va se diluer dans le Parlement alors que « d’autres pays présentent moins de listes, ce qui leur donne une plus grande influence au sein des grands groupes politiques du PE » observe notre collègue et contributeur Francis Gutmann. Autre remarque, celle de Patrick Salez : « La France est peu représentée au PPE et pèse donc très peu dans les deux gros partis. En revanche elle bien représentée à Renew sur ce mandat ». À titre d’exemple, le groupe S&D européen (2e groupe en nombre de députés après le PPE), comptait en 2019, 21 Espagnols, 16 Allemands, 15 Italiens et seulement 7 Français. Si l’on en croit les sondages, le nombre devrait s’améliorer au S&D mais pas dans les deux autres grands groupes que sont le PPE et Renew. LR devrait avoir environ 6 députés.

Certes, comme le dit Philippe Tabary, autre contributeur du CECI, nous avons l’embarras du choix à moins que ce que soit le choix de l’embarras :  « Reste pour chacune et chacun d’entre nous à se déterminer sur la liste estimée la plus proche de nos attentes : un choix qui, au fond, consiste à déterminer si nous laissons parler nos sentiments ou si nous cédons à nos ressentiments ». Ce choix de liste est vu comme un signe de bonne santé démocratique et de participation citoyenne. Mais cela nécessite un véritable examen de conscience et la difficulté de savoir et devoir choisir.

Ne pas se tromper d’élection

Dans tous les cas, si l’on se positionne sur les 7 ou 8 listes qui prétendent avoir des députés, l’objectif est de ne pas se tromper d’élection. Les Européennes ne sont pas une élection nationale, encore moins le discours franco-centré, et le résultat ne changera pas la physionomie politique de notre pays ni même fondamentalement celle de l’UE. Aussi, l’enjeu est de ne pas participer par un vote prenant insuffisamment en compte à son délitement mais au contraire de lui donner les outils qui lui permettront d’augmenter la capacité citoyenne européenne et de peser dans le monde. En effet, si selon les sondages, les partis qui prônent une « Europe des Nations » arrivaient en force au PE, dans les faits cela ne changera que très peu la donne car ils ne formeront pas une majorité.

Les citoyens doivent donc se prononcer pour des parlementaires qui prendront des décisions ad hoc en tenant compte de l’évolution des paradigmes mondiaux et de l’opinion qui à plus de 60% déclare développer un sentiment d’appartenance à l’UE. C’est dans cet esprit, qu’un nouveau traité et sa préparation permettront de définir l’avenir de l’Union européenne.

 1 liste des candidats sur le site Toute l’Europe. 
PE* : Parlement européen

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