Avoir confiance en notre civilisation et projet européen

Emmanuel Morucci
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On n’a jamais pu en dire autant mais force est de constater que l’Union européenne est désormais au cœur de l’actualité quotidienne. On le doit à la guerre scélérate que mène la Russie en Ukraine, contre la civilisation occidentale, contre les droits humains les plus élémentaires, contre la liberté et la dignité de la personne humaine, du droit de chaque peuple à disposer de lui-même, mais aussi aux conséquences qui pour nous font scandale, font trébucher nos sociétés, à la crise énergétique qui inquiète les Européens à l’approche de l’hiver, mais aussi au réchauffement climatique, au manque d’eau, aux productions agricoles incertaines, etc.

Le prévisionnel des mois à venir n’est pas rose et l’ambiance plutôt anxiogène. Dans cette période de conflit mondialisé et peut-être malheureusement de pré-guerre mondiale, les États sont à la manœuvre et l’Union européenne occupe le terrain médiatique quotidien. La présidente Ursula van der Layen apparaît sur les écrans de télévision chaque jour et expose, comme le ferait une Première ministre, les orientations voulues par le Conseil européen et les propositions de la Commission européenne. Le Parlement européen, creuset de la démocratie, quant à lui fait part de ses engagements et souhaits politiques des représentants des citoyens pour que l’UE soit encore demain un espace de liberté, de paix, de développement et de prospérité. Bref, un lieu de vie agréable même dans la sobriété.

Aujourd’hui l’avenir de l’Union repose sur la force de ses valeurs. Celles qui ont fait qu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale et avec des crises successives, l’espace occidental du continent européen a progressivement évolué jusqu’à devenir ce centre décisionnel pour plus de 450 millions de ses citoyens.
Exemple marquant : c’est l’UE qui forme des soldats ukrainiens, et non pas des États membres, aux nouvelles technologies militaires nécessaires à la victoire contre son agresseur. C’est l’UE qui maintient une forme d’équilibre stratégique entre puissances régionales mondiales (Russie, Chine, USA, Inde, Brésil, Afrique) parfois avec difficultés mais toujours avec persévérance. Et sans jamais perdre de vue que notre style de vie, notre attachement à la dignité de la personne humaine, la liberté aux sens philosophique et économique soient le plus possible maintenus.
Bien sûr, durant ces périodes de crises dures, le monde continue sa progression. Et là aussi il convient d’être vigilants et ne pas perdre la boussole de notre temps. Je pense à l’Intelligence Artificielle qui peut résoudre nombre de problèmes mais qui est aussi à la source d’autres qui peuvent, sans vigilance, toucher à nos libertés de choix dans tous les domaines de la vie.
La question agricole est essentielle et la politique commune doit s’orienter vers l’établissement de plus petites exploitations, seules susceptibles d’aménager le territoire et de garantir la qualité et la quantité des denrées alimentaires proposées aux citoyens de l’Union. Cela implique des changements importants en matière de logistique et de transformation des habitudes.
Le président Macron a raison lorsqu’il affirme que nous sommes au bout de l’abondance. On le savait depuis longtemps mais eau, gaz, carburants, alimentation sont les causes de conflits locaux ou généralisés. On se le savait. On n’y croyait pas trop. Nous y sommes.

L’Union européenne est plus que jamais la dimension idéale pour repenser la société européenne de manière globale. En effet hors de l’UE et sans la solidarité entre pays membres, pas de sécurité ni de défense commune, pas de souveraineté énergétique, pas de politiques communes susceptibles de favoriser un développement de l’ensemble européen, pas de relations apaisées avec le reste du monde, pas de réponses aux défis sanitaires et de santé que le monde subit, pas de politique d’équilibre et de développement du continent africain comme le souhaitait en son temps Robert Schuman. Il convient désormais de gérer une politique migratoire qui est inévitable. Et les raisons sont nombreuses et interdépendantes : guerre, famine, accès à l’eau, réchauffement climatique, sécurité, absence de libertés et de démocratie.

Ce ne sont que des exemples mais ils appellent à une réflexion sur l’égalité entre les États membres et leur stratégie commune. Il n’est plus question d’hégémonie de l’un sur l’autre, ou des uns sur les autres. L’Europe ne peut être française ou allemande : elle doit être européenne. Emmanuel Mounier, en 1950, dans un article pour l’Observateur appelant à la construction viable d’une organisation européenne posait déjà la question des rapports humains dans une perspective des conditions inéluctables qui se présentaient à l’époque. Plus que jamais la question est d’actualité. Quels rapports humains dans cette Europe qui se découvre tout à coup être une puissance par les événements contraignants qui s’imposent à elle depuis l’extérieur ?

Pour le CECI dont c’est la vocation de recherche et d’observation, la question est centrale. Car elle pose la question de l’existence d’une culture commune. Celle qui fait de nous des Européens. Mais loin de penser un centralisme résurgence du passé des États nations de Renan, il me semble indispensable de penser le local comme on pense le global ; ce que l’on nomme du mot savant de subsidiarité. L’un et l’autre sont des chemins en réalité convergents. Ils amènent à poser la qualité des rapports humains dans les activités, dans les manières de consommer, dans le regard que l’on porte sur l’humain, la nature et la biodiversité, sur l’éducation et la socialisation. Sur la manière de penser la nécessaire spiritualité qui fera de l’UE le lieu du progrès humain pour donner au monde la forte doctrine politique, économique et sociale indispensable au diagnostic et la guérison de nos désordres. Ces derniers mots empruntés à Emmanuel Mounier doivent nous donner confiance en l’avenir de notre civilisation et de notre projet européen.

2 commentaires

Très bel article Emmanuel. Plein d humanisme et de  » Real politik  » En conformité avec la pensée des Pères Fondateurs. Avec toutefois un bémol que m a justement rappelé au téléphone, hier après midi, mon ami européen Pierre Mehaignerie : faisons en sorte que l Europe ne s éloigne pas de la préoccupation des citoyens par une  » bureaucratie excessive  » dans le contrôle des Fonds européens.
Avec mes amitiés en attendant de nous revoir à la plénière  » d Europe Direct »

Merci Emmanuel pour ce constat avec lequel je suis en parfait accord. Nous, européens, avons des valeurs à défendre et à opposer à la dictature poutinienne pour qui la vie n’a pas de sens ( ce qui fait sa force dans un premier temps comme elle a fait celle d’Hitler) ces valeurs nous permettront de gagner à condition d’être Unis entre nos peuples mais aussi au sein même de nos patries. Ne nous laissons pas déborder par les sceptiques ou les opposants à l’Europe mais assumons notre mission d’éclaireurs et de fantassins de l’Europe en faisant gagner la démocratie sur la dictature aveugle et meurtrière.

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