9 mai en Europe : une date, la guerre et la paix

Emmanuel Morucci
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Pour les Européens de l’Union, le 9 mai est le jour de la fête commune : celui qui commémore la déclaration de Robert Schuman en 1950, considérée comme la première pierre, le texte fondateur de la construction européenne. Il propose alors la mise en commun des systèmes de production, français et allemand, du charbon et de l’acier.

Pourtant dans la pensée de Robert Schuman l’Europe en devenir ne se réduit pas à la CECA ou à l’Euratom. Dans ses textes prophétiques et notamment son livre « Pour l’Europe », il met en évidence et en premier les valeurs qui doivent présider à l’émergence d’une entité européenne fondée sur la paix, la solidarité, la coopération internationale, la justice, la démocratie et la citoyenneté. 

En Union européenne : un jour de célébration de la Paix 

Ce qui prédomine chez Schuman c’est son intérêt pour la personne humaine dans cette construction qui n’a pas d’égal dans le monde. En ce sens, et dans une perspective personnaliste, rappelant les deux conflits mondiaux, il est un précurseur des constructions d’ensemble dans un concert des nations qu’il considère comme une option déterminante dans le sens du meilleur ou du pire : « À une époque pendant laquelle, en l’espace d’une seule génération, des heurts d’une violence et d’une étendue sans précédent se sont produits entre les hommes, et au cours de laquelle la menace de nouveaux conflits continuent à peser sur l’humanité entière comme une fatalité, en même temps que les moyens de destruction nouvellement inventés confèrent aux tueries futures le caractère non plus d’une épreuve de forces rivales mais celui d’un suicide généralisé, nous avons senti que nous étions à la croisée des chemins »1.

Son projet, de responsabilité citoyenne et démocratique, a connu des hauts et des bas mais surtout un succès qui prend toute sa force dans l’actualité. Celui d’une construction de la paix entre les pays signataires. Elle dure depuis plus de 70 ans. « Ce qui compte à l’actif de l’Europe, c’est qu’elle est à même de contribuer, effectivement et dans l’immédiat, aux besoins de l’humanité, en réponse aux aspirations nouvelles des peuples » déclare-t-il. Il s’agit donc bien pour Schuman de mettre en oeuvre une entreprise de paix avant même une union économique. 

En Russie : une oeuvre de guerre 

La paix est un idéal que les Européens veulent poursuivre face à l’adversité qu’impose la Russie de Vladimir Poutine au monde, dans sa volonté de contraindre l’Ukraine par le meurtre et la destruction. Nos dirigeants européens font tout ce qui est possible de faire, se positionnant sur les valeurs et préceptes fondamentaux de l’Union. C’est la vocation de notre 9 mai, de la Journée de l’Europe. Ils travaillent à la sauvegarde de l’Ukraine mais aussi de l’Union en équipant l’armée de ce pays et en accueillant ses réfugiés. 

À l’inverse, pour Vladimir Poutine le 9 mai sera le jour de son grand discours, de ses références à la Seconde Guerre mondiale, de sa nostalgie de l’URSS. Ainsi, et dans le contexte de sa guerre déjà mondialisée, le jour de l’armistice à Moscou se veut être un jour symbolique. Comme depuis 1945, les responsables russes tentent de faire croire qu’ils ont été les seuls à combattre le nazisme faisant fi des Alliés et des autres peuples européens. Ils poursuivent la même réthorique pour justifier leur agression de l’Ukraine. Inquiétant, ce « jour de la victoire » pourrait marquer un tournant dans la guerre contre l’Ukraine et par ricochet pour les Européens. Le Ministre Lavrov n’a t‑il pas déclaré « vouloir intensifier les actions militaires et ajuster l’avancée des troupes lors de cet anniversaire » ?
Pour Vladimir Poutine cette date est d’une portée symbolique sur le peuple russe.
Emmanuel Macron, président du Conseil de l’Union européenne, répondra en Européen depuis Strasbourg. La date pourrait alors être aussi celle d’un plus fort engagement pour les occidentaux. 

Assurer la défense collective de l’UE

En effet, l’Union doit se préparer à sa sauvegarde. « L’Europe ne se construit pas contre quiconque, proclamait Schuman, mais elle doit assurer sa défense. » Ici encore sa parole était juste : « Une tâche européenne, constructive et valable, consiste sans doute à assurer la défense collective contre toute agression possible. Comme la paix, la sécurité est devenue indivisible… ».

Par la force des choses cette paix et cette sécurité à assurer pour l’Ukraine et l’UE seront au cœur des pensées et des manifestations du 9 mai et du mois de l’Europe. Au moment où la France préside le Conseil de l’Union européenne, les thèmes autour de la sécurité et de la défense seront au centre des échanges et des débats. La prise de conscience d’une Union européenne forte et capable de peser dans les relations internationales sera forcement première.
Mais souvenons nous de cette adresse de Jean Monnet à René Pleven, président du Conseil à propos du « containment » de 1947 qui amenait les responsables américains d’alors à tout mettre en œuvre pour empêcher l’URSS de s’emparer de nouveaux territoires : « Nous sommes aujourd’hui face à face avec la nécessité de nous assurer une « victoire froide » sur l’adversaire et de préparer la guerre » 2.

La Journée de l’Europe du 9 mai aura cette année une tout autre portée et saveur que celles, précédentes et gentillettes, que nous avons connues. 

Emmanuel Morucci 6 mai 2022 

1 Robert Schuman, Pour l’Europe, 1963 Editions Nagel, Paris
2 Jean Monnet, Mémoires, Editions Le Livre de poche, Paris, 1976

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