CECI dit

UE : un hémicycle transformé et stabilisé

Après la trêve estivale et celle des Jeux olympiques, les activités reprennent peu à peu tout au moins au niveau national européen. Il en va de même pour le CECI qui va suivre, pour analyses, différents épisodes de la vie politique et citoyenne de l’UE. Déjà entamées, celles-ci sont déjà nombreuses. Revenons sur les élections européennes.

Sur le plan politique les élections européennes ont été marquées en Europe par une poussée des partis de la droite eurosceptique, radicale et extrême qui comptent désormais trois groupes différents (et donc des moyens octroyés différents) : si l’on regarde en détail, cela donne le groupe « European Conservatives and Reformists » (ECR), les « Patriots for Europe » (PfE) et « Europe of Sovereign Nations » (ESN). Ces trois groupes comptent au total 187 députés.
Le PPE (Parti Populaire Européen – centre droit démocrate chrétien), reste majoritaire avec 188 eurodéputés.
À gauche, les groupes S&D, des Verts/ALE et de La Gauche (The Left-GUE/NGL) dont les français LFI agrègent des partis qui se revendiquent de la sociale-démocratie ou des partis travaillistes comme le SPD allemande, le SAP suédois, le PvdA néerlandais. Les trois députés français de Place Publique, les 10 députés du PS français, le PS portugais, le PS belge, et d’anciens partis communistes reconvertis comme le BSP bulgare y trouvent leur place.

En France, les électeurs ont envoyé au Parlement de Strasbourg sur 81 élus un groupe de 30 parlementaires issu du Rassemblement national. C’est important mais pas de nature à changer les choses. Comme l’écrit Jean Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman : « les contestations nationales ont contribué à renforcer les critiques mais ne remettent en cause ni les politiques de l’Union, ni la majorité centrale qui en dirige les institutions ».

Au total, les partis proeuropéens restent majoritaires et ont poursuivi la désignation de nouveaux présidents des institutions. Du point de vue démocratique, l’exemple le plus significatif est que Ursula von der Leyen a été réélue Présidente de la Commission européenne avec 401 voix sur 719, soit 55,7% des sièges. Son élection a été rendue possible grâce au soutien explicite des groupes PPE, S&D, Renew et Verts/ALE. Roberta Metsola est quant à elle reconduite dans ses fonctions de Présidente du Parlement européen. Ces deux élections traduisent la grande stabilité politique de l’Union, prise dans son ensemble.

Le cas français

À noter, du point de vue de la politique française et par extension de la politique européenne des États membres de l’UE, que si les électeurs hexagonaux ont envoyé lors de ces élections un groupe important de ce parti d’extrême-droite au Parlement européen le résultat a donné lieu à une dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République. Depuis les élections législatives la situation politique semble inextricable dans le pays, et l’instabilité devrait durer plusieurs mois tant des points de vue politique, qu’économique et social, ce qui laissera des traces durables dans la gestion politique du pays avec des incidences notables au niveau international.

En effet, des échéances pressantes attendent le Premier ministre qui sera nommé dans les prochains jours, comme la présentation d’ici le 20 septembre devant la Commission européenne d’un plan sur quatre ans pour réduire les déficits publics. De fait, avec une dette publique de 110 % du PIB et un déficit public de 5,5 % du PIB en 2023, la France ne respecte pas les critères du nouveau Pacte de stabilité et de croissance (PSC) adopté au printemps dernier.

En Europe, le résultat des élections européennes évoque la possibilité d’une fracture sérieuse entre pays européens, particulièrement avec la Hongrie de Viktor Orban. Ce dernier a constitué le parti Patriots au sein duquel le RN français participe activement. C’est le Président du RN Jordan Bardella qui le préside. Ce dernier savait qu’il aurait ce rôle plus de 10 jours avant le résultat des élections législatives en France. Il n’a donc jamais envisagé devenir Premier Ministre.

Un « aller simple » pour Bruxelles ?

Alors que la Hongrie préside pour six mois le Conseil de l’Union européenne, la première action a été de rencontrer le Président russe, sans en avoir aucun mandat, mettant de fait les autres pays membres dans une situation délicate. Celui dont le slogan de présidence de l’UE est :“Make Europe Great Again”, référence pour le moins trumpiste. Une situation dangereuse en période de tensions pour cause de guerre contre l’Ukraine que les institutions ont immédiatement rejetée en insistant sur l’inexistence d’un mandat. Cela n’empêche pas la Hongrie de valider un assouplissement des conditions d’entrée dans ce pays pour les ressortissants russes et biélorusses, ce qui entame la sécurité de l’espace Schengen.
À ce sujet, le porte-parole de la Commission européenne, a déclaré : « Lorsqu’il s’agit de notre acquis et des règles de Schengen, la Hongrie est liée à tout moment par les règles de Schengen, et cela signifie qu’il doit y avoir des contrôles très approfondis, non seulement si vous êtes en possession d’un visa ou d’un permis de séjour valide, mais aussi si vous avez des contrôles de sécurité approfondis en place ».

Comme si cela ne suffisait pas le gouvernement hongrois menace de payer un aller simple vers Bruxelles pour les migrants entrés dans son pays. Si la rupture n’est pas consommée nous n’en sommes plus très loin. Aux Hongrois de se positionner, s’ils préfèrent l’UE ou une alliance avec la Russie de Vladimir Poutine. Un « Hongrexit » n’est peut-être plus très loin.

Mais dans le même temps l’UE continue d’avancer tant du point de vue des idées que du fonctionnement démocratique, ou encore du poids dans le reste du monde. À titre d’exemple, parce que significatif quant à l’origine du pays, citons la proposition du Président de la Banque centrale italienne qui plaide en faveur d’une capacité budgétaire commune de l’UE. Son idée est d’agir pour garantir la paix et la prospérité, valeurs initiales de la construction européenne. Pour cela, dit-il, l’Union européenne a besoin d’une « capacité budgétaire commune ». Cela va dans le sens de la nécessité de renforcement de l’autonomie européenne et de la défense de l’UE. Cet impératif est désormais intégré et partagé.

La législature 2024–2029 va être dense. De fait, il est devenu urgent de s’adapter aux changements technologiques et géopolitiques tout en soutenant la compétitivité. Bien évidemment les objectifs environnementaux et climatiques restent au cœur des projets. Gageons que ce soit en faveur des citoyens de l’UE.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 3 commentaires

Le temps de la gravité

Les passions sont légitimes, souvent compréhensibles, rarement productives.

Elles ne doivent pas prendre en otage le scrutin européen qui vient.

Toutes les démocraties sont déstabilisées par l’expression de colères brutales et l’Europe, terre des plus vieilles d’entre elles, n’y échappe pas.

Partout sur le continent montent de violentes revendications, souvent contradictoires, d’abord nationales, toujours destructrices. L’ère des grandes mutations est aussi celle de l’irrationnalité, qui fait le jeu des complotistes, qui permet tant de mensonges en jouant sur les peurs et les divisions.

L’union de l’Europe est une construction de raison destinée à garantir aux nations la survie de leur identité dans un monde plus grand. Fragile et vulnérable parce qu’imparfaite et inachevée, elle s’accommode mal du simplisme et de la démagogie et peine ainsi à se défendre. Elle ne peut être jugée qu’avec recul et dans la durée.

On peut critiquer les politiques européennes et leurs imperfections, mais on doit en reconnaître les acquis, aux premiers rangs desquels leur existence même. L’appartenance à l’Union européenne n’est d’ailleurs presque plus remise en cause.

Il importe donc à ceux qui ont la chance de disposer d’un droit de vote, d’abord de l’exercer, ensuite de le faire avec discernement. S’en désintéresser constituerait une désertion, l’instrumentaliser une mauvaise action.

Au moment de voter il faut d’abord se demander à quoi cela est destiné : En l’occurrence à désigner des représentants à qui on confère un droit à décider de notre futur.

En Europe, le Parlement européen participe de plus en plus à l’élaboration des lois communes. Fort de sa légitimité populaire il gagne en influence et voit ses compétences s’accroître à chaque scrutin. Sa composition comptera beaucoup dans la construction de l’avenir et en choisir les membres est de plus en plus important.

Avant donc un geste de colère, le vote à venir est un choix de personnes aptes à représenter les électeurs et à décider, ce qui implique mûre réflexion.

Avant même un choix national, c’est une décision à caractère quasi-continental, qu’on ne saurait résumer à un seul intérêt individuel ou national, sans en imaginer les conséquences européennes.

Il est plus urgent que jamais de se rendre aux urnes. La démocratie ne s’use que si on ne s’en sert pas !

Il est plus nécessaire que jamais de le faire avec la gravité qu’exige la sagesse, indissociable de la liberté de l’électeur.

Publié par Jean-Dominique Giuliani dans CECI dit, Jean-Dominique Giuliani, Les contributeurs, 0 commentaire

Européennes : un choix politique fondamental et de dimension européenne

Les élections européennes sont importantes, elles sont un choix fondamental puisque les présidents des institutions, les priorités politiques de la prochaine Commission dépendent des choix des citoyens. Il est donc important d’avoir ce sentiment d’appartenance et être un citoyen actif.
Cela veut dire que, pour nous prononcer en clarté, nous attendons des candidats aux élections européennes des indications précises notamment en ce qui concerne les groupes politiques d’appartenance et les orientations politiques fondamentales qui y sont élaborées. Les groupes politiques du PE* soutiendront soit une Europe puissance ou uniquement marché économique.
Cette mandature devra toutefois réfléchir à l’avenir de l’UE et notamment sa gouvernance : intergouvernementale ou fédérale, ou autre « Europe des nations ». Les députés auront sans doute à réfléchir à un éventuel nouveau traité susceptible de faire avancer le projet européen en étroite coopération avec les États membres.
Ce n’est donc pas une élection nationale dont il s’agit, mais bien une expression citoyenne et politique décisive de dimension européenne.

Dans quels groupes vont siéger les élus ?

Les têtes de listes aux élections européennes ont bien des difficultés à dire dans quel groupe politique ils vont siéger au Parlement européen. On ne les entend pas s’exprimer sur le sujet, comme si cela n’avait pas d’importance. C’est pourtant une question que posent les électeurs. C’est loin d’être anodin car en dépend leur positionnement.

On sait que les LR siégeront au Parti Populaire européen (PPE), les socialistes au sein de Socialistes et Démocrates (S&D) et Renaissance au sein du Groupe Renew.
S’ils ont un élu (si + de 5%), les Verts iront naturellement au sein du Groupe éponyme.
Les choses sont bien plus ambiguës pour les deux listes d’extrême droite. Le RN pencherait vers Identité et Patrimoine (ID) et Reconquête vers Conservateurs et réformistes européens (ECR). Du point de vue de la démocratie, le choix du RN interroge car ses députés siègent actuellement avec l’AfD allemande qui compte dans ses rangs des néonazi. Ce parti d’extrême-droite allemand a même été exclu récemment du groupe ID à la suite d’une série de scandales impliquant notamment l’un de ses dirigeants, Maximilian Krah. Le RN aurait d’ailleurs été la cheville ouvrière de l’exclusion de 9 parlementaires après des propos inacceptables, et une proximité avec la Russie et la Chine, leur présence devenant particulièrement gênante pour la crédibilité du message nationaliste français. Toutefois cela ressemble à une tartufferie car l’AfD a conservé sa tête de liste pour le scrutin du 9 juin.
La rupture étant, selon Marine Le Pen, consommée, le RN devrait siéger au sein du groupe Conservateurs et réformistes européens (ECR) dont un des buts est l’affaiblissement de l’UE. Le dire est important afin que les citoyens fassent leur choix en conscience. Mais nos médias n’en disent que très peu, voire rien.
Enfin, parmi les groupes susceptibles d’avoir des élus, La France Insoumise siégera dans le groupe Gauche unitaire européenne (GUE). Notons que les eurodéputés qui ne sont pas dans un groupe politique officiel siègent tous ensemble dans les « non-inscrits ».

Une dispersion des voix en France

Ceci dit, le 18 mai le Journal officiel a publié la liste des candidats aux Européennes. La France présente aux suffrages 38 listes ainsi que les noms de leurs 81 candidats. C’est un record même si la tendance était déjà observée en 2019. Parmi eux, citons quelques-unes qui ne franchiront pas la barre des 5% : le Parti animaliste, le parti musulman Free Palestine ou encore Espéranto Langue commune, entre autres, la liste n’étant pas exhaustive1.
Globalement on observe que cette multiplication de listes, spécifique à la France, divise fortement tant à droite qu’à gauche. En avoir autant, illusion de la représentativité, n’est pas de bon augure pour le poids effectif de la France au Parlement européen.

La voix de la France affaiblie au PE

De fait la voix de notre pays sera affaiblie. Les petites listes ne changent rien à la répartition entre grands partis puisque leurs voix, environ 20% des suffrages, seront réparties entre les listes récoltant plus de 5 % des voix. Mais c’est un éparpillement qui au bout du compte engendre une répartition entre 6 ou 7 groupes politiques différents, sans compter, comme dit plus haut, les non-inscrits.

Autrement dit, l’influence des partis français va se diluer dans le Parlement alors que « d’autres pays présentent moins de listes, ce qui leur donne une plus grande influence au sein des grands groupes politiques du PE » observe notre collègue et contributeur Francis Gutmann. Autre remarque, celle de Patrick Salez : « La France est peu représentée au PPE et pèse donc très peu dans les deux gros partis. En revanche elle bien représentée à Renew sur ce mandat ». À titre d’exemple, le groupe S&D européen (2e groupe en nombre de députés après le PPE), comptait en 2019, 21 Espagnols, 16 Allemands, 15 Italiens et seulement 7 Français. Si l’on en croit les sondages, le nombre devrait s’améliorer au S&D mais pas dans les deux autres grands groupes que sont le PPE et Renew. LR devrait avoir environ 6 députés.

Certes, comme le dit Philippe Tabary, autre contributeur du CECI, nous avons l’embarras du choix à moins que ce que soit le choix de l’embarras :  « Reste pour chacune et chacun d’entre nous à se déterminer sur la liste estimée la plus proche de nos attentes : un choix qui, au fond, consiste à déterminer si nous laissons parler nos sentiments ou si nous cédons à nos ressentiments ». Ce choix de liste est vu comme un signe de bonne santé démocratique et de participation citoyenne. Mais cela nécessite un véritable examen de conscience et la difficulté de savoir et devoir choisir.

Ne pas se tromper d’élection

Dans tous les cas, si l’on se positionne sur les 7 ou 8 listes qui prétendent avoir des députés, l’objectif est de ne pas se tromper d’élection. Les Européennes ne sont pas une élection nationale, encore moins le discours franco-centré, et le résultat ne changera pas la physionomie politique de notre pays ni même fondamentalement celle de l’UE. Aussi, l’enjeu est de ne pas participer par un vote prenant insuffisamment en compte à son délitement mais au contraire de lui donner les outils qui lui permettront d’augmenter la capacité citoyenne européenne et de peser dans le monde. En effet, si selon les sondages, les partis qui prônent une « Europe des Nations » arrivaient en force au PE, dans les faits cela ne changera que très peu la donne car ils ne formeront pas une majorité.

Les citoyens doivent donc se prononcer pour des parlementaires qui prendront des décisions ad hoc en tenant compte de l’évolution des paradigmes mondiaux et de l’opinion qui à plus de 60% déclare développer un sentiment d’appartenance à l’UE. C’est dans cet esprit, qu’un nouveau traité et sa préparation permettront de définir l’avenir de l’Union européenne.

 1 liste des candidats sur le site Toute l’Europe. 
PE* : Parlement européen
Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 0 commentaire

Le risque d’un vote français perdu

L’Europe reste invisible dans la campagne des Européennes en France, scrutin à un seul tour le 9 juin pour élire les 720 eurodéputés qui représentent quelque 450 millions de citoyens européens. On vit plutôt un retour systématique à la politique nationale dans les débats (vote anti-Macron, montée du Rassemblement national). C’est désolant mais aussi périlleux pour les Français et pour les Européens. Ramener les élections européennes à un tour à un règlement de comptes nationaux, c’est d’une certaine manière « se tirer une balle dans le pied » en ignorant les besoins immenses de l’Union et l’impact déterminant des décisions prises à l’échelle de l’Union sur les politiques publiques nationales (écologie, agriculture, énergie, technologie…).

Pourtant la France s’obstine à voir les élections européennes comme un affrontement purement national entre le Rassemblement national et la majorité présidentielle, simple tour de chauffe avant la présidentielle de 2027. Cela explique sans doute sa relative faiblesse au Parlement européen, en raison d’une absence de stratégie d’influence.

Plus largement, le 9 juin 2024, il se joue la solidité de la coalition majoritaire (pro européenne) au PE, composée de deux principaux groupes, le Parti populaire européen (PPE) et l’Alliance progressiste des Socialistes & Démocrates (S&D), avec l’appui du centre libéral. Or, dans cette coalition, la délégation française (79 députés en tout) compte très peu d’élus : 8 au PPE sur 171 députés (contre 29 pour la délégation allemande) et 7 sur 141 au S&D, loin derrière l’Espagne (21), l’Italie (16) et l’Allemagne (16). Certes, elle compte 23 élus dans le Groupe Renew Europe (101 députés) devenu la troisième force politique du Parlement européen, suivie par l’Espagne et la Roumanie. Soit un total de 38 députés.
Quasi absente du groupe des conservateurs et réformistes européens (CRE), nationalistes conservateurs, elle compte 18 députés (Rassemblement national) sur les 59 du groupe Identité et démocratie (ID), derrière la délégation italienne mais devant les 9 élus allemands de l’AfD. Enfin, elle est la plus importante avec 6 membres dans la gauche au Parlement européen (GUE/NGL, 37 députés). Total dans les groupes hors coalition : 25. Enfin, la délégation française a 12 députés parmi les Verts/ALE (72 eurodéputés) où la délégation allemande est la plus nombreuse (25 députés).


Source: Parlement européen

La situation pour 2024–2029 n’est guère plus favorable car, selon les sondages début mai, le RN (ID) mène avec 32% des intentions de vote (35% pour les jeunes de 18 à 24 ans), Renaissance (parti présidentiel) menée par Valérie Hayer obtiendrait 17% des votes, Place publique-PS mené par Raphael Glucksmann est en 3e position avec 13.5% des intentions de vote. Par ailleurs, la France insoumise (GUE/NGL) menée par Manon Aubry obtient 8% des intentions de vote et les Verts menés par Marie Toussaint tombe à 6%. A droite, les Républicains (PPE) menés par François-Xavier Bellamy sont estimés à 7,5% et Reconquête (ECR) liste menée par Marion Maréchal reste à 6,5% des intentions de vote. La droite extrême représentée au PE par Reconquête et le RN continuerait donc de dominer dans la délégation française au Parlement européen (38, 5%). Or ces groupes sont quasi absents des commissions où se fait l’essentiel du travail législatif, en amont des plénières à Strasbourg.

Dans le même temps, le groupe PPE (centre droit), les Fratelli d’italia de Georgia Meloni jouant le rôle de pivot, s’il se rapproche d’ECR, infléchirait son profil vers la droite, ce qui romprait la coalition avec les socialistes. On craint donc que les élections de juin ne conduisent à un Parlement plus instable avec la montée des populismes et de l’extrême droite (groupes ECR et ID). D’autant que, toujours selon les sondages, les chrétiens-démocrates et les socialistes restant à peu près stables, les libéraux et les Verts perdraient des sièges, au profit des groupes situés à droite des chrétiens-démocrates. La coalition sortante, composée des socialistes, des libéraux et des chrétiens-démocrates, ne serait alors plus à même de constituer une majorité stable pour les décisions très importantes comme l’élection de la présidence de la Commission.

Dans ce contexte, quels que soient les résultats des élections au niveau européen et pour la délégation française dans les différents groupes politiques, il faut s’inquiéter de cette perspective de droitisation du parlement et de la faiblesse du vote utile en France, c’est-à-dire du vote pour des groupes actifs au sein de la majorité pro européenne au Parlement européen. Dans le mandat 2024–2029, la France compte 81 sièges sur 720 mais la participation attendue est estimée à 49,6%.

L’invisibilité de l’Europe dans la campagne française peut certes refléter la volonté de certains partis mais on doit noter l’extrême difficulté pour les médias à faire émerger les enjeux proprement européens. Ce n’est pas nouveau mais une maladie très française qui affaiblit gravement un processus démocratique essentiel à l’heure de tous les dangers pour l’Union européenne : guerre à nos frontières, mise en œuvre de la transition environnementale, repositionnement difficile sur les questions de souveraineté économique et de sécurité extérieure.

Or, le Parlement européen a de l’influence, comme on l’a vu dans des dossiers difficiles comme le plan de relance massif adopté mi 2020 et de nouvelles ressources budgétaires destinées à rembourser l’emprunt commun, le respect de l’état de droit qu’il a âprement défendu contre des gouvernements tentés par le démantèlement des institutions démocratiques en Pologne et en Hongrie. Ou une initiative structurante comme le Pacte vert pour décarboner l’économie européenne (l’objectif de neutralité carbone en 2050) dont la mise en œuvre est contestée actuellement.

Tout se passe pourtant comme si les Français n’avaient pas compris les enjeux et voyaient le scrutin européen comme un sondage d’opinion, avant les élections présidentielles de 2027, ignorant la faible influence française en termes quantitatifs et surtout politiques. Ignorant que les coups de menton et les slogans simplistes (« préférence nationale ») n’aideront en rien ni les Européens, ni donc les Français, face aux crises déjà présentes (guerre, climat, migration) et qui ne manqueront pas de s’exacerber, faute de capacité à décider efficacement et de crédibilité dans l’environnement mondial.

Publié par Catherine Vieilledent dans Catherine Vieilledent, CECI dit, Les contributeurs, 1 commentaire

L’embarras du choix ou le choix de l’embarras !

L’électeur ou l’électrice qui ne trouvera pas chaussure à son pied, ou du moins candidat à son goût, lors du scrutin des européennes ce 9 juin prochain ne pourrait s’en plaindre qu’à lui-même ! De fait, pas moins de 37 listes de 81 candidats se proposent à son choix : pour peu, il faudra bientôt récompenser celles et ceux qui ne se sont pas portés en lice !

Un premier constat : ce n’est pas la première fois que le Parlement de Strasbourg suscite une telle mobilisation des amateurs de combats ou de débats ! En 2019 déjà, le total des postulants avait dépassé la trentaine ! Mais ce chiffre nous interpelle à plus d’un titre, et d’abord parce que parmi les postulants certains seraient bien en peine de dire l’Europe qu’ils veulent, si tant est qu’ils en veuillent une ! Comme Ferdinand Lop au Quartier latin il y a une génération, ils sont candidats à tout scrutin, histoire de parler et… de faire parler d’eux. Et quand bien même la consultation et les pouvoirs de l’Assemblée à laquelle officiellement ils postulent n’auraient aucun rapport avec la cause pour laquelle ils entrent en lice. C’est là ce que les politologues appellent la fonction tribunicienne des consultations électorales, et elle est à tous égards un mal pour un bien.

Tout de même, l’aspect matériel de la consultation interpelle bien des élus locaux ; il suffit pour mesurer leur désarroi de constater le monocorde et interminable alignement des panneaux électoraux, la loi obligeant à ce que chaque liste en dispose d’un en propre, tiré au sort, en plus du panneau officiel de l’Administration stipulant les conditions du scrutin. Le souci est louable : garantir la plus parfaite équité entre les postulants. Mais ce souci tourne à la caricature devant la multiplication des vocations.
De fait, dans certaines petites communes au budget très restreint, la dépense a été de taille, et elle est d’autant plus amère que la plupart de ces panneaux resteront vierges de tout revêtement, nombre de listes rechignant, faute de militants et de moyens, à afficher.
Il est vrai que la simple addition du nombre des communes sur le territoire national, outremer compris, a de quoi épouvanter les Trésoriers de formations politiques parfois très modestes qui devraient tirer plusieurs centaines de milliers d’affiches, et ensuite aller les apposer, ou mandater pour ce faire des équipes spécialisées et rémunérées, pour une performance hypothétique face à probablement un million de panneaux sur l’ensemble de la circonscription électorale unique.
Rappelons qu’il faut au moins 3% des votes pour prétendre au remboursement par l’État, et à concurrence de plafonds fixés au plus juste, des frais de campagne ainsi engagés.

Le même constat sera fait en matière de bulletins de vote, où le total théorique est d’autant plus important que l’usage veut qu’on en envoie un avec un tract à chaque électeur par la voie officielle avant la consultation, et que d’autres se retrouvent, et en quantité suffisante, sur la table d’accueil du bureau de vote ! Là encore, les records seraient battus, et des centaines d’arbres abattus, y compris ‑paradoxe apparent- pour des appels plus ou moins confidentiels à … protéger la nature et préserver les forêts ! Sans doute verra-t-on à nouveau des formations modestes en appeler au sens pratique de l’électeur, invité à imprimer chez lui le bulletin de vote de la liste avant d’aller aux urnes. Mais ce réflexe avant-gardiste reste pour le moins confidentiel.

Une autre charge indirecte de cette journée pèsera sur les volontaires, ou volontaires désignés d’office en tant qu’élus locaux, chargés de tenir les bureaux de vote, puis de dépouiller après clôture de la consultation… à 22h, sous prétexte de ne pas influer sur le vote des Italiens qui, eux, ont coutume de passer aux urnes jusqu’à une heure aussi tardive. Reste que pour les habituels assesseurs, et surtout pour ceux qui travaillent le lendemain, la charge d’heures risque de peser et de décourager les vocations déjà bien rares, pour une fonction il est vrai tout juste un peu honorifique et en tout cas non rémunérée.

Néanmoins, et malgré cette accumulation d’éléments en apparence dissuasifs, une telle abondance de candidats ne me semble pas être un élément négatif : d’abord parce que, en matière d’Europe comme sur bien d’autres points, tout ce qui permet aux citoyens et à leurs représentants, ou à ceux qui ambitionnent de l’être, de s’exprimer ne peut qu’être positif.
Certes, dans le cas présent, le fait qu’il n’y ait qu’un tour, et une barre à 5% pour obtenir des sièges, peut être considéré comme un obstacle dissuasif, tant le choix est difficile et les nuances entre certaines listes infiniment peu claires.
Il n’en demeure pas moins que l‘intérêt ainsi manifesté par le personnel politique ou associatif ne peut que servir la démocratie. Il nous rappelle aussi que chaque consultation électorale porte en elle une ambigüité fondamentale, qui peut paraître comme l’adjonction d‘éléments contraires : d’une part permettre l’expression de l’opinion de la « base », et d’autre part désigner une équipe de responsables à qui incombera la gestion de la collectivité ainsi considérée, pour la durée du mandat.
Et de fait, en soi, ces deux priorités sont antinomiques, surtout dans un scrutin à un tour. De plus, une telle campagne électorale pour le moins pluraliste s’accompagne de multiples prises de position, articles, discours, motions et émotions dont la teneur ne peut échapper aux dirigeants actuels et à venir de l’Europe : de quoi rapprocher base et sommet, ce dont on ne peut que se réjouir !

Reste pour chacune et chacun d’entre nous à se déterminer sur la liste estimée la plus proche de nos attentes : un choix qui, au fond, consiste à déterminer si nous laissons parler nos sentiments ou si nous cédons à nos ressentiments !
En cela, et quel que soit le nombre de postulants, chaque élection présente le même dilemme : il est parfois pénible à trancher, mais les pays arrivés dans notre Europe après 2004 ne manqueraient pas de nous dire quelle chance nous avons de connaître cet examen de conscience et cette difficulté de pouvoir et savoir choisir !
Oui, décidément, l’embarras du choix dans l’isoloir vaut bien les choix de l’embarras face aux scrutins de jadis !
Notre système, en vérité, n’est pas parfait, mais personne n’a prétendu cela ; du moins est-il perfectible, et là est l’essentiel, ce pour quoi nous devons nous mobiliser ce 9 juin !

Publié par Philippe Tabary dans CECI dit, Les contributeurs, Philippe Tabary, 1 commentaire

9 juin : du vote inutile au vote efficace !

Petit test évocateur : répondez sans honte, combien de noms d’eurodéputés français pouvez-vous citer parmi les 79 en poste ? Sachant que la France est la championne des intermittents : au cours de cette législature, 19 eurodéputés se sont présentés aux élections nationales, soit près d’un sur quatre et 8 ont quitté le Parlement. Des élus de poids (Jadot devenu sénateur et Séjourné devenu ministre) ont été remplacés par les suivants de leurs listes : des suivants de moindre envergure politique et de moindre surface médiatique.

Le 9 juin, nous élirons 81 députés français au Parlement européen. Les candidats, têtes de listes des grands partis mises à part, seront de parfaits inconnus. La France détient un autre record, celui-ci plus ridicule qu’attristant : le nombre de listes de candidats. Il y en avait 34 en 2019 et 37 ont été officialisées le 17 mai.
Les petites formations expriment un mécontentement, défendent une cause spécifique, saisissent une occasion de faire parler d’elles sur les marchés et quelques réseaux sociaux. Le tout sur une période infime, la durée de la campagne officielle étant réduite à une portion congrue de 11 jours (du 27 mai à minuit au 7 juin à minuit). 37 listes : heureusement que toutes les listes n’auront pas imprimé leurs bulletins, vous imaginez le temps nécessaire à chaque votant pour trouver la pile qui lui convient !

Électoralement parlant, les « petites » listes n’ont aucun intérêt puisqu’à moins de 5% des voix, elles n’ont droit à aucun eurodéputé.
Ainsi, seules 6 listes sur 34 ont envoyé des élus au Parlement en 2019 et les 28 autres listes ont totalisé 20% des suffrages : une voix perdue sur cinq.
Voter utile, c’est voter pour les listes susceptibles de dépasser 5%.
Parmi celles-ci, voter efficace, c’est voter pour l’un des partis en mesure de renforcer les groupes parlementaires qui feront progresser l’Europe.
Les « petites » listes auraient pu s’associer aux forces qui comptent en faveur de la démocratie, de la justice sociale et de l’écologie. Elles ont préféré se faire un plaisir mesquin, mettant en avant le détail qui différencie plutôt que le socle qui rassemble. Un splendide gaspillage !

Tout cela ajoute de la désaffection électorale et contribuera, si la météo est clémente, à la surpêche en rivière, le 9 juin. Au long des élections européennes — c’est la dixième fournée — la procédure reste désincarnée : on envoie des députés peu connus au sein d’une institution méconnue.
Allez tiens, deux idées pour 2029 : imposer un parrainage de 500 signatures d’élus comme pour les élections présidentielles et allonger la campagne officielle.

Publié par Patrick Salez dans CECI dit, Les contributeurs, Patrick Salez, 0 commentaire

9 juin : tout sauf une élection nationale

Au moment où les différentes têtes de listes fourbissent leurs projets pour l’Europe, il est primordial de rappeler que les Européennes ne sont pas des élections au rabais. C’est même l’inverse. La désignation des parlementaires de l’UE est de la plus haute importance pour l’UE, la France et les citoyens que nous sommes.
Ce sont les eurodéputés qui ont la responsabilité du choix de la future Commission européenne (art 17). Le Conseil européen (Chefs d’État et de gouvernement représentant les États) propose au Parlement européen un candidat à la présidence de la Commission. Ce dernier est ensuite élu, après un grand oral, par l’assemblée qui dispose d’un droit de véto.
C’est aussi à eux que revient, en codécision, l’adoption d’actes législatifs au niveau de l’UE.
Si les députés européens ne disposent pas de tous les pouvoirs d’un parlement national, ils représentent les peuples européens, et en cela l’institution parlementaire constitue le creuset de la démocratie dans son sens le plus pur et le plus précieux.

Quels enjeux ?
Le choix des électeurs déterminera ce que sera l’Europe de demain. Ce n’est donc pas un vote anodin. Ce n’est en aucun cas et surtout pas une élection nationale comme certains partis politiques s’emploient à vociférer à coups de raccourcis employés à tour de bras.
Voter le 9 juin mérite une vraie réflexion. Le bulletin glissé dans l’urne aura des effets concrets. Il engagera l’UE et chacun des pays dans une direction qui conditionnera notre vie quotidienne. Le vote est déterminant.
Il s’agit de répondre à une série de questions en nous positionnant sur l’avenir de l’Union européenne, notre avenir, dans un monde bouleversé par les guerres, les migrations et l’urgence écologique.
Une première est celle de l’Europe que nous souhaitons : Marché économique ou puissance ? L’interrogation est centrale au moment où se pose, par exemple, celle d’une Défense commune.
Une deuxième est l’idée que l’on se fait de la gouvernance : intergouvernementale comme c’est le cas aujourd’hui ? Fédérale, confédérale ou encore, comme les droites extrêmes le suggèrent une « Europe des nations » ? Cette dernière proposition n’entraînerait, à mon sens, qu’égotisme et compétition entre les États. L’Europe et les Européens méritent mieux.

Oui à une Europe forte
C’est une élection importante car l’Europe, loin d’être achevée, est présente dans notre vie quotidienne. L’UE doit jouer un rôle dans la complexité de notre monde, au moment où « le paradigme de la mondialisation s’est totalement transformé », où les relations internationales entre États continents (Chine/Russie, Inde, USA, UE,…) tendent fortement à se régionaliser.
L’existence d’une Europe forte est une condition incontournable pour l’économie, l’écologie, la lutte contre le changement climatique, la démocratie, la citoyenneté et la paix.
On pensait l’avoir compris lorsque la guerre en Ukraine a mis les gouvernements et les sociétés européennes à l’épreuve.

Ne pas se tromper d’élection
Désigner nos parlementaires européens amène chacun d’entre nous à s’interroger en profondeur.
Quid de l’Euro ? De la PAC ? De projets comme Copernicus et Galiléo, de la politique étrangère ?
Les candidats quant à eux doivent répondre aux questionnement autrement que par des slogans réducteurs et dépourvus de toute analyse digne de ce nom.
Quelles formes donner aux échanges commerciaux ? Quel budget pour l’UE ? (aujourd’hui à peine plus de 1% du PIB de chaque État).
Beaucoup de ces problématiques se traitent au niveau européen.
Le compte à rebours a commencé. Nous sommes à cinq semaines des élections européennes.
Ne nous trompons pas d’élection.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 2 commentaires

Élections européennes ; recherche programmes désespérément.

Les campagnes se suivent et ne se ressemblent pas.

En ce fameux monde d’après où les citoyens de l’UE ont leur premier rendez-vous de la décennie avec le renouvellement de leurs parlementaires, la campagne s’annonce inédite. L’actualité des dernières années a mis sur le devant de la scène forces et faiblesses de notre espace communautaire. Si le fonctionnement de notre grande famille européenne est largement et nécessairement perfectible, les 27 ont prouvé qu’en se montrant unis et déterminés, ils étaient capables de révéler une Europe d’une efficacité insoupçonnée à nous protéger : la mise au point impressionnante de la vaccination anti-covid en un temps record est un des exemples de ces réussites dont elle n’a pas à rougir. Telle une jeune structure, elle se construit et fait aussi preuve de fragilité, témoin en cela du chemin à parcourir, valorisant les valeurs démocratiques qui incitent le peuple européen à s’emparer de son destin.

À six semaines d’un scrutin fondamental et déterminant, si l’on peut considérer à l’inverse des
éditions précédentes que la date du 9 juin est largement convoquée dans la sphère des médias et les esprits des citoyens pour servir de cadre aux tribunes journalistiques, aux sondages qui annoncent des résultats d’élections qui de fait n’ont pas encore eu lieu, ou aux propos de candidats déclarés, force est de constater que question programmes et listes des candidats, il faut encore attendre.
Et pourtant, tel un cheval de Troie plusieurs composantes politiques ont annoncé leurs prises de guerre au travers de la présentation des premiers de cordée, occultant les véritables enjeux et occupant par détournement le cœur des débats.

L’espace a horreur du vide

Cette appétence pour la chose européenne est d’autant plus troublante que ce sont les partis les plus éloignés de la défense des valeurs fondatrices de la construction européenne qui sont les premiers sortis du bois et se sont approprié les discours, fussent-ils faussés.
Les paradoxes foisonnent et rivalisent d’affirmation à ce stade, quasiment sans contradiction au point que plus c’est gros, plus ça passe. Tel un curé qui s’annoncerait athée, certains adversaires revendiqués de la construction européenne au profit de nationalismes assumés occupent le terrain et brandissent haut et fort slogans simplistes et populistes, et annoncent des jours meilleurs par un repli sur soi.
Des arguments contrés ? Que nenni. Les rares contre-attaques sont absorbées par l’avance prise par un départ anticipé et un style maîtrisé souvent impressionnant, la musique et la logorrhée faisant le reste.

Sur le fond, il faudrait pourtant repasser : bien souvent c’est pour présenter une prise de guerre ou encore annoncer une issue nationale à un scrutin qui n’en est rien, et c’est ainsi que sont occupées nombre de tribunes au détriment d’éclairages opportuns, et optimisent avec brio ce qui ne sont de simples stratégies de communication. Il faut reconnaître que certains stratèges savent tirer profit des espaces laissés vacants et se sont déjà forgé une armure de candidats à défaut d’annonce de programme.
Elle n’est pas encore officielle, mais la campagne a bel et bien commencé.

La faute à qui ?

On peut s’interroger sur la discrète stratégie des partis europhiles qui peinent à se montrer. Les
listes s’établissent en coulisses et si certains leaders commencent à émerger, les véritables
programmes et feuilles de route, à six semaines du scrutin, semblent encore dans les tuyaux.
Certes, les électeurs ont encore quelques jours jusqu’à début mai pour valider l’inscription de leur droit de vote, et les potentiels candidats disposent eux d’un délai courant jusqu’au 17 mai pour annoncer leur intention de se présenter aux suffrages de leurs concitoyens. 17 mai – 9 juin : ce délai d’un peu plus de (ou seulement) trois semaines pour parler d’eux, de leurs convictions et surtout de leurs programmes en vue de convaincre les électeurs paraît bien maigre au regard des enjeux : défense européenne, migrations, urgence climatique et environnementale, droits de l’homme et démocratie, Europe sociale, etc.

Alors, où êtes-vous, démocrates de la pensée schumanienne ou successeurs des Monnet et consorts ? Ces élections inscrites dans l’exercice de notre démocratie européenne pour la 20e fois depuis 1979 lors de la première élection au suffrage universel des parlementaires qui amena Simone Veil à la présidence doivent être au rendez-vous de l’histoire, en particulier dans le contexte menaçant les valeurs démocratiques à nos portes par la guerre exercée en Ukraine par le dictateur russe.

Réveillez-vous, candidats et leaders démocratiques, et présentez-nous vos programmes forts et
ambitieux à la hauteur des enjeux !
Montrez-vous à nous, hommes et femmes prêts à transcender les clivages nationaux pour
défendre nos valeurs humanistes, présentez-vous à nous par vos listes qui permettront une
incarnation qui manque tant, et faites-nous avancer sur ce chemin que d’aucuns, dans des temps bien plus incertains, ont osé initier.
L’Histoire vous regarde.
L’Histoire européenne nous concerne et nous regarde, tous.

Publié par Marie-Laure Croguennec dans CECI dit, Les contributeurs, Marie-Laure Croguennec, 2 commentaires

Réflexions autour de propos de Robert Schuman

À l’approche de l’échéance du 9 mai relire les analyses et intuitions de Robert Schuman est essentiel afin de saisir le projet européen dans ses valeurs et préceptes fondamentaux. Certes elles ont été écrites dans le contexte des années 50 et 60. Mais chacun en conviendra, elles restent d’une impressionnante actualité.

Contrairement aux progressistes qui le déclarent, les idées avancées et mises en œuvre par les pères de l’Europe ne sont pas dépassées. Elles sont même d’une brulante actualité. Certes si le monde a changé, si les évolutions technologiques, économiques, sociales ont transformé nos sociétés, se poser la question de l’Europe oblige à se pencher sur les préceptes fondamentaux et sur les complexités toujours plus importantes qui interagissent sur notre planète.

C’est autour de valeurs fondamentales que les pères de L’Europe, ceux qui ont posé la première pierre de l’édifice européen, se sont concentrés. La Paix en est sans doute la principale. Au lendemain de la guerre ils voulaient construire ensemble l’Europe de demain. Le message était puissant : « Nous tendons la main à nos ennemis d’hier, non simplement pour pardonner, mais pour construire l’Europe de demain ». Alors que le 9 mai 1950 Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, dans son discours du fameux Salon de l’Horloge a posé les bases du projet européen, validé par les responsables politiques d’au moins six pays dont l’Allemagne, le 9 mai deviendra un symbole fort de l’unité européenne. À cette époque Schuman énonce les raisons du vouloir vivre ensemble. De même, Il précise la méthode, tellement juste et toujours valable aujourd’hui : «  L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de faits ». Une grande stratégie à « petits pas » en quelque sorte. dira Jean Monnet.

La solidarité, autre valeur fondamentale du projet européen, affirme la direction communautaire voulue. Elle est efficace « si l’on ne s’en éloigne pas ». Des crises récentes ont démontré que sans solidarité les européens ne pouvaient aboutir ni individuellement ni collectivement : crises financières, Covid, guerre en Ukraine, etc. en sont quelques exemples. Des paramètres nouveaux apparaissent qui obligent à adapter méthode et action institutionnelle.

Le très regretté Jacques Delors écrivait dans la préface d’une des nombreuses rééditions de Pour l’Europe, seul livre produit par Robert Schuman : « ces écrits frappent par une combinaison, rare chez un responsable politique, entre la profondeur de l’idéal et la lucidité du regard. En témoignent, entre autres, les analyses sur nos partenaires ou encore les inquiétudes exprimées quant à la vitalité de nos démocraties ». Au moment où démarre la campagne des européennes et lorsque l’on voit les intentions de vote anti dans de nombreux pays on ne peut s’empêcher de craindre pour nos démocraties.

À la suite de Jacques Delors rappelons que l’Europe de Robert Schuman est celle de « la diversité de ses qualités et de ses aspirations ». Sans oublier et c’est très important « la responsabilité des choix personnels ».

Comme les principaux fondateurs de l’Europe, Schuman était politiquement un démocrate chrétien et philosophiquement un personnaliste. Il était marqué par la pensée d’un Jacques Maritain. Il était en premier lieu un homme particulièrement fidèle à sa foi. Cela explique son engagement politique mais plus encore il agissait dans sa vie personnelle et publique en gardant à l’esprit les principes de l’Évangile. En ce sens on peut penser qu’il s’est inspiré de la doctrine sociale de l’Église.

il affirme le sentiment « d’avoir eu le redoutable privilège de participer activement à la vie publique de mon pays. À une époque particulièrement troublée de son histoire, et à la lourde responsabilité d’orienter pendant plusieurs années sa politique étrangère ». Jamais il ne cherche la facilité. À ce sujet, parlant d’Europe il répétera sans cesse : « L’Europe ne se fera pas en un jour et sans heurts, rien de durable ne s’accomplit dans la facilité ». Un peu plus de 70 ans après la CECA, l’UE non encore achevée est en marche.
Aujourd’hui les enquêtes l’affirment l’idée européenne répond à une aspiration profonde des peuples. À condition bien sûr qu’ils se l’approprient et portent l’esprit de solidarité. Ce dernier a pris racine avec Robert Schuman. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Les nationalismes refont surface, l’histoire nous rappelle vers quoi ces aventures ont amené L’Europe et le monde il y a seulement 8 décennies. Là encore Schuman nous guide : « la vague des nationalismes ne pourra être conjurée que par une politique constructive et collective, dans laquelle chacun trouvera son compte, grâce à une solidarité effective d’intérêts et des efforts. Nous aurons à faire la preuve, pour tout homme de bonne foi, que les intérêts ainsi combinés ne sont pas irréconciliables comme le sont, par contre, les nationalismes qui se juxtaposent et s’opposent. Les intérêts sont, il est vrai, interdépendants et ne pourront trouver satisfaction que par la mise en commun de toutes les ressources ».

Parlant de patriotisme : « nous ne sommes, nous ne serons jamais des négateurs de la patrie, oublieux des devoirs que nous avons envers elle. Mais au dessus de chaque patrie nous reconnaissons de plus en plus distinctement l’existence d’un bien commun, supérieur à l’intérêt national, ce bien commun dans lequel se fondent et se confondent les intérêts individuels de nos pays ». Autrement dit nous pouvons être parfaitement patriotes et aimer une union européenne aux compétences supranationales.

Ici, la loi de la solidarité des peuples s’impose à la conscience contemporaine : « nous nous sentons solidaires les uns des autres dans la préservation de la paix, dans la défense contre l’agression, dans la lutte contre la misère, dans le respect des traités, dans la sauvegarde, de la justice et de la dignité humaine ».

Voilà des propos qui devraient éclairer une réflexion et une analyse pour tous ceux, qui comme moi, voteront le 9 juin prochain.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 4 commentaires

Ouverture des tables rondes des JEC mars 2024

Mesdames, messieurs, chers amis,

Tout d’abord permettez moi de vous remercier pour votre présence.
Merci à Pascal Verdeau qui anime cette table ronde. Il nous a donné hier soir une remarquable conférence sur l’élargissement d’un point de vue historique et actuel. À ce sujet, ce mercredi, la Commission (re)proposait l’idée d’une intégration progressive et réversible des nouveaux États.
Merci à Benjamin Kurc, responsable du Fonds citoyen franco-allemand sans lequel nos Journées européennes n’auraient pu avoir lieu. Il ne peut être présent physiquement, puisque retenu à Berlin mais son message vidéo est stimulant.
J’y associe le FDVA le Fonds de développement de la vie associative pour sa participation, la ville de Guipavas qui met à notre disposition ce bel auditorium Jean D’Ormesson de l’Amena. Et bien sûr les membres du CECI, chevilles ouvrières de la vie de notre laboratoire d’idée.

Merci à celles et ceux qui vont prendre la parole :
Ulrike Huet, Présidente de la fédération des Associations Franco-allemandes en Bretagne ;
Armelle Maltey, Présidente de la Maison de l’Allemagne et future console honoraire d’Allemagne en Finistère, également membre du CECI ;
Murielle Balaïan, Présidente du Comité de jumelage de Guipavas ;
Victor Warhem, Représentant du Centre de Politique Européenne, SciencePo. ;
Alfons Scholten, Expert Erasmus+, membre du CECI-Allemagne ;
Pierre Menguy, Mathématicien, Université du Havre, Président de la Maison de l’Europe de Seine-Maritime et conférencier Team Europe Direct et administrateur du CECI.

Le CECI, comme vous le savez, s’intéresse aux modalités de mise en œuvre de la citoyenneté européenne et des stratégies d’européanisation sur les différents territoires. 
Son axe central est de prendre en compte par une analyse les identités multiples qui caractérisent les personnes. Il cible la création du sentiment d’appartenance à l’Union européenne, ses évolutions et ses freins, ainsi que la mise en pratique concrète du principe de subsidiarité. Il s’inscrit dans une pensée philosophique personnaliste à l’instar de Robert Schuman, Giorgio La Pira, Emmanuel Mounier, Konrad Adenauer et d’autres. La volonté affirmée est de (re)penser l’Europe pour et par le citoyen.

Ensemble nous allons approfondir quelques sujets importants de la longue liste des enjeux des élections européennes.
Le prisme franco-allemand n’est pas anodin dans notre proposition car depuis quelques mois nous assistons parfois à des prises de position divergentes entre les deux pays moteurs de la construction européenne tant sur des choix intérieurs qu’en politique extérieure ; souvent économiques, spécifiques sur les questions de Défense. Le paradigme a‑t-il changé ? Vous nous donnerez votre avis. Il est important pour nos deux peuples d’échanger, de débattre et de chercher à avancer ensemble par des solutions concrètes. C’est aussi le rôle de la société civile et particulièrement des associations franco-allemandes ou de jumelage.
Les défis et enjeux sont nombreux pour ces élections, qui dans toutes les configurations vont changer le visage de l’Union européenne, son image et peut-être, pour reprendre un terme marin, son rivage. Elle auront lieu du 6 au 9 juin et en Allemagne comme en France le 9 juin.
Le questionnement d’aujourd’hui ne va pas être pour qui nous allons voter. Ce n’est pas l’affaire du CECI. Mais plutôt pourquoi nous allons voter en ce sens, l’avis de la société civile est important. Les problématiques sont nombreuses et nous touchent tous : l’élargissement à des pays candidats potentiels en est un. Pascal Verdeau en a brillamment et de manière exhaustive parlé hier soir.
Les valeurs de l’union européenne sont à protéger. Nous oublions souvent que nous vivons en paix depuis huit décennies, que la réconciliation entre Allemagne et France est un des préceptes fondamentaux de l’UE. Elle a permis la construction européenne. De ce point de vue le défi est de faire progresser le sentiment d’appartenance. Cela passe par la citoyenneté européenne qui, elle aussi, doit être approfondie.

La guerre que la Russie a décidé de mener en Ukraine a bouleversé le projet européen. Et pas seulement au niveau économique ou énergétique. Elle oblige a repenser les relations internationales. Notamment celles avec les États continents. De fait, elle rajoute aux complexités de notre monde des strates que le nouveau parlement européen devra gérer au nom des peuples.

Le Parlement Européen est un organe démocratique et décisionnel. Il est en charge de la codécision avec les États membres, représentés par les chefs d’État et de gouvernement, le conseil européen, mais aussi le Conseil de l’Union européenne, c’est-à-dire le conseil des ministres, qui est un organe, exécutif et législatif.

Les questions qui se posent aux citoyens et que nous allons tenter d’aborder aujourd’hui sont multiples et nombreuses. Nous ne pourrons en faire le tour en une matinée ni en épuiser le sujet.
La réflexion restera donc ouverte. Mais la question de la démocratie sur le continent est désormais incontournable tout comme celle de l’évolution du projet européen. On doit s’interroger sur l’Europe que nous souhaitons sera-t-elle un espace économique ou une puissance et quelle forme de gouvernance, devons-nous lui donner : intergouvernementale comme c’est le cas aujourd’hui ou aller vers plus d’Europe, vers un fédéralisme ?
C’est peut-être aussi une forme confédérale ou bien encore une Europe des nations comme semblent le souhaiter certains. Cette dernière forme aurait, à mon sens, des effets pervers au delà de discours édulcorés. Ne développerait-elle pas des égoïsmes et des compétitions ? La nature humaine est ainsi faite et l’histoire nous en laisse des exemples.

Le conflit en Ukraine, pose la question du financement de cette guerre. Nos deux pays sont-ils en accord ? La prise en compte de revenus issus du gel des avoirs russe en UE (potentiellement 210 Md€ ?) lors du Conseil européen hier semble, par la voix du chancelier démontrer l’unanimité des chefs d’État est de gouvernement. La question migratoire est aussi au centre des préoccupations des citoyens. Nous devons en parler, la vision est aussi différente. Elle amène l’inscription des droits de l’homme. Ici nous sommes en accord. L’environnement, le réchauffement climatique, la sauvegarde de la biodiversité, autres problématiques sont au cœur du débat. La réaction est une urgente nécessité, ce qui n’écarte pas les inquiétudes voire les impasses dans lesquelles se trouvent les agriculteurs européens. Développer cette agriculture dans le respect des territoires est une exigence des citoyens de l’Union. Voilà quelques thèmes que se partagerons avec passion, je n’en doute pas, nos intervenants. Sur des divergences ils proposeront leur analyse. Mais ne noircissons pas le tableau. On peut d’ores et déjà le dire, sur le fond, nos deux pays s’accordent. Notamment sur les choix politiques majeurs qui se présentent au Parlement européen, creuset de la démocratie européenne.

À ce sujet, pour faire un peu de science politique, sans aucun doute parlerez vous du terme spitzenkandidat, emprunté au système électoral allemand et devenu générique du langage européen. Ils font des partis politiques européens les principaux vecteurs de la campagne pour la présidence de la Commission. Voilà un enjeu qui n’est pas des moindres pour le futur parlement qui aura pour mission de valider les candidatures du président ou de la présidente de la commission ainsi que le collège des commissaires.

Voilà ce que je pouvais dire en introduction, sans dévoiler les contenus des propos de nos invités, que je remercie à nouveau pour leur présence. À nouveau merci à tous pour votre présence.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, CECI fait, 0 commentaire