CECI dit

Conférence internationale avec Tbilissi

Report des négociations par le gouvernement géorgien :
quelles positions politiques et juridiques pour l’UE ?

Je voudrais remercier le Docteur Ioseb Kelenjeridze, Directeur de l’Institut de Droit à l’Université Européenne à Tbilissi pour son invitation à intervenir à l’occasion de cette conférence internationale « European Union – Legal and Political Vectors ». Merci également à Vazha Kiladre qui anime notre session ainsi que Hans-Jurgen Zahorka qui a été un intermédiaire efficace et amical dans cette invitation. J’adresse mes salutations aux autres intervenants de cette conférence : Madame Nona Gelashvili et Monsieur Levan Meskhoradze.

Les questions auxquelles m’a demandé de réagir Ioseb Kelenjeridze sont de nature pluridimensionnelle : politiques, juridiques, diplomatiques et morales. 

Mon propos est celui d’un modeste observateur attentif aux situations européennes. Je dois dire qu’au moment où nous échangeons, des mesures potentielles pouvant être prises sont discutées actuellement au sein des instances européennes et entre les États membres. Il est important de rappeler que le statut de candidat a été accordé à la Géorgie le 14 décembre 2023, par les Chefs d’État et de gouvernement lors d’un sommet européen.

Pour rappel ces questionnements touchent à la loi sur les ingérences étrangères, lois contraires à la règlementation européenne. Si la Géorgie n’abroge pas ces lois, quel pourrait en être le résultat ? C’est un objet politique et juridique conditionnel à la démarche d’adhésion. L’Union européenne pourrait-elle interdire à la Géorgie les voyages sans visa ? Ou retirer le statut de candidat ?

Commençons par cette question de visa car c’est une position symbolique face à la situation en Géorgie. Actuellement, les ressortissants géorgiens n’ont pas besoin de visa pour des séjours de moins de 90 jours sous conditions de ressources et d’un passeport. Toutefois, actuellement l’UE exprime son mécontentement en menaçant de suspendre des visas diplomatiques en raison de la répression de l’opposition.

Le partenariat oriental

Avant d’aller plus loin il est important de rappeler que la Géorgie est un des pays partenaires de l’UE et participe déjà au partenariat oriental lancé en 2009. Ce partenariat vise, entre autres choses, à renforcer le dialogue politique entre l’UE et les pays partenaires, à faciliter l’intégration économique à travers des accords d’association et des accords de libre-échange, à promouvoir des réformes en matière de démocratie, de droits de l’homme et de bonne gouvernance. La situation actuelle fait que, malgré ces accords d’association en cours, la situation politique actuelle soulève des préoccupations quant à l’avenir de l’intégration européenne de la Géorgie.

Les questions que vous me posez impliquent une réflexion sur la complexité de la situation. Elles touchent à la fois à la négociation avec l’Union européenne et les actuels pays membres et à la politique intérieure de la Géorgie, et concernent le droit communautaire, la citoyenneté européenne tout comme aux identités nationales et identité commune. Elles touchent également à la conscience européenne. La liberté des ONG est primordiale dans le processus démocratique ainsi que leur coopération notamment pour celles dont l’action est liée à un rapprochement avec l’UE et à la diffusion de l’information européenne aux citoyens. On ne peut parler ici d’ingérence mais de dispositif habituel à toute candidature acceptée à la dimension politique commune. La question des élargissements est sensible car il en va également de l’unité européenne en ces périodes de turbulences économiques et politiques internationales et du respect du traité d’Union européenne abordé par Madame Nona Gelasvili. Les difficultés avec la Hongrie en sont un exemple comme peut l’être la progression dans plusieurs pays lors des élections de personnalités de droite radicale. 

Une première remarque est celle de l’exercice de la démocratie, du droit de vote et au respect des droits des citoyens. Comme vous le savez un référendum est nécessaire pour entamer les négociations d’adhésion. Ce doit être une volonté populaire et citoyenne. C’est toujours un peuple qui s’exprime et non pas seulement un gouvernement. Dans le cas qui nous intéresse c’est bien le gouvernement géorgien qui recule la date d’ouverture à 2028 contre l’avis des citoyens.

D’autres questions soulevées traitent des choix démocratiques. Celle du droit de circuler librement dans l’Espace Schengen et en UE, et celle des sanctions éventuelles pour atteintes aux droits de l’homme et à la citoyenneté. 

Les valeurs de l’UE sont inscrites dans les Traités, notamment celui de Lisbonne mais également dans le document important qu’est la Charte des droits sociaux fondamentaux des citoyens de l’UE. Pour adhérer et valider les négociations il est nécessaire de valider ce que l’on appelle l’Acquis communautaire et transposer dans le droit national l’ensemble de ces dispositions. C’est pourquoi le temps avant l’adhésion peut être long. Parfois 10 ans. Il y a également les questions économiques et sociales à prendre en compte. 

Actuellement, important est l’état de la situation et des relations avec la Russie qui mène une guerre d’agression vis-à-vis de l’Ukraine. Ce pays exprime sa volonté de rejoindre l’UE. Les États membres de l’UE ont validé le fait que les négociations s’ouvriront avec ce pays dès la guerre achevée. C’est une question fondamentale car le principe d’adhésion premier est la paix entre les membres. On peut prendre comme principe la relation fondamentale entre la France et l’Allemagne. Sans cette volonté forte, portée en 1950 par les fondateurs, sous l’égide de Robert Schuman et d’autres dont Konrad Adenauer, ce rapprochement historique, l’UE n’existerait pas. 

Les opinions publiques

La Géorgie doit se positionner sur les textes actuels. C’est la base. Mais, comme l’a dit Hans-Jurgen Zahorka, il est important de tenir compte des opinions publiques géorgienne et européenne. Toutes ne sont pas au même niveau et certaines peu favorables à un élargissement. 

Si l’UE s’engage vers d’éventuels élargissements (au nombre de 10), ils doivent être une réussite et ne concernent pas seulement un marché unique. La relation doit être du type gagnant/gagnant. Il y a d’autres dimensions relationnelles à prendre en compte comme la sécurité commune, la politique de voisinage, la défense, les relations avec le reste du monde, celles avec les BRICS (dont la Russie) et aujourd’hui particulièrement la zone indo pacifique, mais aussi les domaines de notre futur : le numérique et l’intelligence artificielle. La guerre en Ukraine est actuellement un point très sensible. 

Toutes les déclarations en UE vont dans ce sens du maintien des négociations ouvertes. Toutes regrettent clairement la déclaration d’Irakli Kobakhidze, contre la position de la présidente Salome Zourabichvili sur la décision de « Rêve géorgien » de ne pas poursuivre l’ouverture des négociations d’adhésion. Ce qui revient à rejeter le soutien financier de l’UE jusqu’en 2028. Il faut avoir conscience qu’en reprenant d’éventuelles négociations après 2028 cela ne permettra pas une entrée dans l’UE dans les deux ans. Il faudra un temps plus long, une dizaine d’années peut être. Cela passera, entre autres éléments, par l’acception des critères de Copenhague et de ce que l’on appelle l’Acquis communautaire. Le constat est que le plan d’action des autorités géorgiennes et le recul démocratique ont conduit à l’arrêt de facto du processus d’adhésion dès juin de cette année et que l’aide financière de l’UE au profit directement des autorités géorgiennes est actuellement en attente.

La position actuelle du gouvernement géorgien marque un changement par rapport aux politiques de tous les gouvernements précédents et ne répond pas aux aspirations européennes de la grande majorité du peuple géorgien, comme cela est inscrit dans la Constitution de la Géorgie.

Les médias nous montrent les images du peuple géorgien, une fois encore, manifestant en grand nombre dans les rues pour réaffirmer ses aspirations à rejoindre l’Union européenne. Bien évidemment, les Européens condamnent fermement la violence contre les manifestants pacifiques qui défendent leur avenir européen et démocratique. De fait, les actions du gouvernement géorgien ont des conséquences directes sur la relation avec l’UE et ses États membres. 

Vouloir être membre de l’Union européenne, c’est respecter les règles de l’ensemble que l’on désire rejoindre. Ce n’est pas un accord pour faire bien ou pour obtenir seulement des avantages économiques. Les implications sont nombreuses et autres : économiques bien sûr, mais aussi politiques, sociales, culturelles, diplomatiques….Et reposent sur un socle de valeurs communes et partagées. 

Ainsi, les autorités géorgiennes doivent respecter le droit à la liberté de réunion et à la liberté d’expression, et s’abstenir d’utiliser la force contre des manifestants pacifiques, des politiciens et des représentants des médias. Pour l’UE, tout acte de violence doit faire l’objet d’une enquête et les responsables être tenus pour responsables. Je constate, à la lecture des déclarations, que l’UE réitère ses graves préoccupations concernant le recul démocratique continu du pays, y compris les irrégularités qui ont eu lieu lors des récentes élections législatives. Dans ce contexte, l’UE attend avec impatience le rapport final de l’OSCE/ODIHR et ses recommandations.

Que dire encore ? Que l’UE soutient le peuple géorgien et son choix pour un avenir européen. Bien évidemment, la porte de l’UE reste ouverte, mais l’acceptation aux valeurs européennes et le retour de la Géorgie au chemin de l’adhésion à l’UE est entre les mains des dirigeants géorgiens.

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European Christmas Tree 2024 : Press release

33,000 European schoolchildren from 21 countries
take part in “European Christmas Tree” operation

Led by the Cercle Europe Citoyennetés et Identités – CECI, « the European Christmas Tree Decoration Exchange”, involves European schools and pupils in an exchange of Christmas decorations. 33,000 elementary school pupils from all over Europe took part this year.

Launched 19 years ago by the Europe Direct Information Centre in Wrexham, Wales, and led at the time by Karen Morrisroe, helped by Vinciane Bodson at the CIED in the province of Luxembourg, Belgium, and taken over in recent years following the Brexit by Brian Stobie at Durham County Council, the operation has become increasingly popular over the years.

Since this year, the organization has been the responsibility of Cercle Europe Citoyennetés et Identités – CECI, a Breton association based in Brest (France). Its aim is to study and consolidate European citizenship. The project, which has a European dimension, brings together classes of pupils aged from 3 to 12 in a Christmas-themed correspondence : schoolchildren make and send decorations to their European mates, and in return receive the same number which will decorate their own school tree.
In its first year, CECI registered 403 schools with over 33,000 pupils (a record broken!) from 21 countries : Austria, Bulgaria, Croatia, the Czech Republic, Finland, France, Germany, Greece, Hungary, Italy, Latvia, Lithuania, the Netherlands, Poland, Portugal, Romania, Slovakia, Slovenia, Spain, Sweden, the United Kingdom.
The participating schools are divided into 17 groups, each comprising 23 or 24 partner schools from different European countries.

Discovering the cultures and traditions of European countries

To prepare the mail, the pupils accompanied the decorations with an information pack presenting their school and region, and the Christmas traditions in their country : a way of learning about geography on a European scale, but also of discovering traditions in neighbouring countries through culture, while communicating in English, all in authentic situations. In addition to schools, the operation welcomed a number of partners, including libraries in Romania, kindergartens in Latvia, Greece, Lithuania…. and the Faro hospital in Portugal.
Children are eager to take part in the project, are enthusiastic and proud to share their new discoveries with others.

An educational project lasting several weeks

While the schools embarked on the creation phase at the end of October and beginning of November, depending on the different school calendars across Europe, the pupils receive and discover letters and parcels on a daily basis. Messages containing wishes for 2025 have been written with great enthusiasm. Diversity is also present in the information packs, which can be sent in paper format, slide shows, digital links and so on.

In terms of logistics, the dedicated CECI team, led by Marie-Laure Croguennec, Marie Christine Rioual, Anne-Marie Stenou and Philippe Rioual, has been working since August on organizing the event : contacting schools, registering, constituting and distributing groups. This operation benefited from the support and relay in the EU of 35 Europe Direct Information Centers of the European Commission.

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Sapin européen 2024 : communiqué de presse

33 000 élèves de 21 pays
participent à l’opération « Sapin européen »

Pilotée par le Cercle Europe Citoyennetés et Identités – CECI  l’opération Sapin européen, alias « European Christmas Tree Decoration Exchange » a pour objet de faire participer des écoles et élèves européens à un échange de décorations de Noël. 33 000 élèves d’écoles primaires des quatre coins d’Europe ont participé cette année.

L’opération, lancée il y a 19 ans par le Centre d’Information Europe Direct de Wrexham au Pays de Galles et alors menée par Karen Morrisroe, avec l’appui de Vinciane Bodson au CIED de la province de Luxembourg en Belgique, repris les dernières années à la suite du Brexit par Brian Stobie au Durham County Council, connaît un engouement croissant au fil des ans.

Depuis cette année, l’organisation en revient au Cercle Europe Citoyennetés et Identités – CECI, association bretonne dont le siège est basé dans la Métropole de Brest (France). Son objet est l’étude et la consolidation de la citoyenneté européenne. Ce travail de dimension européenne consiste à mettre en relation des classes d’élèves de 3 à 12 ans pour une correspondance autour des traditions de Noël : les écoliers fabriquent et envoient des décorations à leurs homologues européens, et en retour en reçoivent autant qui serviront à décorer leur propre sapin de l’école.

Pour sa première année d’organisation, le CECI a enregistré l’inscription de 403 écoles regroupant plus de 33 000 élèves (record battu !) venant de 21 pays : Allemagne, Autriche, Bulgarie, Croatie, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède.
Concrètement, les écoles participantes sont réparties en 17 groupes d’échanges, composés chacun de 23 ou 24 écoles partenaires de différents pays européens.

Découvrir les cultures et traditions des pays européens

Pour préparer les envois postaux, les élèves ont accompagné les décorations réalisées par un dossier d’information sur la présentation de leur école et région, et les traditions de Noël dans leur pays : une manière de faire de la géographie à l’échelle européenne mais aussi de découvrir au travers de la culture les traditions dans les pays voisins, en communiquant en anglais, le tout dans des situations authentiques. Outre des établissements scolaires, l’opération a accueilli différents partenaires comme des bibliothèques en Roumanie, des jardins d’enfants en Lettonie, Lituanie, Grèce… ou encore l’hôpital de Faro au Portugal. Enthousiasme et engouement sont au rendez-vous chez les enfants fiers de partager autour d’eux leurs découvertes inédites.

Un projet pédagogique sur plusieurs semaines

Si les écoles se sont lancées dans la phase de création fin octobre début novembre en fonction des calendriers scolaires différents sur le territoire européen, les élèves reçoivent et découvrent quotidiennement lettres et colis. C’est avec un grand enthousiasme que des messages composés des vœux pour 2025 ont été rédigés. La diversité est présente également au travers des dossiers d’information qui peuvent être transmis sous format papier, diaporamas, liens numériques, etc.

Côté logistique, l’équipe dédiée du CECI, animée par Marie-Laure Croguennec, Marie Christine Rioual, Anne-Marie Stenou et Philippe Rioual, a travaillé depuis le mois d’août à la mise en place : contact avec les écoles, inscriptions, constitution et répartition des groupes. Cette opération a bénéficié de l’appui et du relais en UE de 35 Centres d’Information Europe Direct de la Commission européenne.

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„Denk ich an Deutschland in der Nacht …

… dann bin ich um den Schlaf gebracht.“
Diese berühmte Zeile aus einem 1844 entstandenen Gedicht des in Düsseldorf als Jude geborenen Heinrich Heine, der seine zweite Lebenshälfte im Exil in Paris verbringen musste, fiel mir ein als ich gebeten wurde, einen Beitrag zur aktuellen Situation in Deutschland zu schreiben. Dies tue ich gerne, auch wenn meine Ausführungen das, was Emmanuel Morucci in seinem Beitrag „Nouvelle commission : défis et enjeux pour l’UE“ für Europa beschrieben hat, nur auf die Situation in Deutschland herunterbrechen. Europa ist halt so eng miteinander verflochten, dass uns selbst unsere Probleme verbinden.

Der wirtschaftliche Umbruch in Deutschland ist schon seit langem eine Folge der Klimakrise, die einen ökologischen Umbau der Wirtschaft nötig macht. Welche Folgen es für deutsche Unternehmen, speziell der Autoindustrie, haben kann, darauf nicht schnell und kompetent genug zu reagieren, zeigen die aktuellen Ereignisse rund um Volkswagen und die Autozulieferindustrie, bei denen Entlassungen von mehreren zehntausend Stellen drohen.

Außerdem zeigt sich jetzt, dass es ein eklatanter politischer Fehler war, die finanziellen Spielräume die die günstigen Zinsen in den 10er Jahren eröffnet hatten, für das Erreichen einer „schwarzen Null“1 statt für die Erhaltung der Bahn, der Brücken und Straßen oder den Aufbau moderner Bildungseinrichtungen und einer vorbildlichen digitalen Infrastruktur zu nutzen. Seit dem 24. Februar 2022 und dem Überfall von Putin-Russland auf die Ukraine ist das deutsche „Geschäftsmodell“ komplett aus dem Ruder geraten : es gibt kein billiges Erdgas aus Russland mehr und die sog. „Friedensdividende“2 muss – bei wieder steigenden Zinsen für die weiterhin im großen Maße vorhandenen Altzinsen (ca. 62% des BIP) – durch eine deutliche Erhöhung der Ausgaben für die Verteidigung ersetzt werden.

Wirtschaftspolitisch führt all das zu polarisierenden Antwortvorschlägen. Während die einen – wie die AfD – den menschengemachten Klimawandel leugnen und eine putinfreundliche Außenpolitik fordern, damit wir in Russland wieder billiges Erdgas kaufen können, verärgern die anderen – wie Wirtschaftsminister Habeck von den Grünen – viele Transformationsbereite durch stümperhafte Gesetzesvorschläge und immer neue Forderungen nach Subventionsmilliarden für schwächelnde Industrien ; wieder andere wie die CDU/CSU und die FDP sehen das Heil im sog. Bürokratieabbau und in der Kürzung von sozialen Leistungen und erklären die Migration „zur Mutter aller Probleme“. Bundeskanzler Scholz und die SPD wollten bis vor kurzem keine Wirtschaftskrise erkennen und fordern den Erhalt bzw. den weiteren Ausbau sozialer Leistungen wie der Rente. Das alles verlangt von den verantwortlichen Politikern die „Quadratur des Kreises“ und mitten im Streit das Finden von tragfähigen Kompromissen, genau das Gegenteil von viel zu viel Dramatisierung und Polarisierung. (Noch) ist nicht zu erkennen, wo die politischen Führungskräfte herkommen sollen, die in der Lage sein könnten, diesen Widerspruch nach und nach aufzulösen.

Kurz und gut : Deutschland befindet sich seit einigen Jahren in einem wirtschaftlichen und politischen Umbruch und Situationen des Umbruchs bringen Polarisierungen hervor wie schon Hannah Arendt beobachtet hat. Dies wiederum erfordert, den öffentlichen Raum nicht den Polarisieren und Extremisten zu überlassen, sondern diesen mit Hilfe von zivilgesellschaftlichen Organisationen wie dem CECI demokratisch, pro-europäisch und aufklärerisch zu besetzen.

Die politische Krise Deutschlands besteht meines Erachtens nach schon seit der sog.
Wiedervereinigung und der damit verbundenen Wiedererlangung der vollständigen Souveränität Deutschlands. Denn wir sind uns noch uneins, was das bedeuten kann und soll. Wollen wir nicht nur wirtschaftlich, sondern auch politisch eine Großmacht sein, nur ohne Atomwaffen und Sitz im UN-
Sicherheitsrat ? Und wollen wir tatsächlich, dass in der EU wieder „deutsch gesprochen“ wird wie es ein enger Mitarbeiter von Angela Merkel vor einigen Jahren formulierte ? Eine friedliebende, kooperative, aber machtbewusste Alternative haben wir leider noch nicht gefunden.

Gleichzeitig sind wir uns nicht einig über den – vor allem militärischen – Preis, den wir dafür bereit sind zu zahlen und ob bzw. wie wir den Einsatz von deutschem Militär in Mittel- und Osteuropa, aber auch in Afrika und Asien vor der deutschen Geschichte rechtfertigen können und wollen. Eine Frage, die wir vermutlich nicht alleine, sondern nur im europäischen Kontext – z.B. gemeinsam mit Franzosen, Polen, Ukrainern, … – diskutieren und beantworten können. Und nach unserem fatalen Irrweg im Hinblick auf Nord-Stream II und vielem anderen mehr, täte es uns und der Qualität unserer Entscheidungen gut, mehr auf unsere Nachbarn zu hören und nicht weiter den Alleingang zu wagen.

Die Migrationspolitik ist zu einem zweiten großen Streitpunkt gemacht worden, leider nicht nur von rechtsextremen Parteien wie der AfD, sondern auch von Verantwortlichen der CDU/CSU und selbst von Verantwortlichen der SPD und der Grünen. Dabei wäre hier ein nüchterner Blick auf die Sachlage angebracht. Natürlich kostet uns die Aufnahme der vielen Flüchtlinge und Migranten viel Geld und viele Mühen, doch ist zu bezweifeln, dass die propagierte Schließung unserer Grenzen für die sog. „illegale Zuwanderung“ unsere Energie verbilligen, die Klimakrise entschärfen, die Bahntrassen reparieren oder die Digitalisierung voranbringen würde. Im Gegenteil – angesichts des auch in Deutschland wirksamen demographischen Wandels – werden wir zur Lösung all dieser Probleme in Zukunft Zuwanderung in großem Maße brauchen, wenn wir unseren Wohlstand auch nur einigermaßen erhalten wollen. Und andererseits werden – meiner Meinung nach – auch noch so hohe Grenzzäune nicht verhindern, dass die illegale Zuwanderung weiter geht. Die aktuelle Entwicklung der Kriege und Konflikte in der Ukraine und im Nahen Osten lässt zudem befürchten, dass die Zahl der Flüchtlinge schon in den nächsten Monaten drastisch ansteigt. Wie wollen diese Politiker dann ein gesellschaftliches Klima schaffen, dass die dann nötigen Anstrengungen zur Aufnahme der „legalen Flüchtlinge“ ermöglicht oder wollen sie diese dann auch an unseren Grenzen abweisen ? Das wäre eine politische und moralische Katastrophe, die allen europäischen Werten komplett widerspricht.

Dass all das auch zu Verwerfungen im Bereich der politischen Parteien führt, ist keine Überraschung, erschwert aber die Findung von konstruktiven politischen Mehrheiten. Drei Entwicklungen sind – meiner Meinung nach – dabei besonders bemerkenswert : a) die Ampel- Regierung und ihr katastrophales Ende lässt befürchten, dass die Idee einer lagerübergreifenden Koalition3 für die nächsten Jahre verbrannt ist, obwohl wir womöglich genau das in den nächsten Jahren dringend benötigen werden, b) der denkwürdige Missbrauch der FDP unseres parlamentarischen System (Stichwort : D‑Day-Papier4), droht nicht nur ihre eigene Glaubwürdigkeit, sondern auch die des gesamten Systems in Frage zu stellen, was c) den extremistischen Parteien in die Karten spielt, die nach Argumenten suchen, einen „Systemwandel“ zu fordern. Und das eigentlich Erschreckende ist dabei, wie viele Menschen in West und Ost5 bereit sind, die Bindung Deutschlands an den „Westen“ in Frage zu stellen und durch ein Bündnis mit Putin-Russland zu ersetzen und alle demokratischen Errungenschaften in Frage zu stellen.

In dieser Situation der grundlegenden Neu-Orientierung müssen meiner Meinung nach zivilgesellschaftliche Organisationen wie der CECI den europäischen, öffentlichen Raum besetzen und das gemeinsame Nachdenken über die Probleme unserer Gesellschaften voran treiben, am besten auch im Format des „Weimarer Dreiecks“ um eine Brücke nach Mittel- und Osteuropa schlagen zu können.

1 „schwarze Null“ meint, dass der jährliche Haushalt des Staates ausgeglichen sein oder einen geringfügigen Überschuss aufweisen soll

2 Mit „Friedensdividende“ sind die stark gesunkenen Kosten für die Bundeswehr gemeint, die sich aus der Aussetzung der Wehrpflicht, der Verringerung der Zahl der Soldaten und Standorte und der Verschlechterung der Ausstattung ergeben

3 Während es in der Vergangenheit meist reichte, wenn 2 Parteien aus demselben politischen Lager eine Koalition bildeten (CDU/CSU und FDP einerseits oder SPD und Grüne andererseits) und nur die sog. Große Koalition von CDU/CSU und SPD eine Ausnahme bildete, war es 2021 wg, des Einzugs der AfD in den Bundestag nötig, dass 3 Parteien (SPD, Grüne als eher linke Parteien einerseits und die FDP als eher rechte Partei andererseits) zusammen arbeiten, damit eine Mehrheit zustande kommen konnte; solange die Extremisten so stark sind wie dies die Umfragen prognostizieren (ca. 20%), dürfte dies in Zukunft des öfteren der Fall sein

4 Die FDP hat offensichtlich schon seit dem Spätsommer intern einen Bruch der Ampel-Koalition vorbereitet und das Planungspapier dazu – in Anlehnung an das Code-Wort des us-amerikanischen Militärs für die Landung 1944 in der Normandie - mit „D-Day-Papier“ betitelt und auch ansonsten mit militärischen Begriffen („offene Feldschlacht“ etc.) nicht gespart; der Parteivorsitzende beteuert, dieses Papier nicht gekannt zu haben, obwohl sein enger Mitarbeiter, der Bundesgeschäftsführer der FDP, den Textentwurf erstellt hat; mehrere renommierte Medien berichten aktuell, dass das alles wenig glaubhaft ist, an Wahlbetrug grenzt und zum Rücktritt von Herrn Lindner führen müsste 

5 Zur aktuellen Situation Ostdeutschland und den französisch-ostdeutschen Beziehungen s. jetzt auch Paul Maurice:
Trente-cinq ans après la chute du mur de Berlin : à l’Est quoi de nouveau ?, à télécharger ici:
https://www.ifri.org/sites/default/files/2024-
11/p._maurice_briefing_35_ans_apres_le_chute_du_mur_de_berlin_nov_2024.pdf
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« Quand je pense à l’Allemagne la nuit…

… alors je suis privé de sommeil ».
Ce vers célèbre d’un poème écrit en 1844 par Heinrich Heine, né juif à Düsseldorf et contraint de passer la seconde moitié de sa vie en exil à Paris, m’est revenu à l’esprit lorsqu’on m’a demandé d’écrire une contribution sur la situation actuelle en Allemagne. C’est ce que je fais volontiers, même si mes propos ne font que transposer à la situation allemande ce qu’Emmanuel Morucci a décrit pour l’Europe dans son article « Nouvelle commission : défis et enjeux pour l’UE ».
L’Europe est si étroitement liée que même nos problèmes nous unissent.

Le bouleversement économique en Allemagne est depuis longtemps une conséquence de la crise climatique, qui rend nécessaire une transformation écologique de l’économie. Les événements actuels autour de Volkswagen et de l’industrie des sous-traitants automobiles, où plusieurs dizaines de milliers d’emplois sont menacés, montrent les conséquences que peut avoir pour les entreprises allemandes, en particulier dans l’industrie automobile, le fait de ne pas réagir assez rapidement et de manière compétente.

En outre, il apparaît aujourd’hui que c’était une erreur politique flagrante d’utiliser la marge de manœuvre financière ouverte par les taux d’intérêt avantageux des années 10 pour atteindre le « zéro noir » 1 au lieu de l’utiliser pour l’entretien des chemins de fer, des ponts et des routes ou pour la construction d’établissements d’enseignement modernes et d’une infrastructure numérique exemplaire.
Depuis le 24 février 2022 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine, l’Allemagne est « modèle d’affaires » complètement déréglé : il n’y a plus de gaz naturel bon marché en provenance de Russie et les soi-disant « dividendes de la paix » 2 doivent être remplacés – alors que les taux d’intérêt sur les intérêts anciens continuent à augmenter dans une large mesure (environ 62% du PIB) – par une augmentation significative des dépenses pour la défense.

En matière de politique économique, tout cela conduit à des propositions de réponses polarisées. Tandis que les uns – comme l’AfD – nient le changement climatique provoqué par l’homme et exigent une politique étrangère favorable à Poutine afin que nous puissions à nouveau acheter du gaz naturel bon marché en Russie, les autres – comme le ministre de l’économie Habeck des Verts – irritent de nombreuses personnes prêtes à la transformation par des propositions de loi bâclées et des demandes répétées de milliards de subventions pour les industries en perte de vitesse ; d’autres encore, comme la CDU/CSU et le FDP, voient le salut dans la soi-disant réduction de la bureaucratie et des prestations sociales et déclarent que la migration est « la mère de tous les problèmes ». Le chancelier Scholz et le SPD ne voulaient pas, jusqu’à récemment, reconnaître la crise économique et exigent le maintien ou la poursuite du développement des prestations sociales comme la retraite. Tout cela exige des politiques responsables qu’ils fassent la « quadrature du cercle » et qu’ils trouvent des compromis viables au milieu des querelles, exactement le contraire de beaucoup trop de dramatisation et de polarisation. On ne voit pas (encore) d’où pourraient venir les dirigeants politiques qui seraient en mesure de résoudre progressivement cette contradiction.

En résumé, l’Allemagne se trouve depuis quelques années dans une période de bouleversements économiques et politiques et les situations de bouleversements engendrent des polarisations, comme l’avait déjà observé Hannah Arendt. Cela exige à son tour de ne pas laisser l’espace public aux polaristes et aux extrémistes, mais de l’occuper de manière démocratique, pro-européenne et éclairée avec l’aide d’organisations de la société civile comme le CECI.

Je pense que la crise politique de l’Allemagne existe depuis la soi-disant réunification et le rétablissement de la pleine souveraineté qui en a découlé. Car nous ne sommes pas encore d’accord sur ce que cela peut et doit signifier. Voulons-nous être une grande puissance non seulement économiquement, mais aussi politiquement, mais sans armes nucléaires ni siège au Conseil de sécurité de l’ONU ? Et voulons-nous vraiment que l’on « parle allemand » dans l’UE, comme l’a formulé un proche collaborateur d’Angela Merkel il y a quelques années ? Nous n’avons malheureusement pas encore trouvé d’alternative pacifique, coopérative, mais consciente de sa puissance.

En même temps, nous ne sommes pas d’accord sur le prix – surtout militaire – que nous sommes prêts à payer pour cela et si, ou comment, nous pouvons et voulons justifier devant l’histoire allemande l’engagement de l’armée allemande en Europe centrale et orientale, mais aussi en Afrique et en Asie.
Une question que nous ne pouvons probablement pas discuter et à laquelle nous ne pouvons répondre seuls, mais seulement dans le contexte européen – par exemple avec les Français, les Polonais, les Ukrainiens, .… Et après notre erreur fatale concernant Nord-Stream II et bien d’autres choses encore, il serait bon pour nous et pour la qualité de nos décisions d’écouter davantage nos voisins et de ne pas continuer à faire cavalier seul.

La politique migratoire a été transformée en un deuxième grand sujet de discorde, malheureusement pas seulement par les partis d’extrême droite comme l’AfD, mais aussi par des responsables de la CDU/CSU et même par des responsables du SPD et des Verts. Il conviendrait pourtant de jeter un regard lucide sur la situation. Bien sûr, l’accueil des nombreux réfugiés et migrants nous coûte beaucoup d’argent et d’efforts, mais il est douteux que la fermeture de nos frontières à la soi-disant « immigration illégale », telle qu’elle est propagée, réduise le prix de notre énergie, désamorce la crise climatique, répare les voies ferrées ou fasse avancer la numérisation. Au contraire – compte tenu du changement démographique qui agit également en Allemagne – nous aurons besoin à l’avenir d’une immigration importante pour résoudre tous ces problèmes si nous voulons maintenir notre prospérité, ne serait-ce que dans une certaine mesure. Et d’un autre côté – à mon avis – les clôtures frontalières, aussi élevées soient-elles, n’empêcheront pas l’immigration illégale de se poursuivre. L’évolution actuelle des guerres et des conflits en Ukraine et au Proche-Orient fait en outre craindre une augmentation drastique du nombre de réfugiés dès les prochains mois. Comment ces politiques entendent-ils alors créer un climat social qui permette les efforts alors nécessaires pour accueillir les « réfugiés légaux » ou veulent-ils alors également les refouler à nos frontières ? Ce serait une catastrophe politique et morale qui irait complètement à l’encontre de toutes les valeurs européennes.

Il n’est pas surprenant que tout cela conduise également à des distorsions dans le domaine des partis politiques, mais cela rend plus difficile la recherche de majorités politiques constructives. Trois développements sont – à mon avis – particulièrement remarquables :
a) le gouvernement des feux de signalisation et sa fin catastrophique font craindre que l’idée d’une coalition entre les différents partis soit abandonnée3 pour les années à venir, alors que c’est précisément ce dont nous aurons besoin dans les années à venir,
b) l’abus mémorable du FDP de notre système parlementaire (mot-clé : D‑Day- Papier4), risque de remettre en question non seulement sa propre crédibilité, mais aussi celle de l’ensemble du système,
c) ce qui permet aux partis extrémistes de se développer dans le pays qui cherchent des arguments pour exiger un « changement de système ». Et ce qui est vraiment effrayant, c’est de voir combien de personnes à l’Ouest et à l’Est5 sont prêtes à remettre en question les liens de l’Allemagne avec « l’Occident » et à les remplacer par une alliance avec la Russie de Poutine et à remettre en question tous les acquis démocratiques.

Dans cette situation de réorientation fondamentale, je pense que les organisations de la société civile comme le CECI doivent occuper l’espace public européen et faire avancer la réflexion commune sur les problèmes de nos sociétés, de préférence aussi dans le format du « Triangle de Weimar » afin de pouvoir jeter un pont vers l’Europe centrale et orientale.

1 "Zéro noir" signifie que le budget annuel des administrations publiques doit être équilibré ou présenter un léger excédent

2 Par "dividendes de la paix", on entend la forte baisse des coûts de la Bundeswehr résultant de la suspension du service militaire obligatoire, de la réduction du nombre de soldats et de sites et de la détérioration des équipements de l'Allemagne.

3 Alors que par le passé, il suffisait généralement que 2 partis du même camp politique forment une coalition (CDU/CSU et FDP d'une part ou SPD et Verts d'autre part) et que seule la soi-disant coalition de gauche (CDU/CSU) faisait exception. En 2021, en raison de l'entrée de l'AfD au Bundestag, il était nécessaire que trois partis (le SPD et les Verts, plutôt de gauche, d'une part, et le FDP, plutôt de droite, d'autre part) travaillent ensemble pour former une majorité ; tant que les extrémistes seront aussi forts que le prévoient les sondages (environ 20%), cela devrait arriver souvent à l'avenir.

4 Le FDP a manifestement préparé en interne depuis la fin de l'été une rupture de la coalition Ampel et a intitulé le document de planification à cet effet - en référence au mot-clé de l'armée américaine pour le débarquement de 1944 en Normandie - "D-Day-Papier" et a également utilisé des termes militaires ("bataille ouverte", etc.).) ; le président du parti affirme ne pas avoir eu connaissance de ce document, bien que son proche collaborateur, le directeur fédéral du FDP, ait rédigé le projet de texte ; plusieurs médias renommés rapportent actuellement que tout cela est peu crédible, confine à la fraude électorale et devrait conduire à la démission de M. Lindner.

5 Sur la situation actuelle de l'Allemagne de l'Est et les relations franco-allemandes, voir aussi maintenant Paul Maurice : Trente-cinq ans après la chute du mur de Berlin : à l'Est quoi de nouveau ?, à télécharger ici :
https://www.ifri.org/sites/default/files/2024-11/p._maurice_briefing_35_ans_apres_le_chute_du_mur_de_berlin_nov_2024.pdf

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Nouvelle commission : défis et enjeux pour l’UE

Au moment où la passation entre l’ancienne et la nouvelle Commission européenne est opérée, les défis et enjeux qui se présentent aux Européens sont nombreux. Se voulant concret et symbolique le premier déplacement à Kyiv du président du Conseil européen, António Costa, de la Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Kaja Kallas, et la commissaire chargée de l’élargissement, Marta Kos, est l’illustration concrète d’une situation réelle qui touche chacun des pays membres de l’UE.

C’est un signe d’autant plus prégnant que le monde connaît une période de grande instabilité politique, économique et culturelle. Les conflits sont latents. Les compétitions entre États-continents sont devenues des réalités que les institutions nationales et européennes semblent avoir du mal à saisir et les médias des difficultés à informer de manière exhaustive.
Un peu partout existe un glissement vers des droites radicales en réaction à des échecs de gouvernements sur des évolutions économiques, sociales et, il faut le dire, des changements sociétaux. Ils réagissent aussi parfois aux contre-coups aux migrations, voire et souvent à un sentiment d’insécurité.

La Chine s’impose sur les marchés qui faisaient autrefois la gloire des occidentaux et en particulier sur les secteurs automobiles, du numérique, de l’IA ou encore celui des panneaux solaires. L’Inde s’impose dans les domaines du numérique ou de l’industrie pharmaceutique. Il est vrai que depuis des décennies des délocalisations font à ces pays de somptueux cadeaux que les États et groupes industriels regrettent aujourd’hui. En réaction, le consommateur commence à regarder d’un mauvais œil un produit banal qui traverse les océans et parcourt des milliers de kilomètres maritimes ou aériens pour atterrir dans nos GMS.

Ainsi, la mise en perspective par l’UE de la zone indopacifique est un objectif prioritaire pour la Commission car la zone connaît une croissance massive tant en terme économique que de populations. En termes commerciaux et industriels, mais aussi de stabilité, le défi est majeur.

Si l’on rajoute la guerre d’invasion que mène la Russie contre l’Ukraine, la déstabilisation du Moyen Orient, l’émergence des BRICS augmentés de 20 pays, un réchauffement climatique auquel on tente de s’adapter, on voit clairement que la nouvelle Commission sous la présidence d’Ursula von der Layen va devoir agir en finesse, efficacité et rapidité. Si elle doit rechercher le consensus, cela implique que les États membres soient absolument solidaires. Le jeu personnel de certains dirigeants, comme celui auquel se livre le PM hongrois Viktor Orban est à bannir. Optimiste, j’espère que la méthode communautaire devra permettre d’arriver à des accords.

Les défis sont nombreux.

Nous le savons, les défis qui se présentent sont nombreux. Essayons d’en regarder quelques-uns. La liste n’est malheureusement pas exhaustive.

Le premier et le plus urgent est le retour à la paix sur le continent européen. C’est essentiel car c’est l’essence même, la première des motivations du projet européen. C’est sur cette base que s’est construite la communauté européenne. « Plus jamais la guerre sur le continent européen » clamait, en 1948, au congrès de La Haye le Premier ministre britannique Winston Churchill. Deux ans plus tard la déclaration de Robert Schuman concrétisait le propos. Depuis cette date, c’est vrai, il n’y a pas eu de conflit entre pays signataires. Cela dure alors depuis plus de sept décennies. Rappelons qu’une guerre éclatait auparavant entre nos pays en moyenne tous les trente ans ; il est bon de le souligner. Avec la guerre à nos frontières, il faut donner aux Ukrainiens les moyens de la paix.

Un deuxième concerne la compétitivité et le risque de décrochage économique auquel l’UE est confrontée. Mario Draghi dans son rapport remis à la présidente de la Commission propose trois orientations fondamentales pour relancer une croissance « durable » : innover et combler le retard technologique, définir un plan commun pour la décarbonation et la compétitivité, et renforcer la sécurité et réduire les dépendances.

Le troisième n’est pas si simple à mettre en œuvre. Il s’agit de la décarbonation, c’est-à-dire l’ensemble des mesures permettant au secteur industriel, à l’économie, à l’UE, aux États, entreprises et citoyens de réduire l’empreinte carbone. Il s’agit d’agir avec efficacité pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, dioxyde de carbone (CO2) et méthane (CH4) principalement, afin de limiter l’impact sur le climat.

Le quatrième défi est sans conteste celui des migrations. Le Conseil s’efforce de mettre en place une politique migratoire européenne efficace, humanitaire et sûre. Celle-ci doit tenir compte de nombreuses complexités que les dirigeants comme les citoyens doivent prendre en compte. Il concerne la démographie fortement en baisse au sein de l’UE comme la résolution des besoins actuels et futurs en matière de main d’œuvre. La démographie qui devrait faire l’objet d’une politique commune tant elle met en cause des éléments, économiques, culturels et sociaux. C’est une question majeure que l’on ne peut mettre de côté.

Un cinquième défi est celui de l’élargissement. Il est important car l’UE pour peser dans le monde tant dans les domaines de l’économie que géostratégiques a besoin d’un nombre critique de citoyens. En août 2023, le président du Conseil européen, Charles Michel, déclarait que l’Union européenne devait être prête à intégrer de nouveaux membres d’ici 2030. Mais cela ne doit se faire sans une analyse critique sérieuse afin d’en saisir le bien fondé. La question de la citoyenneté commune, du nécessaire sentiment d’appartenance sont à prendre en compte et pas uniquement les problèmes institutionnels qui, inévitablement, vont se présenter. Un nouveau traité se profile. Ce sera un travail préparatoire pour la nouvelle législature. En attendant, la porte est ouverte à près de dix pays demandeurs dont l’Ukraine et la Moldavie. Pour l’instant, cinq pays des Balkans occidentaux ont obtenu le statut de candidats : Macédoine, Monténégro, Albanie et Bosnie-Herzégovine.
Certes, ces pays devront satisfaire aux exigences des critères de Copenhague mais pas seulement. Les dimensions politiques, culturelles sont au cœur de leur acceptation.

Que doit faire l’Union européenne face à de telles situations ?

Revenir avec force dans le jeu international et conscientiser au niveau des politiques intérieures. C’est l’ambition affichée par les dirigeants européens. Pour ce faire, l’UE doit se construire un agenda géopolitique nouveau et l’expliquer. Il est important pour les citoyens de l’UE, pour les relations entre les États membres, mais il doit devenir lisible à l’extérieur de l’UE. C’est un signe fort pour les régions et États du reste du monde notamment au moment où certains accords économiques sont fortement discutés pour ne pas dire contestés.

Parlons de la défense. Si une armée européenne est une vision de l’esprit dans le contexte actuel faute d’une politique commune et diplomatie dédiée, il est important de souligner l’existence de mesures concrètes et identifiées dans le cadre de la stratégie industrielle de défense européenne (EDIP – The European Defence Industry Programme). Un objectif est d’augmenter le soutien financier. De même, il convient d’assurer la disponibilité et l’approvisionnement des produits de défense. Sur cette question, promouvoir la coopération avec l’Ukraine est essentiel.

Enfin, et c’est un enjeu central, l’UE doit réaffirmer avec force ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas. Elle n’est pas un État. Schuman avait d’ailleurs insisté sur ce fait. Mais elle est plus qu’un marché intérieur. Elle est un territoire de valeurs, d’appartenance et de citoyenneté.
Autrement dit, l’UE est une construction politique et pas seulement un ensemble économique. Pour fonctionner, elle doit obtenir l’adhésion de ses citoyens et leur appui. Ils répondent, souvent inconsciemment, à une culture commune. Ensemble, tous font civilisation.
C’est ce travail qui doit être mis en œuvre dans les mois à venir. Sans oublier que la subsidiarité réelle doit être au cœur des projets. Nous sommes attachés à nos cultures et souhaitons les préserver. C’est notre richesse et ce qui fait nos identités multiples.
L’UE n’est pas une uniformisation. Sa devise l’affirme. Les citoyens l’ont finalement exprimé lors des dernières élections.

La nouvelle direction de l’UE est en place.

La présidente Roberta Metsola (Parlement européen), la présidente Ursula von der Leyen (Commission européenne) et le président António Costa (Conseil européen) se sont retrouvés le 2 décembre, lendemain du début des nouveaux mandats de la Commission et du Conseil.

Le 1er décembre, António Costa a pris ses fonctions de président du Conseil européen. Organe principal de l’UE. En son sein les chefs d’État et de gouvernement des pays membres définissent l’orientation politique et les priorités de l’UE.

Le même jour, Ursula von der Leyen a entamé son deuxième mandat à la tête de l’institution exécutive de l’UE, après que le Parlement ait examiné et approuvé son équipe.

Le mandat de cinq ans du Parlement a commencé après les élections européennes de juin, après que les Européens aient voté au suffrage universel pour leurs représentants.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 2 commentaires

L’ère Trump, une invitation à plus d’intégration européenne !

Géopolitique et souveraineté économique : deux priorités mises en avant par la première mandature (2019−2024) de la Commission von der Leyen, aux côtés de son Pacte Vert climatique. Mais des forces centrifuges issues des États-membres (EM) sont venues contrecarrer leur mise en œuvre. Le positionnement diplomatique de l’UE face au conflit Israël-Hamas affiche par exemple « 50 nuances » entre l’attitude résolument pro-israélienne de l’Allemagne et de l’Autriche et la sensibilité affirmée à la cause palestinienne de l’Espagne et de la Belgique.
En marge de la règlementation en faveur de la souveraineté économique, élaborée par l’hyper-actif commissaire Thierry Breton, les entreprises nationales jouent leur propre carte en mettant à profit l’IRA (l’Inflation Reduction Act), mis en place par Biden, qui consacre 500 milliards de dollars aux technologies et énergies propres sur le sol fédéral. Ainsi les entreprises allemandes développent largement leur activité aux États-Unis, bénéficiant d’un cadre règlementaire favorable, des subventions de l’IRA et d’une énergie trois fois moins chère. Une bataille entre EM s’est en outre engagée pour attirer les industries d’avenir états-uniennes sur leurs territoires, les moins-disants sociaux de l’Est poussant leur avantage.

Un choc multiple est à attendre de la nouvelle ère Trump : au plan sécuritaire en ce qui concerne l’Ukraine, Israël et le chantage au retrait de l’OTAN ; au plan diplomatique, avec la remise en cause des organisations multilatérales, dans la prolongation du retrait de l’UNESCO et de l’OMS et d’une attitude pour le moins frileuse vis-à-vis de l’OMC ; au plan économique avec une série de pressions en faveur du MAGA (« Make America Great Again ») dans les secteurs des technologies propres, de l’énergie et de l’IA ; au plan commercial avec la hausse des tarifs douaniers à 10 voire 20%.

Placée au pied du mur, l’UE est appelée à une forte coordination pour répondre à ces enjeux. Elle tentera d’opposer la force de son droit et de son marché à la puissance sans foi ni loi trumpiste : voie diplomatique « soft » dans les conflits ukrainien et israélien, renforcement des capacités de défense, diversification des sources d’énergie, relance de la souveraineté économique (en prenant la place de l’IRA que Trump souhaite supprimer).
En matière commerciale, l’UE a perdu sa naïveté en rodant des instruments de rétorsion face à la Chine. La forte imbrication économique entre États reste un indubitable facteur tampon des rapports de force : ainsi, près de la moitié des importations européennes de Gaz naturel liquéfié (GNL) proviennent des États-Unis tandis que l’UE est le premier importateur du GNL nord-américain. Dans cette relation win-win, les deux partenaires se tiennent par la barbichette en pratiquant la réciprocité des augmentations de taxes, les menaces se réduisant dans les faits à des instruments de négociation. Un autre frein aux ambitions protectionnistes de Trump est que l’augmentation des taxes à l’importation favoriserait l’inflation domestique, alors même que la candidat a axé sa campagne sur sa diminution. Dans un tel contexte, nos viticulteurs et producteurs de cognac, ainsi que nos secteurs pharmaceutique et aéronautique n’ont peut-être pas tant de souci à se faire.

L’obstacle principal à la stratégie de riposte européenne réside de toute évidence dans l’amplification des forces centrifuges rappelées ci-dessus. On peut compter sur Trump pour agiter les armes sécuritaires, énergétiques et commerciales afin de diviser les EM, à l’image de Poutine exploitant la dépendance contrastée des EM à son gaz. Vis-à-vis du parapluie de l’OTAN, 50 nuances existent entre l’atlantisme de la Pologne, des pays baltes et de la Grèce et la volonté d’autonomie de la France et de l’Espagne. La conciliation sera délicate entre partisans d’une politique industrielle européenne régulée (dont la France) et adeptes de l’ouverture comme gage de compétitivité et d’innovation (Pays-Bas, Allemagne, pays scandinaves).
Au plan commercial, la France se positionne sur une certaine fermeté, au contraire de l’Allemagne et de l’Italie, dont le volume d’exportations industrielles vers les États-Unis est important. Malgré le plan REPowerEU, destiné à réduire la dépendance européenne aux énergies fossiles russes, chaque EM y va de sa stratégie : l’Allemagne a négocié des accords gaziers avec le Qatar et les Émirats arabes unis, l’Italie a procédé de même avec l’Algérie. Ce « sauve qui peut » national installe un rapport de force permanent dont il ne faudrait pas qu’il détourne l’UE de son ambition politique en réduisant son rôle à la résolution des conflits internes.
Trump devrait agiter les forces populistes et d’extrême-droite dans certains EM : Orban en Hongrie, Fico en Slovaquie, parti Fratelli en Italie, PiS polonais susceptible de revenir aux affaires en mai 2025, élection envisageable de Marine Le Pen. Son objectif étant de constituer un axe national-populiste européen, opposé au droit, aux excès de normes, à toute entrave bruxelloise à la souveraineté. Il saura également exploiter la crise de leadership qui sévit en Allemagne, en France et (au niveau régional) en Espagne. Ses appuis sont moins nettement identifiables au sein du Parlement européen où le groupe de droite radicale et les deux groupes d’extrême-droite, totalisant 187 députés (26 % du total), sont divisés en matière de politique extérieure.

La période de transition qui court aux États-Unis jusqu’au 20 janvier 2025 permet à l’U.E de forger ses armes. Irons-nous vers une salutaire cohésion ou la fragmentation l’emportera-t-elle sur le volontarisme politique des Institutions bruxelloises ? Les EM éprouvent quelques difficultés à conjuguer identité nationale et appartenance à un ensemble plus vaste, pesant dans les échanges internationaux. Comprendront-ils que leur avenir passe plus que jamais par la coopération européenne ?

À l’unité des EM et des Institutions, il faudra ajouter celle des peuples car les citoyens supporteront difficilement une impuissance européenne dans une telle situation de crise. Cette unité représente un nouveau défi pour la communication exercée dans chacun des EM : il s’agira de faire entendre largement aux citoyens que l’UE est non seulement nécessaire parce qu’elle est la bonne échelle de réponse géopolitique et géoéconomique au choc trumpiste mais également parce qu’elle est la seule voie de sécurité, de qualité de vie et de protection de leur pouvoir d’achat.

Mario Draghi a commis un rapport essentiel sur le décrochage de compétitivité de l’UE par rapport aux États-Unis. Une solution de résilience commune réside dans un soutien massif à l’innovation et aux investissements verts, ainsi, me semble-t-il, qu’aux secteurs les plus vulnérables. Cela nécessite un nouvel emprunt communautaire : le coup de fouet trumpiste décidera-t-il les « Frugaux » (Autriche, Pays-Bas, Danemark, Suède) à desserrer les cordons de la bourse ? Cela nécessite également de créer un produit d’épargne européen, capable de drainer les 35.000 Milliards d’euros d’épargne privée européenne (dont une partie part précisément aux États-Unis) au profit de l’industrie et des technologies vertes européennes.

À moyen terme, il sera difficile d’échapper à une adaptation de la gouvernance européenne aux enjeux ci-dessus. Il est plus que jamais nécessaire de libérer la prise de décision commune du carcan du vote à l’unanimité et de passer à la majorité qualifiée sur les questions financières, fiscales et de politique étrangère. Et de réfléchir sérieusement aux coopérations dites « renforcées » par lesquelles un noyau dur d’EM pourrait mettre en œuvre de grands projets stratégiques, rejoint progressivement par d’autres pays, au gré de la prise de conscience de leur intérêt.

Il faut voir la nouvelle ère Trump comme une invitation à un sursaut vers plus d’intégration européenne !

Publié par Patrick Salez dans CECI dit, Les contributeurs, Patrick Salez, 0 commentaire

Immigration : les 27 à la recherche d’une voie, d’une voix commune

Réunis en Conseil européen, les vingt-sept chefs d’État et de Gouvernement cherchent une voie, d’une voix commune sur la question migratoire. Ils réclament, en urgence, une nouvelle loi (Les Échos 18/10/24). Encore faut-il savoir de quelle immigration il s’agit. Celles des Africains ou des Syriens par exemple, ou ciblent-ils aussi celle des Britanniques ou des Européens ? Cela va loin car même le droit de libre circulation des citoyens de l’UE, par le contrôle aux frontières, pourrait être remis en question.
Sur le sujet de l’immigration, entendons l’immigration clandestine, on constate un durcissement des positions, parfois diverses, parfois divergentes, des représentants des États membres. Outre des réalités dénoncées par les habitants souvent des zones fortement urbanisées, c’est le résultat des élections européennes qui est le point de départ d’une forme de radicalisation des choix des dirigeants européens. Cela s’est traduit par la montée des partis des extrêmes droites. On a assisté également à l’installation au Parlement européen du parti des « patriotes européens » mené par Viktor Orban, Premier ministre de Hongrie. La présidence du groupe est revenue à celui qui un temps a espéré devenir Premier ministre de la France, Jordan Bardella.
Les Européens ne répugnent plus à poser la question migratoire. Il semble même que ce soit devenu une priorité. Lors du dernier Conseil européen elle est même passée devant l’urgence du dossier de la compétitivité (Toute l’Europe, 2024). Ce devait être le thème principal du sommet. On reportera donc à plus tard les décisions concernant, par exemple car ce n’est pas le seul sujet, les importations de voitures électriques chinoises.

Une baisse significative de l’immigration

L’immigration devient une priorité car pour les Européens elle est trop importante. Pourtant la baisse est significative avec 42% sur les 9 premiers mois de 2024.
Il est vrai que sous la pression des partis d’extrême droite en Hongrie, en France ou encore en Allemagne, les dirigeants de l’UE veulent apporter une réponse rapide et stopper la progression de ces partis antidémocratiques. Même l’ancien président du Conseil européen, Donald Tusk, aujourd’hui Premier ministre de Pologne souhaite suspendre temporairement le droit d’asile européen. Mais, précision, lui s’oppose à la décision du Premier ministre Hongrois d’ouvrir les frontières de son pays aux ressortissants russes et biélorusses. Preuve, s’il en est, que l’on mélange toutes les formes d’immigration.
Que les illégaux soient ramenés dans leur pays d’origine est une chose, mais nous devons être lucides sur la question globale. Premièrement tous les pays n’auront pas l’opportunité des Italiens avec l’Albanie, et en second lieu, sans immigration nos économies risquent d’en payer le prix, notamment parce que la démographie est en berne dans les pays européens. Nous n’avons pas fait assez d’enfants pour assurer, dans le futur, un bon continuum économique. Les autres régions du monde sont à l’affût. Nous n’avons pas non plus mis en place de politique familiale. Mais une question est à considérer : une immigration qui coûte et ne rapporte pas est-elle acceptable pour nos pays et populations ? Une autre est : la doxa est-elle une limite acceptable ?
Autrement dit, nous avons besoin d’une immigration. Encore faut-il l’expliquer en prenant en compte tous les éléments des complexités de notre temps. La connaissance est ici d’une urgente nécessité. Un choix devrait-il, comme certaines voix le proposent, se porter sur une immigration choisie ? Le décideur politique devra alors établir une sélection entre le bon et le mauvais migrant.

La solution albanaise

Pas facile de traiter cette question tant le sujet est sensible et fait peur. Le risque d’être critiqué dans un sens ou dans l’autre est aussi réel. Pourtant il me semble important d’aborder le sujet en essayant d’être le plus méthodique possible. C’est le rôle que doivent se donner les dirigeants politiques avec l’aide de toutes les compétences et disciplines : philosophes, sociologues, anthropologues, économistes, théologiens, historiens, géographes, médecins, etc., en mettant de côté les idéologies comme seul moyen de prise de décision.
En France le ministre de l’intérieur regarde avec intérêt la position italienne de Giorgia Méloni d’un transfert de migrants secourus en Méditerranée vers l’Albanie en attendant une décision ou non d’accueil. On peut penser que ce pays dont la candidature d’adhésion à l’UE a été récemment acceptée cherche à obtenir un appui dans sa procédure d’accession à l’Union européenne. Ce pays développe une dimension politique et diplomatique. C’est en tous cas le point de vue de nombreux analystes. C’est aussi un pays qui laisse migrer nombre de ses citoyens vers l’UE. On pourrait se rassurer en se disant que les premiers à inaugurer le dispositif ont au moins la vie sauve. C’est important car au moment où j’écris ces lignes un nourrisson vient de trouver la mort dans les eaux de la Manche. L’émotion est forte bien sûr en de telles circonstances. Qu’en est-il de la valeur première du projet européen ? De celle de la dignité de la personne humaine ?
Mais pourquoi remettre la question sur le métier ? Sous la pression de monsieur Orban qui a menacé de lancer ses cars pleins de migrants vers Bruxelles ? Parce que les Français ont voté largement pour le Rassemblement national, parce que les Allemands portent les candidats de l’ALD ? Parce que dans plusieurs pays de l’UE des choix politiques sont similaires ? Ou parce que le Pacte européen sur la migration et l’asile adopté en mai dernier après trois ans et demi de négociations n’a pas encore porté ses fruits ? Il est vrai qu’il ne devrait être efficient qu’en 2026. Ce qui est certain c’est que les Européens sont terriblement divisés sur cette question. Certains pays souhaitent reposer les lois sur l’immigration. L’idée serait de traiter avec des pays tiers. Encore faut-il en trouver.

La peur de l’étranger

Avons-nous peur de l’étranger ? Si nos concitoyens européens ont un comportement exacerbé c’est surtout en raison d’un nombre de délits et crimes attribués à des migrants. On ne peut le nier, ces faits existent mais ne sont pas le fait d’une majorité de ces personnes à la recherche d’un mieux-être, d’une vie meilleure sous d’autres latitudes que celles de leur pays de naissance ou d’origine. Ces derniers ne sont-ils pas ceux qui cultivent en intensif les produits agricoles espagnols qui alimentent nos tables et marchés ? Ne sont-ils pas ceux qui bâtissent nos immeubles ?

Nous devons être vigilants. La peur de l’étranger peut se transformer en « haine de l’autre » surtout lorsque des actes graves sont commis et relayés en continu par des médias. De même, la menace d’un « grand remplacement » est présenté dans les esprits de ceux qui ne vivent plus les éléments de notre propre culture judéo-chrétienne. Tout simplement la prise de conscience de notre inhospitalité (Rogozinski, 2024) gênante devant le spectacle d’hommes, de femmes et d’enfants dans la rue, sans toit, sans chaleur, sans nourriture nous amène à durcir le ton.
Mais nous ne pouvons faire l’impasse d’un questionnement déjà abordé en son temps par saint Thomas d’Aquin : Une société peut-elle absorber plus que sa culture ne peut supporter ? Sans doute pas, répondait le théologien. C’est donc bien en amont et il y a bien longtemps que nous aurions dû, nous Européens, agir pour éviter ces situations de départ en masse qui perdurent et dureront encore longtemps.
En guise de conclusion provisoire (car le débat va durer), regardons les chiffres en face : le nombre de migrants s’élève actuellement à 3% de la population mondiale et la plupart émigre vers d’autres pays du sud. Le nombre de ceux qui viennent vers l’Europe s’élève à 0,4% de la population européenne.

Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, Les contributeurs, 3 commentaires

Élections européennes : trompe-l’œil ou tromperie ?

« Non, ce sont des élections européennes et en aucun cas un scrutin national. » Nous avons tous entendu pendant la campagne ces propos justes et justifiés, prononcés par l’exécutif pour contrer les tentatives de désinformation de certains candidats cherchant un marche-pied électoral pour accéder au pouvoir, prêts à tout et ne reculant devant rien quitte à galvauder la réalité et les enjeux du scrutin européen et faire fi de toute éthique : par nature, les élections européennes sont déconnectées d’une quelconque incidence parlementaire nationale, et protègent le scrutin de manœuvres électoralistes nationales.

En écho, nous sommes nombreux à avoir relayé et étayé cette évidente affirmation par une détermination à refuser la moindre instrumentalisation des élections européennes. La solennité du rendez-vous démocratique européen imposait au minimum de respecter la nature et l’objet de ces élections et ne souffrir d’aucun détournement populiste.

Et… patatras ! L’annonce du Président de la République est venue balayer d’un revers de parole cette garantie institutionnelle, allant même jusqu’à inverser les enjeux et démentir les propres propos tenus. Comprenne qui pourra.

Record battu

En ce 9 juin, en France la soirée électorale européenne aura duré moins d’une heure. En effet dès 21 h, il ne fut plus question des résultats à l’échelle du vieux continent, mais de la perspective programmée d’un scrutin législatif chevauchant allègrement l’échelle européenne pour se replier sur un périmètre national : stratégies et spéculations n’ont pas tardé à alimenter commentaires et débats qui auraient pu s’apparenter à une mauvaise blague si la situation n’avait pas été aussi dramatique.
Sincèrement, l’Europe méritait mieux.

Depuis, près de quatre mois se sont écoulés. Après la dissolution de l’Assemblée nationale, la saison estivale a vu se succéder à un rythme très aléatoire élections législatives, démission du gouvernement devenu astreint à gérer les affaires courantes, nomination d’un nouveau Premier ministre, et enfin constitution d’un nouveau gouvernement.

Et l’Europe dans tout ça ?

Dans cette perspective, les pronostics sont allés bon train pour spéculer sur les nominations aux différents ministères, cristallisant sur ceux de la Place Beauvau et de Bercy les paris les plus nombreux. Sans minimiser les enjeux en matière de sécurité, voir le Ministère en question susciter autant de convoitises en dit long sur le regard « intérieur » que portent les politiques. Gageons que ce ne soit pas le reflet d’un repli sur soi ni d’une vision rétrécie. Sans aucun doute, le portefeuille du Quai d’Orsay attribué depuis le 21 septembre au discret Jean-Noël Barrot, à en juger par ses sept mois passés – dans le contexte des élections européennes, rappelons-le – à sa mission en charge de l’Europe, a fait couler moins d’encre. Gageons alors que la formulation « Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères » hiérarchisant les termes soit évocatrice de sens et porteuse d’ambition européenne à hauteur des enjeux.
Malgré les conséquences nationales que nous traversons actuellement sur le plan des institutions, notre quotidien ne s’arrête pas à la porte de nos frontières avec nos voisins. Le monde a continué d’exister à défaut de tourner rond depuis le 9 juin, même si nous nous en sommes détournés par un regard franco-français subi ou assumé : le dictateur russe est toujours aussi redoutable, le terrorisme au Proche-Orient toujours aussi présent, les élections américaines n’ont jamais été aussi proches.
Et puis, ne l’oublions pas, l’Union européenne a procédé elle aussi à l’installation de ses nouveaux députés avec les nominations qui ont suivi. La reconduction d’Ursula von der Leyen ne doit pas occulter le rendez-vous démocratique européen qui s’est joué lors de ces élections avec tous nos voisins.

Maintenant ou jamais

Dans ce contexte, l’Europe est bien présente par la nomination du nouveau Premier ministre : par sa fonction renouvelée de Commissaire européen et son rôle de négociateur en chef pour l’UE dans le cadre du Brexit, Michel Barnier, à la fois connu et reconnu à l’échelle européenne, devrait jouer à domicile dans l’espace européen.

Les conditions ne sont-elles pas réunies pour plus d’Europe ?
Même si son exercice s’annonce périlleux sur bien des plans, l’audace et le courage doivent être au rendez-vous pour réparer la confiance en nos gouvernants et représentants. Parmi tous les enjeux rivalisant d’importance, celui de reconnecter les citoyens avec les institutions est sans doute essentiel tant pour un avenir proche que pour l’exemple et le modèle qui s’inscriront dans la mémoire collective ; il y va de l’exercice de notre citoyenneté.

Alors pour s’éloigner de ce qui a pu être ressenti comme une tromperie le 9 juin en y associant l’Europe de manière maladroite pour ne pas dire malsaine, et surtout parce que la réparation ne doit pas se confondre en un trompe-l’œil ce qui rendrait le remède pire que le mal, l’heure est venue de transcender les sempiternels fonctionnements systémiques sclérosants : osons nous décentrer de nos habitudes, osons nous détacher sans pour autant les renier de nos particularités, osons voir grand. Jean Monnet le prédisait : « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises. »
Soyons au rendez-vous.

Publié par Marie-Laure Croguennec dans CECI dit, Les contributeurs, Marie-Laure Croguennec, 0 commentaire

Bruxelles : quand les portes claquent…

Aussi inhabituelle que brutale, la réaction épidermique autant que promptement annoncée, de Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur, a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Elle a été encore plus spectaculaire car le membre français du collège bruxellois l’a voulue à effet immédiat, quittant ses fonctions et la capitale belge le jour même, et sans finir son mandat, qui ne s’achève formellement qu’à la prestation de serment des nouveaux Commissaires devant la Cour de Justice, à Luxembourg, une fois acquis l’adoubement par le Parlement européen, juge en dernier ressort, ainsi qu’il l’a prouvé lors des renouvellements précédents.

Cette démission a frappé car elle fait suite à un vote sans précédent du collège bruxellois contre le partant, sur initiative disciplinaire de Mme von der Leyen. Elle est encore plus retentissante car M. Breton venait d’être reconduit par le Président de la République, sans aucune objection, dans un contexte politique pourtant très agité.
Aux observateurs de la vie communautaire, elle confirme les dissensions internes au collège bruxellois, composé, rappelons-le de personnalités qui, dans leur mandat, agissent en toute indépendance, mais pas en toute irresponsabilité. Leur neutralité apparente n‘est pas pour autant une stérilisation des engagements personnels de chacun. Et les coups d’éclat, s’ils ne filtrent pas à l’extérieur, ne sont pas rares au Berlaymont, le soussigné en a vécu quelques mémorables, notamment à l‘époque de Ray Macsharry, père de la première réforme de la Politique Agricole Commune.

Il faut aussi préciser que les membres du collège bruxellois ne sont pas tous et toutes des politiciens professionnels, ce qui ne les prive pas d’une certaine sensibilité.
Pour certains, l’adoubement à la Commission est un bâton de maréchal couronnant une carrière de haut niveau, économique politique, associatif, syndical, universitaire même. Tel fut le cas de Raymond Barre !
Pour d’autres c’est un moyen de les exfiltrer de la politique nationale, et les exemples ne manquent pas. Il est du reste fréquent qu’au terme de leur mandat les Commissaires soient recrutés comme conseillers spéciaux ou administrateurs de grandes entreprises internationales, sous réserve qu’ils n’aient pas eu des relations suivies avec celles-ci dans leur mandat.
Mais la règle n’est pas totalement hermétique, et à cet égard, le cas de Martin Bangemann parti couler des jours idylliques qu’il espérait heureux mais en tout cas dorés, chez Telefonica a en son temps fait couler beaucoup d’encre et de salive.

Reste que pendant leur mandat, et passé la redoutable épreuve de l’audition et du vote d’intronisation par la commission compétente du Parlement européen, les heureux investis peuvent souffler un temps, avant de connaître d’autres pressions, en particulier de par l’avalanche des sollicitations.
Quant au reste, si les décisions sont collégiales, chaque Commissaire n’est pas pour autant livré à lui-même : il doit régulièrement rendre compte, informer, solliciter l’avis de ses collègues, le principe de collégialité voulant qu’on fasse le maximum pour arriver à un consensus, mais le vote à la majorité permettant le cas échéant de trancher. Quitte à ce que certains membres fassent connaitre leur désapprobation, après avoir proposé sans succès des amendements ou des variations, parfois inspirés par les intérêts de leur pays d’origine, mais non moins souvent, et plus heureusement, par l’intérêt du secteur ou de la politique dont ils ont la charge. Ainsi les frictions entre agriculture et environnement, ou industrie et commerce extérieur sont-elles célèbres, fréquentes et riches en… décibels !

Le mandat de commissaire semble un long fleuve tranquille ; au fil du temps toutefois, l’autorité accrue du Parlement européen rend la position plus délicate face au remous des questions et des critiques. De même les exigences de la lutte anti-fraude ont rendu le suivi des agissements plus pesant et parfois très périlleux. Les habitués des coulisses bruxelloises se souviennent ainsi d’un Commissaire maltais contraint à la démission dans la nuit pour des soupçons de corruption jamais totalement élucidés, la Cour de Justice ayant évoqué un doute plus diplomatique que pragmatique.
Enfin les sautes d’humeur répétées, le dialogue au vitriol entre Commissaires, ou entre l’un d’eux et le Président peuvent aussi conduire à des éclats comparables à ceux des gouvernements nationaux, notamment lorsqu’il s’agit de coalitions parfois difficilement constituées. Ainsi Édith Cresson s’est-elle attiré les foudres de ses collègues, du Parlement et des organes de contrôle pour ses agissements et pour le recrutement de son dentiste à son cabinet, sans compétence au regard des dossiers à traiter, d’où des invectives et allusions, auxquelles, fidèle à son image, elle répondit vertement. Devant la menace d’une censure du collège, le Président, Jacques Santer, lui-même fortement attaqué pour son laxisme, présenta la démission du collège entier, créant ainsi une précédent spectaculaire, avec en particulier la nomination de nouveaux Commissaires, ou leur reconduction, pour la durée restante du mandat, sans assurance d’être reconduits l’année suivante pour un mandat plein.

Que dire de ces aléas et de ces soubresauts ? Les incompatibilités d’humeur entre membres du collège ne sont pas nouvelles, et sont aléatoires Seul leur contexte est à relever, et il est souvent lié à l’excès de zèle ou de patience face aux grandes politiques, en particulier la concurrence et le bras-de-fer toujours latent avec Chine, Japon, USA, Mercosul.
Mais ce coup de projecteur ne restera pas sans lendemain : l’arrivée de Commissaires d’extrême-droite et même le portefeuille de vice-président promis à l’un d’entre eux risquent de déclencher des avis de tempête dans les couloirs bruxellois. Du moins ne pourra-t-on plus accuser les pilotes de la machine européenne d’être coupés du monde du fait même qu’ils sont coupés entre eux !

Publié par Philippe Tabary dans CECI dit, Les contributeurs, Philippe Tabary, 0 commentaire