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Vous avez quatre heures. Ce ne sera peut-être pas trop pour chercher, organiser et articuler paramètres historiques, culturels et économiques sur fond de stratégies sociologiques et géo-politiques, et répondre ainsi à l’analyse demandée. Le défi est à la hauteur de la pensée dont l’auteur n’a à ce stade pas été divulgué. Peu importe, les éléments ne manquent pas pour se lancer et construire un raisonnement profond et argumenté.
On imagine alors, à quelques semaines d’une fin d’année de travail scolaire ou universitaire, lycéens impliqués ou étudiants documentés s’atteler à fournir un résultat qui ne manquera ni de corps ni d’esprit tant le propos initial se montre à la fois simple et ambitieux. Ce ne sont pourtant pas toujours les tâches les plus faciles à réaliser.
L’Europe nous mérite-t-elle ?
Guidés par des valeurs portées par des initiateurs audacieux, les citoyens que nous sommes ont su montrer le meilleur d’eux-mêmes et ainsi, ensemble, démontrer que nous étions capables de grandes choses qui se traduisent dans le quotidien, des coopérations industrielles ou spatiales aux protections numériques, des parcours d’études corrélés à Erasmus aux couvertures médicales lors d’un séjour dans un pays voisin pour ne citer que ces exemples.
Certes, aujourd’hui ces avancées nous semblent définitivement évidentes comme si elles avaient toujours existé et d’ailleurs, cela tombe sous le sens, comment pourrait-on faire autrement ?
Faciliter le quotidien par une circulation et des déplacements que l’on n’imaginerait plus contraints par une nécessaire anticipation administrative, ou encore par des échanges commerciaux sur fond de monnaie unique, nous rend proches les uns des autres au point que les compagnies aériennes ont compris leur intérêt à mettre en place des liaisons entre pays voisins bien plus séduisantes que d’inciter à rester dans le périmètre national. Il est souvent devenu plus simple, et moins onéreux, pour un Auvergnat ou un Breton de taquiner les frontières intérieures européennes le temps d’un espace de vacances plutôt que d’envisager un accès ferroviaire pour quelques jours de vie parisienne.
Garantir la paix entre pays autrefois belligérants nous protège des fléaux guerriers et dévastateurs dignes d’une période où l’on ne savait parler qu’avec les armes. Notre réconciliation durable comme l’a voulue Robert Schuman nous met à l’abri de tensions guerrières entre nous, ce qui n’est pas rien. Certes, pour nous citoyens européens qui pour la plupart n’avons connu la guerre qu’au travers des récits transmis par nos aînés, cela nous paraît d’une évidence assumée. Pourtant, les peurs ressenties et partagées dues aux agressions cruelles et dévastratrices menées en Ukraine, pays frontalier de l’Union européenne, par le dictateur russe nous font craindre une escalade dans laquelle nous pourrions être entraînés. Cette perspective se trouve activée en cela par les turbulences inopinées du chef d’État américain à l’allure d’électron libre, loin des valeurs de paix et de l’esprit défenseur de ses courageux aînés qui n’ont galvaudé ni leur engagement ni leur sens des responsabilités.
Nous vivons un temps de désordre et de déstabilisation forte au point que l’on rendrait coupable notre Union de ne pas disposer de moyens de défense que nos propres gouvernements n’ont pas voulu lui donner. Un peu de cohérence, s’il vous plaît.
Cela dit, nous pouvons être fiers des étapes déjà franchies même si le chemin est loin d’être accompli. Nous avons prouvé être capables du meilleur quand nous savions nous mobiliser. Jean Monnet ne disait pas autre chose quand il pressentait que « l’Europe se ferait dans les crises, et qu’elle serait la somme des solutions qu’on apporterait à ces crises. » C’est pourquoi, même si un « peut mieux faire » ou encore « peut faire plus et mieux » serait une observation plus pertinente, nous pouvons être fiers du travail déjà réalisé et en cela l’Europe nous mérite par la confiance que nous avons su lui porter.
Des points partagés aux points reliés
Le projet européen repose avant tout sur la prise de conscience d’un rapprochement nécessaire entre nous, voisins du Vieux Continent. S’il est opéré dans maints domaines, il n’est pas toujours conscientisé ou même compris. Et pourtant, qui sommes-nous d’autres aujourd’hui que des membres d’une même et nombreuse famille ?
À l’instar de nombre d’Alsaciens, Italiens ou Suisses qui ont répondu à l’appel du roi espagnol Charles III à venir s’installer dans les terres andalouses à la fin du XVIIIe siècle, nous nous sommes rassemblés, retrouvés, unis dans une destinée souvent de survie ou de quête d’une vie meilleure. En quittant ainsi à quelques années de ce qui allait devenir la Révolution française leurs plaines, collines ou montagnes pour changer d’environnement et venir braver les chaleurs sèches de la pointe ibérique en y développant de multiples cultures dans les champs qui n’attendaient qu’à produire, ces migrants d’un autre temps ont non seulement répondu aux besoins d’un territoire qui cherchait bras et courage pour nourrir ses sujets, mais créé une communauté qui aujourd’hui et depuis bien longtemps fait socle. Deux siècles et demi plus tard, les hommes et les femmes qui y vivent, s’ils sont bien entendu Espagnols, ne renient pas leurs origines, bien au contraire. Fiers de cette histoire, ils ont gardé d’elles des consonnances ancrées jusque dans leurs noms de famille, mais aussi des signes génétiques faisant parfois côtoyer dans une même fratrie le bleu clair et le marron foncé des regards.
Tels des points d’une œuvre artistique collective ou encore des entrelacs composant des motifs d’un travail couturier, à l’image des lieux et endroits d’une carte européenne qui ne saurait mentir en révélant les maintes voies construites ne menant pas seulement à Rome, ces points ancrés dans les paysages variés de notre espace partagé permettant de nous relier les uns aux autres sont aussi les valeurs que nous défendons et portons haut et fort : ils forment nos points communs, autant de convergences et de signes d’appartenance à ce destin lui aussi commun.
Encore une fois, la partition écrite par Jean Monnet révélait une limpide clairvoyance quand il déclarait « Nous ne coalisons pas des États, nous unissons des hommes. »
Autant de territoires connectés, autant de femmes et d’hommes reliés, partageant une histoire commune pour un temps, celui d’une période ou d’une vie, voire même d’une descendance.
Quel sens alors donner aux velléités de renforcement ici ou là de nationalismes exacerbés, si ce n’est la traduction d’un triste repli sur soi, à l’allure d’enfermement dans un passé réinventé ou dans la réécriture d’une Histoire qui n’a d’écho que dans un mythe ? Si l’uniformité a du sens, c’est dans les valeurs défendues et portées aux quatre coins de l’UE, et certainement pas dans la narration d’un prétendu passé uniforme entre nous ni d’un présent dépourvu de particularités. Bien au contraire, notre Histoire s’est construite par tissages et articulations entre « des » Histoires locales, régionales et nationales nourries de diversités qui font traces, et que l’on retrouve aujourd’hui partout, des paysages aux modes de vie, des rivages aux monuments des villes, des langues aux traditions culinaires.
Plus souvent suscités que volontaires, les mouvements de population au cours des siècles ont, sur fond de nécessité et souvent de survie, de fait provoqué des rencontres et par là-même fait se téléscoper traditions et coutumes, faisant naître de nouvelles identités inopinées sur des territoires dédiés : la diversité de nos identités et de nos citoyennetés y trouve source.Nous nous sommes construits en famille, en peuple européen, comme en témoignent la couleur de nos cheveux et de nos yeux, nos prédécesseurs s’installant plus ici et d’autres plus là.
Alors oui, les points nous unissent : nos points communs comme autant de valeurs convergentes, nos résultats et nos scores de réussite dès lors que nous faisons corps, nos particularités revendiquées et reliées par ces réseaux de toutes natures.
Gabin l’Européen
La devise de l’UE est le pur reflet de cette réalité qui n’oppose en rien les identités mais au contraire les fait vivre telle une famille accueillante et célébrant les siens.
« Unie dans la diversité », l’Europe sait ce qu’elle vaut et ce qu’elle veut. À quelques jours du 9 mai, jour anniversaire de la Déclaration de Robert Schuman il y a 75 ans, la devise résonne plus que jamais pour traduire le sens du projet européen.
75 bougies pour célébrer l’audacieuse volonté d’une réconciliation durable s’il en est, à la hauteur des enjeux.
La construction européenne se poursuit et c’est l’affaire de tous, là aussi regroupés dans nos diversités, quelles que soient nos histoires, nos modes de vie, nos âges, etc.
S’il n’est jamais trop tard pour faire l’Europe, il n’est jamais trop tôt non plus.
L’heure est venue de divulguer l’auteur de cette réflexion initiale « L’Europe nous mérite car les points nous unissent » : nous la devons à un jeune de 10 ans, élève de CM2.
Bravo Gabin !
Je ne comprenais pas trop le titre de cet article et même je le trouvais un peu prétentieux, mais la conclusion m’a bien éclairée et m’a fait sourire !
La réflexion de Gabin me semble liée au drapeau européen réalisé au tricot par les élèves de Marie-Laure afin de remercier le parlement européen d’un prix que la classe a gagné à un concours lié à l’Europe. Initiés au tricot les vendredis après-midi avec l’aide de quelques grands-mères (pour muscler leurs mains qui se fatiguent vite à tenir un crayon !), les enfants ont réalisé des carrés de laine bleue, assemblés par une grand-mère, puis ils ont dessiné des étoiles de feutrine jaune, collées sur le drapeau. J’y vois un écho avec la réflexion de Gabin : « Les points nous unissent « .
Pour ma part, étant enfant, j’habitais Roubaix, au Nord de la France, tout près de la Belgique. La première fois que mes parents nous emmenèrent en voiture en Belgique (j’avais 6 ans), dès la frontière passée, je regardais attentivement par la fenêtre de la 2CV pour voir comment étaient les Belges. Quelle déception j’ai eue de voir qu’ils étaient comme nous, de la même couleur de peau ! Je les imaginais différents et m’attendais à une surprise !
Merci Marie-Laure pour insister sur le fait que la construction de l’Europe se fait dans la durée. Plusieurs avancées (la monnaie unique, l’absence de contrôle aux frontières internes, …) semblent irréversibles tant elles facilitent la vie.