Joe Biden : un nouveau départ pour l'Europe ?

Patrick Martin-Genier
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Si l’on en croit les développements des derniers séjours, le président élu des États-Unis promet de changer les relations extrêmement dégradées de la première puissance mondiale avec l’Europe.

Joe Biden a en effet déclaré que les États-Unis étaient « de retour dans le jeu » et qu’il ne s’agirait pas d’une « Amérique seule » mais d’un nouveau dialogue fructueux avec l’Union européenne.

Oublier le cauchemar Trump

De fait, pendant quatre années, l’Europe n’a eu droit qu’à des reproches et rodomontades de la part de Donald Trump. On savait depuis le début de son mandat que le 45e président des États-Unis n’avait pas la dimension d’un homme d’État, qu’il se comporterait tel un homme d’affaires uniquement préoccupé par la volonté de faire fructifier son propre business décliné sous l’expression « America first », de la même façon qu’il gérait ses affaires de la Trump Organization.
Donald Trump avait en outre une grave faiblesse en faveur des régimes durs, voire des dictateurs, tels que Kim Jong-un et Vladimir Poutine avec qui il aura eu des séances diplomatiques d’autant plus risquées qu’elles ont mis en cause la sécurité même des États-Unis d’Amérique et du monde occidental.

Les premiers jours prometteurs de Joe Biden

L’administration Biden va donc renouer avec l’Europe et c’est heureux. D’ailleurs, les premiers entretiens avec les chefs d’État et de gouvernement suite à son élection ont été encourageants.
Le président élu, après avoir appelé le Premier ministre canadien Justin Trudeau - ce qui est logique s’agissant du premier pays voisin d’Amérique du Nord - a, en premier lieu, appelé le Premier ministre irlandais, Micheal Martin.
Cet entretien est symbolique : d’une part, Joe Biden rappelle ainsi ses origines irlandaises, d’autre part, il envoie un signe très clair à Boris Johnson en ce sens qu’il ne laissera pas sacrifier la paix en Irlande du Nord, notamment l’accord du Vendredi saint partir en fumée lors de la fin de la période transitoire liée au brexit le 1er
janvier 2021.
La rumeur selon laquelle Joe Biden nommerait l’ancien président Barack Obama comme ambassadeur à Londres sonne comme une sorte d’avertissement au Premier ministre britannique. Barack Obama, président des États-Unis, s’était en effet prononcé contre le brexit lors de sa visite à Londres au mois d’avril 2016, quelques semaines avant le vote fatidique.

Les nombreux sujets de friction

Les sujets de friction avec l’Europe ne manquent pas : sur l’environnement, la politique agricole commune et commerciale, la contribution des différents États membres de l’OTAN à leur propre défense, l’accord sur le nucléaire iranien pour lequel la Chancelière allemande Angela Merkel avait joué un rôle essentiel.

Sur le premier point, alors qu’à la fin de la campagne Donald Trump avait prononcé le retrait effectif des accords de Paris sur le climat, Joe Biden a annoncé qu’il les réintégrerait immédiatement après sa prise de fonction le 20 janvier 2020. Il s’agit d’un geste fort qui permettra aux États-Unis de remplir les objectifs fixés de réduction des gaz à effet de serre.

Sur le reste, le dialogue sera somme toute fructueux et cordial. Toutefois, il faudra juger l’administration Biden sur pièces. S’agissant de l’accord nucléaire, l’administration Trump a encore deux mois pour durcir les sanctions contre ce pays comme il en a l’intention. Il sera difficile de revenir en quelques jours ou semaines sur ces sanctions, même si Joe Biden a décidé de revoir les décisions prises par Trump à ce sujet.

À tout le moins, les entreprises européennes espèrent qu’il sera mis un terme aux sanctions financières imposées aux entreprises qui font du commerce avec l’Iran. Toutefois, la nouvelle administration devra peser le pour et le contre, notamment afin de préserver ses relations avec Israël qui s’estime plus que jamais menacé par l’Iran, pays qui avec la Syrie veut étendre son influence sur la région. Les États-Unis pourraient aussi contrarier la France sur la formation d’un nouveau gouvernement au Liban qui a jusqu’à présent échoué par rapport aux intentions initiales de la France. Il n’y a aucune raison que la nouvelle administration change d’avis sur son refus de voir le Hezbollah, même sous sa branche politique, jouer un rôle essentiel dans la poursuite du processus politique au Liban.

L’enjeu du protectionnisme et du libre-échange

En ce qui concerne la politique commerciale, les enjeux sont là aussi importants. N’oublions pas que Joe Biden a dit qu’il gouvernerait pour tous les Américains et donc pour les électeurs (72 millions) qui ont voté pour Donald Trump. Or les États-Unis, notamment les agriculteurs, n’ont eu de cesse au cours des dernières années, de condamner le protectionnisme européen, notamment à travers sa politique agricole commune. Là aussi, la pression va continuer à s’exercer sur l’Europe.

S’agissant des taxes, objet d’un contentieux fourni avec les États-Unis, la France et l’Europe vont persister dans leur volonté de taxer les grands groupes du numérique (les GAFA). Toutefois, les États-Unis seront inflexibles sur ce point. N’oublions pas que la nouvelle vice-présidente élue, Kamala Harris, est issue de Californie où elle fut sénatrice. Dans cette région sont situés les plus grands groupes concernés et il ne saurait être question qu’elle avalise encore plus des taxes sur les groupes qui sont le symbole de la Silicon Valley.
La nouvelle administration pourrait ainsi menacer de taxer les grands groupes français prestigieux, notamment dans le secteur de la mode, qui sont exportateurs aux États-Unis, mais aussi dans les secteurs des parfums et du vin. Rappelons la phrase de Joe Biden :
« La politique étrangère commence à la maison ».

La politique stratégique et la sécurité

S’agissant de l’OTAN, il est évident que l’Europe n’aura pas d’autre choix que de continuer à œuvrer en faveur d’une stratégie renforcée d’autonomie sur le plan de sa défense militaire. L’objectif d’un niveau de 2% de PNB consacré à la défense nationale devra être poursuivi.

Enfin, n’oublions pas que l’Europe n’est devenue qu’un pôle parmi d’autres de la politique étrangère américaine. Barack Obama l’avait ainsi réorientée vers l’Asie où se déplacent les rapports stratégiques de plus en plus importants.
Pour cette raison, le président turc Erdogan ne devrait pas avoir trop de souci avec Joe Biden dès lors que ce pays membre de l’OTAN reste un élément-clé dans la stratégie de la sécurité européenne mais aussi américaine face à une Russie de plus en plus influente sous l’égide de Vladimir Poutine.

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Publié par Patrick Martin-Genier

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