Olivier Védrine : appel depuis Kiev

Olivier Védrine
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En dépit des menaces, l’appel de Kiev est lancé.

Alors que l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie n’est plus une hypothèse, les journalistes et les diplomates sont, pour l’essentiel, concentrés sur la question de la sécurité de la Russie et sur celle de la sécurité des pays membres de l’OTAN et de l’Union européenne, ainsi que, pour ces derniers, sur celle de la défense de principes qu’ils considèrent comme constitutifs de l’ordre international : le respect de l’intégrité territoriale et du libre choix des alliances internationales.

À Kiev, alors que les canons de la Russie sont dirigés contre nous, l’Europe a rendez-vous avec l’histoire. En Biélorussie comme en Russie, des régimes autocratiques briment leurs peuples mais nous, nous nous adressons aux peuples, pas aux gouvernants ! Leurs peuples, aussi européens que nous, souffrent aussi de la politique de leurs chefs dictateurs. Nous nous devons d’appeler les citoyens de tout le continent européen à revendiquer leurs racines héritées d’Athènes, de Rome, de la chrétienté et du siècle des Lumières !

Depuis Kiev, héritière à la fois de l’Empire d’Occident et de l’Empire d’Orient, de Rome comme de Byzance, nous demandons à l’Union européenne de se montrer digne des pères fondateurs, des Monnet, Schuman, de Gasperi et Adenauer, et de faire ce qu’ils firent en moins d’un an, la Communauté européenne du charbon et de l’acier, la CECA, entre des pays qui étaient cinq ans auparavant plongés dans la guerre la plus féroce que l’humanité ait jamais connue, la Seconde Guerre mondiale !

Nous devons appeler l’Union européenne à engager sans délais le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne afin de montrer aux Ukrainiens, mais aussi aux citoyens russes et biélorusses, ce qu’est la solidarité des peuples d’Europe ! Nous appelons l’Union européenne à faire ce qu’elle a fait sans sourciller avec l’île de Chypre, en l’admettant comme un pays membre.

Avec la Russie et la Biélorussie, l’Union européenne veillera à ce que cet élargissement à l’Ukraine ne soit pas une déchirure définitive et qu’elle permette à terme aux peuples russes et aux peuples biélorusses de développer un sentiment commun d’appartenance à une même Europe continentale. Il faudra veiller ainsi aux mécanismes et arrangements nécessaires pour que cette adhésion permette aussi les échanges entre les biens et les hommes des voisins de l’est.

Ce que nous demandons est faisable. L’Allemagne de l’Est rejoignit l’Union européenne en un an, grâce au grand homme d’État que fut Helmut Kohl !
Cet appel de Kiev s’adresse donc aux Institutions européennes, à la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, au président du Conseil européen Charles Michel, à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, à la présidente du Comité économique et social européen Christa Schweng, au président du Comité européen des régions, Apostolos Tzitzikostas, mais aussi à tous les chefs d’État et de gouvernement de l’UE et notamment Emmanuel Macron, dont le pays, la France, préside actuellement le Conseil de l’Union européenne.

Certains États membres de l’Union ont déjà pris des décisions courageuses. L’Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la République tchèque, la France et la Pologne ont décidé de fournir du matériel civil et militaire à l’Ukraine tandis que le Danemark, les Pays-Bas, l’Espagne se sont engagés à renforcer la présence militaire dans la région ; la France se prépare à faire de même en Roumanie.

Si tout cela va dans la bonne direction, celle d’un renforcement de la dissuasion, cela risque cependant de ne pas être suffisant pour assurer la stabilité de l’Ukraine à court et moyen termes. C’est une chance historique pour le président Emmanuel Macron qui assure la présidence du conseil de l’Union européenne de faire de cette dernière un véritable acteur stratégique dans cette crise. Puisqu’en 2015 l’Union européenne a reconnu « les aspirations européennes de l’Ukraine » et s’est félicitée « de son choix européen », le moment est venu de lui donner une réelle perspective d’intégration en ouvrant immédiatement les négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne.


article publié également dans la Tribune de Genève

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