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On ne l’a pas remarqué, ou si peu, dans le flux des informations liées notamment aux événements en Ukraine et à ce qui s’y rattache, mais une nouvelle est venue, trop discrètement, prouver que pendant les grandes manœuvres du premier plan, dans les coulisses la gestation de l’Europe se poursuit et se renforce. En effet, la Bulgarie vient d’annoncer qu’elle adoptait officiellement l’euro comme sa devise nationale, au détriment du lev (« le lion »), qui avait cours depuis 1881.
En soi cette décision n’est pas simplement anecdotique : certes, l’arrivée de ce 21e pays dans la famille de l’euro, trois ans après la Croatie, ne bouleversera pas les rapports de force mondiaux ; néanmoins, cette adhésion enthousiaste d’un pays de 6,5 millions d’habitants, pratiquement la taille des Hauts de France, mais qui est aussi le plus pauvre de la famille communautaire, illustre bien les avantages offerts par l’adhésion à un groupe monétaire solide et à une devise de plus en plus appréciée sur les marchés mondiaux, où elle tient la seconde place derrière le dollar, qui depuis des lustres n’est plus convertible en or et qui est de plus en plus contesté à mesure des coups d’éclat de l’actuel occupant de la Maison Blanche.
L’adhésion à la monnaie européenne suppose des réformes en profondeur et un assainissement de l’économie du pays candidat : ce fut pour Sofia comme jadis pour Athènes un véritable chemin de croix, le pays passant pour être le plus pauvre toutes proportions gardées dans la famille bruxelloise. Mais l’effort soutenu des dirigeants, le zèle des administrations spécialisées et l’enthousiasme des entreprises et de l’opinion publique devant semblable opportunité sont un événement pour les citoyens et les décideurs, publics autant qu’entrepreneuriaux, de ce pays discret et qui, comme ses comparses de l’ancien Comecon, cherche toutes les opportunités pour se détacher un peu plus encore de l’influence russe, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’a pas laissé que de bons souvenirs !
La devise européenne grignote ainsi, année après année, des adeptes nouveaux et des arguments supplémentaires pour mieux asseoir son rayonnement. Y adhérer suppose une économie en bon état de marche, des finances publiques saines et clairement gérées, une réelle transparence dans les transactions et plus encore dans les réglementations. Il ne suffit pas d’être candidat pour être accepté, mais, comme toujours en matière d’institutions européennes, l’adhésion est le fruit d’une rencontre et le point de départ d’un renouveau, d’une pratique plus encadrée mais pas pour autant enserrée dans des réglementations corsetant le dynamisme. Il est même possible d’adopter l’euro sans être pays membre de l’Union, comme le montre le Kosovo, au statut encore balbutiant et qui, précédemment, utilisait le mark allemand. Aujourd’hui, il utilise la devise de l’Union sans être, pour le moment du moins, membre du système ni pays adhérent.
Il reste certes encore des pas à franchir pour rassembler la totalité des Vingt sept pays membres, et éventuellement d’autres candidats apparentés : ce sera délicat au Danemark et en Suède où des référendums ont conduit à rejeter cette éventualité il y a maintenant une quinzaine d’années, mais entretemps les données ont changé et la crédibilité évidente de la devise nouvelle est de nature à récuser bien des réticences. Et il reste quelques « gros » candidats potentiels au premier rang desquels la Pologne, dont on sait que l’équilibre politique reste aléatoire entre pro-européens et eurosceptiques regroupés autour du PIS et du Président de la République nouvellement élu. Le temps et le réalisme finiront bien par convaincre plus sûrement que les grands débats. L’euro n’est pas une carte de visite, il est une carte d’identité. Et de ce point de vue, les réticences s’estompent avec l’usage. Et puis, comme le dit si bien l’adage populaire, Rome, ville sainte des Traités, n’a pas été construite en un jour…
Merci Philippe. Tu as bien raison de mettre en valeur l’entrée de la Bulgarie dans la zone Euro, rare bonne nouvelle hélas dans un contexte géopolitique bien chaotique, qui soumet le projet européen à de fortes tensions
Merci Philippe pour cet article. Passionné par l’euro depuis sa genèse à travers mes fonctions passées de Directeur à la Banque de France, j’anime régulièrement des interventions pour expliquer le bilan et les perspectives de l’euro numérique. Mais la pédagogie en la matière demeure insuffisante car j’observe, lors de mes voyages à l’Est comme cet été en Pologne les réticences d’une grande partie de la population, liées à la crainte de dérapage des prix lors du passage à l’euro. Les faits passés sont au contraire rassurants et l’euro permet aussi une formidable baisse du coût du crédit pour tous que l’on peut mesurer concrètement 🙂