Emmanuel Morucci

Réflexions autour de propos de Robert Schuman

À l’approche de l’échéance du 9 mai relire les analyses et intuitions de Robert Schuman est essentiel afin de saisir le projet européen dans ses valeurs et préceptes fondamentaux. Certes elles ont été écrites dans le contexte des années 50 et 60. Mais chacun en conviendra, elles restent d’une impressionnante actualité.

Contrairement aux progressistes qui le déclarent, les idées avancées et mises en œuvre par les pères de l’Europe ne sont pas dépassées. Elles sont même d’une brulante actualité. Certes si le monde a changé, si les évolutions technologiques, économiques, sociales ont transformé nos sociétés, se poser la question de l’Europe oblige à se pencher sur les préceptes fondamentaux et sur les complexités toujours plus importantes qui interagissent sur notre planète.

C’est autour de valeurs fondamentales que les pères de L’Europe, ceux qui ont posé la première pierre de l’édifice européen, se sont concentrés. La Paix en est sans doute la principale. Au lendemain de la guerre ils voulaient construire ensemble l’Europe de demain. Le message était puissant : « Nous tendons la main à nos ennemis d’hier, non simplement pour pardonner, mais pour construire l’Europe de demain ». Alors que le 9 mai 1950 Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, dans son discours du fameux Salon de l’Horloge a posé les bases du projet européen, validé par les responsables politiques d’au moins six pays dont l’Allemagne, le 9 mai deviendra un symbole fort de l’unité européenne. À cette époque Schuman énonce les raisons du vouloir vivre ensemble. De même, Il précise la méthode, tellement juste et toujours valable aujourd’hui : «  L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de faits ». Une grande stratégie à « petits pas » en quelque sorte. dira Jean Monnet.

La solidarité, autre valeur fondamentale du projet européen, affirme la direction communautaire voulue. Elle est efficace « si l’on ne s’en éloigne pas ». Des crises récentes ont démontré que sans solidarité les européens ne pouvaient aboutir ni individuellement ni collectivement : crises financières, Covid, guerre en Ukraine, etc. en sont quelques exemples. Des paramètres nouveaux apparaissent qui obligent à adapter méthode et action institutionnelle.

Le très regretté Jacques Delors écrivait dans la préface d’une des nombreuses rééditions de Pour l’Europe, seul livre produit par Robert Schuman : « ces écrits frappent par une combinaison, rare chez un responsable politique, entre la profondeur de l’idéal et la lucidité du regard. En témoignent, entre autres, les analyses sur nos partenaires ou encore les inquiétudes exprimées quant à la vitalité de nos démocraties ». Au moment où démarre la campagne des européennes et lorsque l’on voit les intentions de vote anti dans de nombreux pays on ne peut s’empêcher de craindre pour nos démocraties.

À la suite de Jacques Delors rappelons que l’Europe de Robert Schuman est celle de « la diversité de ses qualités et de ses aspirations ». Sans oublier et c’est très important « la responsabilité des choix personnels ».

Comme les principaux fondateurs de l’Europe, Schuman était politiquement un démocrate chrétien et philosophiquement un personnaliste. Il était marqué par la pensée d’un Jacques Maritain. Il était en premier lieu un homme particulièrement fidèle à sa foi. Cela explique son engagement politique mais plus encore il agissait dans sa vie personnelle et publique en gardant à l’esprit les principes de l’Évangile. En ce sens on peut penser qu’il s’est inspiré de la doctrine sociale de l’Église.

il affirme le sentiment « d’avoir eu le redoutable privilège de participer activement à la vie publique de mon pays. À une époque particulièrement troublée de son histoire, et à la lourde responsabilité d’orienter pendant plusieurs années sa politique étrangère ». Jamais il ne cherche la facilité. À ce sujet, parlant d’Europe il répétera sans cesse : « L’Europe ne se fera pas en un jour et sans heurts, rien de durable ne s’accomplit dans la facilité ». Un peu plus de 70 ans après la CECA, l’UE non encore achevée est en marche.
Aujourd’hui les enquêtes l’affirment l’idée européenne répond à une aspiration profonde des peuples. À condition bien sûr qu’ils se l’approprient et portent l’esprit de solidarité. Ce dernier a pris racine avec Robert Schuman. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Les nationalismes refont surface, l’histoire nous rappelle vers quoi ces aventures ont amené L’Europe et le monde il y a seulement 8 décennies. Là encore Schuman nous guide : « la vague des nationalismes ne pourra être conjurée que par une politique constructive et collective, dans laquelle chacun trouvera son compte, grâce à une solidarité effective d’intérêts et des efforts. Nous aurons à faire la preuve, pour tout homme de bonne foi, que les intérêts ainsi combinés ne sont pas irréconciliables comme le sont, par contre, les nationalismes qui se juxtaposent et s’opposent. Les intérêts sont, il est vrai, interdépendants et ne pourront trouver satisfaction que par la mise en commun de toutes les ressources ».

Parlant de patriotisme : « nous ne sommes, nous ne serons jamais des négateurs de la patrie, oublieux des devoirs que nous avons envers elle. Mais au dessus de chaque patrie nous reconnaissons de plus en plus distinctement l’existence d’un bien commun, supérieur à l’intérêt national, ce bien commun dans lequel se fondent et se confondent les intérêts individuels de nos pays ». Autrement dit nous pouvons être parfaitement patriotes et aimer une union européenne aux compétences supranationales.

Ici, la loi de la solidarité des peuples s’impose à la conscience contemporaine : « nous nous sentons solidaires les uns des autres dans la préservation de la paix, dans la défense contre l’agression, dans la lutte contre la misère, dans le respect des traités, dans la sauvegarde, de la justice et de la dignité humaine ».

Voilà des propos qui devraient éclairer une réflexion et une analyse pour tous ceux, qui comme moi, voteront le 9 juin prochain.

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Hommage à Jacques Delors

Hommage à Jacques Delors

Jacques Delors nous a quittés. Il était de ceux qui ont marqué la construction européenne. On peut parler de lui comme d’un bâtisseur. Président de la Commission, il portait à bout de bras le projet de Maastricht, celui de la citoyenneté européenne et de la démocratie, de l’euro, d’Erasmus ou encore de l’Acte unique et du grand marché sans frontières. C’est par lui que la CEE est devenue UE.

Ses idées, sa force de persuasion, il les trouvait dans ses engagements et particulièrement dans ce personnalisme politique porté par Emmanuel Mounier. Certes il était socialiste mais pas que. L’appareil politique lui importait peu : « La politique est en tout mais elle n’est pas tout » aimait-il rappeler. Il parlait de sa double appartenance démocrate chrétienne et démocrate sociale, les deux courants fondateurs de l’UE. Le sens qu’il donnait à la vie politique portait l’empreinte de sa foi chrétienne, le socle d’un christianisme social fondé sur l’Évangile, qu’il vivait en toute discrétion : « Il n’y a rien de plus humain que la religion catholique. Le christianisme ne met pas de côté les fautes, les erreurs, les difficultés de l’homme… J’y retrouve toute la condition humaine. »

C’est par lui que l’on a commencé à réfléchir à la dimension éthique de la construction européenne : « L’Europe en quête de sens », en cherchant ce « supplément d’âme » qu’il savait nécessaire à l’Union européenne.

Son personnalisme, dont il est, sans doute et malheureusement, un des derniers géants politiques, il le fondait sur la responsabilité. « Le personnalisme est le rapport constant entre soi-même et autrui ». L’altérité sonnait chez Delors comme un leitmotiv. Cette capacité qu’a l’homme à faire, non pas seul mais dans une relation avec son environnement. « Le personnalisme est le contraire de l’individualisme exacerbé » disait-il. Il se déclarait devenir de plus en plus personnaliste.

Son ambition a toujours été de faire grandir le projet européen en préservant celui de la France et de chaque État membre. Son projet, inscrit dans ses convictions, était le bien commun et sa recherche permanente. Il ne parlait pas seulement d’intérêt général ; c’était bien au-delà. C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’il avait instauré le programme européen de formation tout au long de la vie.

Jacques Delors était de la veine des Pères fondateurs, un successeur de Schuman et des autres, un visionnaire, capable de penser une Europe se situant entre fédéralisme et Europe des États. Il n’a jamais oublié qu’au cœur du projet européen étaient les femmes et les hommes, les Européens. Toujours à œuvrer pour les rapprocher. Nous devons nous en souvenir.

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30 ans après Maastricht

30 ans après Maastricht

Trente ans après l’entrée en vigueur du traité de Maastricht l’Union européenne, qui passait d’une dimension purement économique à politique, se trouve à la croisée des chemins.
Pourtant les réalisations sont nombreuses et dans des domaines qui donnent à l’UE les ingrédients d’une puissance mondiale. La paix maintenue pour les pays signataires est sans doute le plus beau succès. On en prend la mesure lorsque l’on voit les tentations belliqueuses qui émergent ici et là sur la planète. L’ouverture des frontières en est une autre. La liberté de circuler, la possibilité de voter aux élections européennes et communales, d’être représentés à l’étranger, la monnaie unique qui définit à la fois le citoyen en tant que tel et l’Union. L’émergence d’une culture commune aux citoyens que nous sommes, bien réelle mais peu partagée car non expliquée et donc non consciente. Pourtant les ingrédients qui la composent sont bien présents et réels.

Il reste toutefois à l’UE des équations nombreuses et complexes à résoudre. Les principales sont d’ordre politique. Au plus proche de nous, elle concerne la citoyenneté commune et ce qui touche à la subsidiarité. Au plus large, les enjeux sont lourds et nécessitent une grande cohésion et la capacité à parler d’une seule voix, sans discordance. L’UE est confrontée au retour des guerres, au terrorisme, aux compétitions internationales et à l’émergence d’un bloc nouveau formé par l’élargissement de ce que l’on appelait, il y a peu, les Brics. Il faudra leur trouver une nouvelle appellation.

Et ce n’est pas tout. Ce tout concerne l’humanité. C’est presque une liste à la Prévert tant les sujets et les causes sont nombreux et nécessitent d’en saisir les complexités. La présidente du Parlement européen, la Maltaise Roberta Metsola, en a remarquablement parlé lors de son discours à la Sorbonne. Je veux parler de l’élargissement de l’UE, l’équilibre entre nord et sud, des chocs entre démocraties, dictatures et États autoritaires, de belligérance, le réchauffement climatique et crises environnementales, celles qui concernent les besoins grandissants en énergies, de l’accès et de la répartition à l’eau mais aussi la recherche fondamentale, l’espace et les océans, les politiques migratoires, de faits religieux, etc. La liste est loin d’être exhaustive et la politique étrangère commune (incluse dans le Traité) encore trop peu visible au regard du citoyen.

Quelques frilosités entre Français et Allemands ?

La période est marquée en interne par une difficulté relationnelle entre les deux pays sans lesquels toute paix durable et projets d’envergure n’auraient pu tenir. Je veux parler de la relation franco-allemande. Question de points de vue sûrement, mais elle est importante tant elle engendre des micro tensions. La relation entre les deux dirigeants Olaf Scholz et Emmanuel Macron est pourtant bonne, et ensemble ils trouvent sinon des compromis tout au moins une stratégie finale commune. Mais au-delà des deux pays, d’autres peuvent avoir sur certaines problématiques le sentiment d’être mis à l’écart. D’où des réactions.

La réforme de l’Union européenne anime le débat. Celle-ci doit précéder tout nouvel élargissement. Et il faut aller vite car le Conseil européen doit apporter réponse en décembre et c’est lui, en tant qu’assemblée des Chefs d’État et de gouvernement qui donne le la. Mais déjà Berlin et Paris ont mandaté leurs experts qui devraient rendre leurs rapports en septembre prochain.

On se doute qu’en termes d’élargissement l’Ukraine et la Moldavie ont l’oreille collée à la porte. Mais pour Paris, peu de choses peuvent se passer en ce domaine pour l’Ukraine tant que le conflit avec l’agresseur russe perdure. Tout de même, la présidente de la Commission Ursula von der Layen s’est déplacée ce 4 novembre à Kiev pour en cerner les contours avec le président Zelensky.

C’est une pierre d’achoppement dans les relations franco-allemandes. Ici les avis sont partagés et peuvent diverger avec les habitudes européennes. Les Allemands aimeraient voir l’Ukraine entrer rapidement et avant 2030, tandis que la France souhaite patienter jusqu’à la fin du conflit, d’autant que les conditions socio-économiques ne sont pas au rendez-vous. L’Ukraine est un grand pays avec un taux de pauvreté important. Mais au moins, Allemands et Français se parlent et échangent. Le COREPER, le Comité des Représentants permanents, issu de Maastricht et au sujet duquel on parle peu, est à l’œuvre.

Les enjeux des élections européennes

Le CECI proposera un débat en février sur les enjeux des élections européennes à partir de points de vue franco-allemands. Ces thématiques seront à l’ordre du jour des élections européennes qui auront lieu du 6 au 9 juin. Et il convient d’en parler car les citoyens doivent se positionner sur l’avenir de l’Union. C’est au moment de désigner leurs représentants qu’ils peuvent orienter les politiques européennes tant à l’interne qu’en matière de politiques internationales et étrangères. Les enjeux sont colossaux pour les pays membres. Car une question se pose : concernent-ils également des questions sociétales ? L’Europe a‑t-elle vocation a s’occuper de tout ? Non, car l’un n’est pas un État et le traité instaure le principe de subsidiarité. Mais pour autant la ministre allemande des affaires étrangères, l’écologiste Annalena Baerbock veut, dans une interview donnée au journal l’Opinion, sanctionner les pays qui « violent » les valeurs de l’UE inscrites à l’article 2 du Traité. « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités ». Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes. Certes, mais quelle interprétation veut-elle en faire ?

D’un point de vue plus global on peut prendre en compte ce que propose la ministre allemande des Affaires étrangères en matière de réforme des institutions de l’UE. Sa vision est géopolitique, dit-elle. Son idée est d’entamer rapidement des discussions intergouvernementales sur la réforme de l’UE avec une accélération de la procédure d’adhésion de l’Ukraine et de la Moldavie, voire de certains pays des Balkans. Seul moyen selon elle de bloquer la situation vis-à-vis de la Russie. Ces adhésions auront un effet mécanique.
La ministre allemande envisage également une réduction du nombre de parlementaires, voire même de commissaires. Y compris pour son propre pays ?

Pas certain que nos amis allemands voient les choses de la même manière.
Du côté français, la proposition, si elle est entendable, est difficile à mettre en œuvre.
À moins d’évoquer une commission aux membres tournants ? De dire qui sont les pays qui ont droit à un commissaire et les autres ? De changer de paradigme et d’envisager une intégration plus forte et une gouvernance plus fédérale ? Voilà des questions ouvertes pour le débat.

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Erasmus Days 2023

Invité du Lycée La Croix Rouge La salle à Brest dans le cadre des Erasmus Days, Emmanuel MORUCCI, président du Cercle Europe Citoyennetés et identités – CECI et conférencier pour la Commission européenne (TeamEuropeDirect) est intervenu le 12 octobre devant les élèves des classes de première spécialité HGGSP.

Les institutions de l’UE, leur fonctionnement et les enjeux des élections européennes étaient au programme de la conférence.  Emmanuel Morucci est également revenu sur la figure de Didier Erasme de Rotterdam (1466−1536). Il a donné non nom au programme plébiscité par les jeunes européens mais dont ne sait généralement que peu de choses sur l’homme et son œuvre. Il a pris une part sans précèdent dans l’élaboration d’une culture européenne.

En cette Année Européenne des Compétences, il est essentiel de célébrer la diversité culturelle de l’Europe et de reconnaître les nombreuses opportunités d’apprentissage qu’elle offre. Les #ErasmusDays sont un excellent moyen de promouvoir cette richesse et les réussites du programme Erasmus+ qui permet aux participants de découvrir de nouvelles cultures, de renforcer leurs compétences linguistiques et interculturelles, de développer leur employabilité et de s’inscrire dans les valeurs européennes de tolérance, de respect et de diversité.

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L’Europe choisit sa voie

Pour la quatrième fois, la présidente de la Commission européenne madame Ursula von der Leyen a prononcé le Discours sur l’état de l’Union – traduisez SOTEU en anglais. C’est désormais un rendez vous incontournable pour qui s’intéresse à la politique européenne et de ses États membres. L’exercice est cette année particulier car le chemin tracé par la présidente de la Commission intervient à quelques mois des élections européennes qui se dérouleront du 6 au 9 juin. Ursula Van der Leyen dresse une sorte d’évaluation des quatre ans de sa présidence marquée par des crises successives : Covid, Brexit, guerre de la Russie contre l’Ukraine, énergie, inflation et difficultés sociales, … un bilan de l’action de la Commission européenne certes, mais aussi un panel d’orientations pour l’Europe dans le monde complexe qui est le nôtre.

Elle souligne la position géostratégique naissante et affirmée de l’UE : « Regardez où en est l’Europe aujourd’hui. Nous avons assisté à la naissance d’une Union géopolitique – en soutenant l’Ukraine, en s’opposant à l’agression de la Russie, en répondant à l’affirmation de la Chine et en investissant dans des partenariats. »

Ce faisant elle introduit le débat sur les exigences de notre époque auxquelles doit répondre l’UE, en son sein et dans ses actions et relations avec le reste du monde. Les dossiers sont lourds et prégnants : politique migratoire, soutien à l’Ukraine, questions écologiques et environnementales, réchauffement climatique, relations avec les territoires, économie, transition numérique. Pas loin de dix dossiers phares dont l’intelligence artificielle, les défis numériques, le spatial. Reprenons ici quelques éléments de son intervention.

Parlant d’intelligence artificielle elle affirme, je cite : « L’Europe doit ouvrir la voie à un nouveau cadre mondial pour l’IA, reposant sur trois piliers : les garde-fous, une gouvernance et l’orientation de l’innovation ». Un thème qui nous concerne tous et bouleverse notre vie à des degrés divers : citoyens, médias, industrie, santé, éducation, et autres.

Le Pacte Vert (Green deal) est un peu son bébé, elle lance ce projet central dès son arrivée à la Présidence. Ici encore le défi est grand et pas facilement acceptable par le plus grand nombre. On se souvient du débat au Parlement européen qui avait failli tordre le cou au texte principal du Pacte, la loi sur la restauration de la nature (voir mon article de juillet 23).
Il s’agissait de donner sa place à une nature souvent mise à mal par des pratiques agricoles et industrielles, une artificialisation des sols, une urbanisation toujours plus gourmande en terres et en nature.
Avec le Pacte vert, porté avec force par la Commission, c’est une feuille de route environnementale pour l’Union européenne et un signal pour le reste du monde. Il a du sens et est d’autant mieux admis que cette année les épisodes caniculaires ont été spectaculaires, désastreux dans beaucoup de régions européennes et ailleurs. La transition écologique est donc une urgente nécessité. Sur le sujet : « Nous restons ambitieux. Nous nous en tenons à notre stratégie de croissance. Et nous nous efforcerons toujours d’assurer une transition juste et équitable ». Et d’annoncer dans la foulée un ensemble de mesures en faveur de l’énergie éolienne.

Un temps fort du discours est l’annonce de mesures contre les pratiques anticoncurrentielles de la Chine dans de nombreux secteurs. Cela peut « friter ». La présidente affirme vouloir lancer « une enquête anti-subventions sur les véhicules électriques en provenance de Chine ». Et d’ajouter :  « Les marchés mondiaux sont désormais inondés de voitures électriques chinoises moins chères. Et leur prix est maintenu artificiellement bas par d’énormes subventions publiques. Cela fausse notre marché ».

L’élargissement est un chemin que veut emprunter l’UE. « L’Europe des 30 est en marche » était le titre d’un ouvrage publié en 2007 par Philippe Deloire. La prospective d’alors se précise. Ursula von der Leyen semble faire le choix d’une Europe élargie et approfondie. L’Ukraine est l’invitée de cet élargissement lorsque le conflit avec la Russie sera terminé. Mais au-delà du message d’espoir que veut lui lancer la Commission il convient de constater les progrès effectués par ce pays en vue de rejoindre les Vingt-Sept :  « Le futur de l’Ukraine est dans notre Union… tout comme celui des Balkans occidentaux et de la Moldavie ». Mme Leyen se projette dans une Europe à 30 voire à 35 : « Dans un monde où la taille et le poids comptent, il est clairement dans l’intérêt stratégique et sécuritaire de l’Europe de compléter notre Union ». La théorie du « nombre critique « d’habitants en quelque sorte.

Mais elle est consciente de la difficulté de l’entreprise et confirme quelques instants plus tard que ces élargissements poseront des problèmes de gouvernance… elle devra sans doute évoluer. Élargir ou approfondir ? pour elle la réponse est claire : « Nous pouvons faire les deux ». La question est corrélée à celle des migrations et l’accueil des réfugiés que les peuples n’admettent que difficilement : « Chaque jour, nous constatons que les conflits, le changement climatique et l’instabilité poussent les gens à chercher refuge ailleurs ». D’une grande complexité le sujet sera long à résoudre et pourra influencer le vote des citoyens lors des élections européennes.
Elle est convaincue de pouvoir avancer sur ce dossier épineux : « J’ai toujours eu la ferme conviction que les migrations doivent être gérées ». L’humain et les valeurs fondatrices de l’UE sont ici convoquées.

Pour conclure, un discours sur l’état de l’Union que j’ai trouvé fluide et adapté à un public large. Le citoyen européen doit se sentir concerné car informé. Certes les canaux de l’information ne sont sans doute pas tous ouverts mais les médias ont fait leur job. La question centrale est l’intérêt que l’on porte ou pas à la chose européenne, notamment à l’approche des élections des parlementaires représentant les peuples. Il ne faudra pas se tromper, car comme l’affirme Ursula von der Leyen « l’avenir du continent dépend des choix que nous faisons aujourd’hui ».

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Robert Schuman : catholique, personnaliste et européen

En ce 4 septembre est célébré le 60e anniversaire de la mort de Robert Schuman. Si on le connaît comme l’auteur de la déclaration du 9 mai 1950, comme Père de l’Europe, l’homme était d’une grande simplicité, humilité et porteur d’identités multiples. Né au Luxembourg mais allemand de naissance par sa mère et doublement après l’annexion de la Lorraine. C’est donc en Mosellan qu’il entre en politique et au gouvernement en 1940. Il occupera de nombreuses fonctions dans des gouvernements successifs jusqu’à installer son image et sa voix dans les années 50.

Un homme de foi

Ce que l’on sait moins de l’homme, car souvent occultée, c’est son implication dans la foi catholique. Pratiquant tenace (il allait à la messe tous les jours), il était ancré dans la prière et oblat d’un monastère bénédictin. Il agit en chrétien engagé s’appuyant sur l’Évangile et, entre autres textes, sur la doctrine sociale de l’Église.
Il place impérativement la personne au centre de tout projet politique. Sa vision, son espérance de l’Europe étaient humanistes. S’il parlait en plein conflit de la nécessaire réconciliation franco-allemande, dans son discours prenait place les identités et appartenances «  En tant que chrétien et en tant que citoyen, notre devoir est de construire une Europe de la paix ».
On peut affirmer sans risque de se tromper que Schuman est un modèle de « politique chrétienne ». Il avait cette profondeur de réflexion, cette volonté de construire concrètement ce qui deviendra plus tard l’Union européenne.
Un ensemble de vie qui fera de Robert Schuman un Vénérable de l’Église catholique lorsque le pape François autorise l’ouverture d’un procès en canonisation en 2021. À Bruxelles, en ce 4 septembre est célébrée une messe à sa mémoire par la Commission des Évêques de l’Union européenne, la COMECE.

Un personnaliste

Membre du MRP, son inscription philosophique est en cohérence avec ses convictions religieuses et politiques. Il puise sa ressource chez des auteurs comme Jacques Maritain ou encore Emmanuel Mounier. Au niveau international il se retrouve en accord avec des personnalités internationales comme un Giorgio La Pira, le maire de Florence. Avec et comme eux, Schuman place la personne au cœur du projet politique. Il s’interroge sur deux concepts qui font débat chez les intellectuels de l’époque : la domination et la liberté. Ce qu’il aimerait voir s’installer c’est le libre arbitre de la personne à condition de lui en donner les moyens. C’est dans cet esprit qu’il s’appuie sur le principe personnaliste de gouvernement d’Emmanuel Mounier qui porte une vision éthique de la personne. La personne est opposée à l’individu égoïste et isolé. C’est l’esprit voulu pour les Européens par Schuman dans son livre « Pour l’Europe ». C’est ainsi que le concept de subsidiarité trouve peu à peu sa place dans le vocabulaire politique européen validé plus tard par le Traité de Maastricht.

Un européen convaincu

C’est en Européen convaincu, en apôtre de la paix, qu’il pense à la construction européenne dès la fin de la seconde guerre mondiale. Cela passera par la réconciliation entre les ennemis d’hier, la France et l’Allemagne. L’idée n’est pas nouvelle chez lui lorsque en 1950, il prononce son discours décisif dans le salon de l’horloge au Ministère des Affaires étrangères.
Avec Monnet il lui donne ce caractère original dans le monde de l’époque, validé par les pays fondateurs des Communautés européennes. Ce sera la CECA puis la CEE. La citoyenneté est déjà inscrite dans ses écrits et propos même si elle n’est, à ce moment là, pas encore une réalité. S’il admet avoir dû commencer par l’économie, il sait, parce que visionnaire, que l’Europe va progresser.
Pas d’un seul coup, pas dans une réalisation d’ensemble avec des crises successives qui lui permettront d’évoluer. Il ne voit pas l’Europe comme un État. Ce n’est pas sa vocation dira-t-il.
Pourtant 60 années après sa disparition, avec le retour de la guerre sur le continent et les complexités de notre monde, beaucoup se posent la question.

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Restauration de la nature : le Parlement européen dit OUI

À l’annonce des résultats les applaudissements ont fusé dans l’hémicycle ce 12 juillet. Les eurodéputés viennent d’adopter un texte clé du Green deal européen ou Pacte vert pour l’Europe proposé par la Commission européenne. Il s’agit, selon la Commission, « d’une série de propositions visant à adapter les politiques de l’UE en matière de climat, d’énergie, de transport et de fiscalité en vue de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990 ».

Ce que le parlement a voté (et seulement cela) est la loi commune sur la restauration de la nature, la renaturation pour être précis de lieux dégradés par la main de l’homme et bien souvent pollués. Il s’agit d’un processus par lesquels les espèces vivantes « recolonisent » spontanément un milieu ayant subi des perturbations écologiques.

“La terre et la mer à sauver », voici ce qui était en jeu lors du vote de Strasbourg. C’est en tout cas ce qu’annonçait ce mardi le quotidien italien La Repubblica. Même sensiblement édulcoré des critères initiaux, le texte est d’importance et traduit aussi, au delà des fondamentaux environnementaux, la volonté des parlementaires européens de se faire entendre fortement et concrètement à un an des élections européennes.

Il faut le dire le texte n’est pas anodin et oblige États membres et territoires à la restauration d’au moins « 20 % des zones terrestres et marines dégradées à l’horizon 2030, et 100 % avant 2050”.
C’est un texte fort que la Commission et le Conseil portent depuis plusieurs mois. Il est l’expression d’un constat : celui que notre biodiversité est non seulement en danger mais en voie de disparition. Le texte de loi est désormais très clairement institué comme le symbole de la politique environnementale de l’Union européenne.

Au décompte des votes, le texte est adopté avec 336 voix pour. 300 euro-députés ont voté contre et 13 se sont abstenus. À noter, et cela n’est politiquement pas anodin, qu’une motion de rejet du texte proposée par les conservateurs du PPE a été écartée mais à une courte majorité. Cela a du sens et a sauvé le texte. Une victoire indéniable pour les camps institutionnels et pro-environnementaux qui s’inscrit dans la voie et la volonté de la durabilité. Précisons que le poids des scientifiques a également été déterminant tout comme celui des jeunes générations sensibles aux questions qui touchent l’environnement.

Objectif premier : restaurer terres dégradées et espaces marins

Lorsque l’on habite, comme moi, en Bretagne, un territoire urbain-rural et maritime, l’enjeu est connu et donc largement soutenable. Le texte vise en effet à imposer aux États membres des objectifs contraignants de restauration des terres et espaces marins abîmés par la pollution ou l’exploitation intensive, dans la lignée de l’accord de la COP15 à Montréal axé sur la protection de la nature et les moyens de mettre un terme à l’appauvrissement de la biodiversité partout dans le monde.

Ainsi, les Vingt-Sept vont devoir instaurer d’ici 2030 des mesures de restauration sur 20 % des terres et espaces marins à l’échelle de l’UE, puis d’ici 2050 sur l’ensemble des zones qui le nécessitent. Selon la Commission européenne « plus de 80 % des habitats naturels dans l’UE sont dans un état de conservation « mauvais ou médiocre » (tourbières, dunes et prairies tout particulièrement), et jusqu’à 70 % des sols sont en mauvaise santé. Tout cela étant dû aux pollutions successives, à l’urbanisation, les exploitations intensives, etc. ».

Soyons clairs, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur des métiers mais plutôt sur des pratiques. Et avant tout penser à notre propre devenir, à celui des générations à venir. Le commissaire européen à l’environnement, Virginijus Sinkevicius, en convient. Il a rappelé que cette loi sur la restauration de la nature était, je cite, « la première grande loi européenne sur la nature depuis trente ans et un exemple unique au monde ». Il s’appuie sur les analyses et rapports de scientifiques pluridisciplinaires. En effet, ce sont plus de 3000 chercheurs ont expliqué que « les plus grandes menaces pour la sécurité alimentaire étaient le changement climatique et la dégradation de la nature ».

Sur ce point l’Organisation des Nations Unies prend position. Pour elle comme pour les Européens, pour être efficaces, toutes les dispositions sont à prendre à l’échelon planétaire. Le site onusien stipule que « la survie de l’humanité dépend des écosystèmes, tels que les forêts, les zones humides et les cours d’eau. Ils fournissent de l’eau propre, abritent des animaux, comme les abeilles, essentiels à la production alimentaire, et jouent un rôle clé dans la lutte contre la crise climatique ».

À titre d’exemple, précisons qu’en Europe, « l’érosion des sols affecte 12 millions d’hectares de terres, soit environ 7 % de l’ensemble des terres agricoles, et coûte aux agriculteurs 1,25 milliard d’euros par an en perte de productivité » selon les données de la Commission européenne. Des chiffres à méditer et à reporter dans le contexte.

Au delà du politique, un affrontement entre scientifiques et conservateurs

Les experts affirment qu’en plus de protéger la nature, ce chemin ouvert par les institutions européennes, Conseil, Commission et Parlement européen à la suite de l’ONU peut aider les agriculteurs à augmenter leurs rendements et à renforcer la sécurité alimentaire mondiale. L’ONU et la FAO estiment que chaque dollar investi dans la restauration et la gestion durable des terres peut générer jusqu’à 30 dollars d’avantage économique, notamment une augmentation des rendements agricoles, une meilleure disponibilité de l’eau et une réduction de la dégradation des terres. Mais cela nécessite des changement de mentalités et l’émergence d’un nouveau paradigme. Mais n’est ce pas là le but ?

Il en va de même pour le secteur de la pêche et la ressource halieutique. Deux tiers des écosystèmes océaniques sont dégradés ou modifiés et un tiers des populations de poissons marins sont pêchées de manière non durable.

Sans aucun doute, ce vote va laisser des traces dans l’hémicycle de Strasbourg et dans l’opinion. Il peut être vu comme une opposition entre porteurs d’une sensibilité écologiste et ceux qui s’y opposeraient au nom de la rentabilité des productions. Mais ce serait un raccourci trop rapide et marquerait une insuffisance dans la construction d’une pensée tenant compte de toutes les complexités. Une euro-députée française du PPE justifiait son vote, celui de son parti en revendiquant le « pragmatisme de son organisation politique et une approche productiviste ». Elle dénonçait un texte nuisible à la production agricole et à l’activité économique « de toute production économique, industrielle, forestière et agricole en Europe ».

Les élus écologistes quant à eux regrettent une version du texte trop édulcorée. Mais rappelons que les États membres avaient adopté le 20 juin un texte assez similaire à celui voté par le Parlement.

Au final le parlement, représentant les peuples et citoyens de l’Union, a voté pour des objectifs contraignants afin de restaurer des espaces naturels dégradés. C’est un texte important, un des piliers du Pacte vert de l’Union européenne.

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Gestion européenne des frontières

Migrations : l’UE renforce la gestion européenne intégrée des frontières et veut accélérer les retours

La communication relative à la gestion européenne intégrée des frontières est une obligation prévue par le règlement relatif à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. C’est une stratégie globale qui permet une vision commune à l’ensemble des institutions de l’Union et expose les grandes lignes de l’UE aux frontières extérieures.

CPV Portugais, au cours de l’opération de sauvetage Poséidon 2015
© Copyrights Frontex, la modification de l’image interdite

Par ailleurs, Frontex fournit une analyse stratégique des risques prise en compte dans les priorités et les orientations proposées par la Commission pour les cinq prochaines années. Elle recommande d’ailleurs aux États membres une reconnaissance mutuelle des décisions de retour et une accélération des retours.

Le 9 février dernier, le Conseil européen a réaffirmé sa détermination à assurer un contrôle efficace des frontières extérieures terrestres et maritimes de l’Union dans le cadre d’une approche globale en matière de migrations.

Une gestion européenne intégrée des frontières efficace

Le 14 mars dernier, la Commission a établi le premier cycle stratégique d’orientation politique pluriannuel pour la gestion européenne intégrée des frontières. C’est le fruit d’un processus de consultation interinstitutionnelle qui a débouché sur une vision commune de la gestion des frontières extérieures. Elle fournit un cadre coordonné aux autorités nationales ainsi qu’à leur plus de 120 000 agents et à Frontex, qui dirige leur travail quotidien.

Les principales priorités

  • Un contrôle aux frontières, soutenu par une coopération interservices et des systèmes d’information à grande échelle, afin d’améliorer la gouvernance des migrations et la préparation aux crises.La nécessité d’une coordination entre les États du pavillon et les États côtiers, ainsi que la nécessité de développer les meilleures pratiques en matière d’échange d’informations complètes en temps utile constituent des priorités.
  • Un système européen commun en matière de retour : une meilleure coordination entre les autorités nationales et les agences européennes est une composante essentielle aux fins de l’exécution efficace des retours.
  • La coopération avec les pays tiers devrait être intensifiée afin de contribuer au renforcement des capacités opérationnelles de ces pays dans les domaines du contrôle aux frontières, de l’analyse des risques, du retour et de la réadmission, ainsi que de la lutte contre le trafic de migrants.
  • Le plein respect des droits fondamentaux : la protection des frontières de l’Union doit s’effectuer dans le plein respect des droits fondamentaux. Les actions des acteurs de l’Union et des États membres doivent être menées dans le plein respect du droit de l’Union, y compris la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et du droit international.

Renforcer la coopération en matière de reconnaissance mutuelle des retours et accélération des retours

L’UE souhaite un système efficace en matière de retour. C’est pour la Commission un élément central du bon fonctionnement du système de migration et d’asile. Il s’inscrit dans une approche globale exposée dans le nouveau pacte sur la migration et l’asile. Il s’agit aussi de produire un effet dissuasif sur les migrations dangereuses et illégales. L’ambition est de contribuer à prévenir l’exploitation des migrants en démantelant le modèle économique des réseaux criminels de passeurs et en promouvant des voies d’entrée légales sûres.

Quelques éléments constitutifs

  • La reconnaissance mutuelle des décisions de retour : grâce au système d’information Schengen modernisé, qui est entré en service le 7 mars, les États membres peuvent désormais être immédiatement informés de l’adoption, par un autre État membre, d’une décision de retour à l’encontre d’un ressortissant de pays tiers.
  • Des retours plus efficaces : les États membres peuvent établir des liens plus étroits entre les autorités chargées de la gestion de l’asile et des retours.
  • Des incitations au retour volontaire : il est nécessaire de fournir des informations sur le retour à un stade précoce du processus, y compris au cours de la procédure d’asile. Les États membres devraient mettre en place des structures de conseil en matière de retour et de réintégration afin de promouvoir le retour volontaire.

Prochaines étapes

En ce qui concerne la gestion européenne intégrée des frontières, Frontex dispose de six mois pour traduire cette orientation stratégique en une stratégie opérationnelle et technique. Les États membres disposent, quant à eux, de douze mois pour actualiser leur stratégie nationale.
De son côté, la Commission coopérera étroitement avec les États membres afin de les soutenir dans la mise en œuvre opérationnelle de ces mesures. Une évaluation de la politique stratégique pour la gestion européenne intégrée des frontières est prévue dans quatre ans, en vue de définir un nouveau cycle politique pluriannuel en 2027. La Commission procédera également cette année à une évaluation du règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes.

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De la culture européenne commune

La guerre en Ukraine a révélé à nouveau l’Union européenne. Remarquable, le discours du président Zelensky devant le Parlement européen donne une large place à la question des valeurs. Plus de vingt citations. Il affirme que la Russie essaie « d’anéantir non seulement l’Ukraine souveraine », et souligne le « mode de vie européen ». Il voit l’Europe « comme un continent imprégné de principes, de valeurs, d’égalité et d’équité »1. Il soutient ainsi l’existence, d’un modèle social, une culture commune qu’il souhaite partager avec les autres membres de l’UE.

Les cultures liées aux territoires d’appartenance

La culture commune est un peu l’arlésienne de la construction européenne. Tout le monde en parle tout en la cachant sous le boisseau. C’est un thème récurrent pour le CECI qui en fait un phénomène anthropologique et un élément de socialisation. Elle se distingue d’une culture unique car elle maintient et développe les cultures nationales et régionales, réalités objectives et vivantes qui sont avec elle en itération, et que nul ne veut remettre en cause. De plus, postulons que la culture commune n’existe que par la société européenne qui la porte.
Lors du colloque du CECI « Quelles éducation, formation, socialisation pour les citoyens européens »2 le sujet était en toile de fond. Les questions du sens de la construction européenne, de la citoyenneté commune et du sentiment d’appartenance à l’UE étaient posées. Elles avaient fait au préalable l’objet d’un questionnaire en ligne. Les interviewés ont notamment répondu à la question : « Selon vous qu’est ce qui définit la culture européenne ? ». Si l’histoire arrive en tête des citations avec près de 60%, les arts et lettres, les rites et traditions, les symboles sont peu reconnus.
On le voit, si les dirigeants européens semblent avoir intégré avec force de conviction les éléments de la culture commune, qu’en est-il des citoyens pour lesquels l’Europe paraît toujours lointaine ? L’interrogation est centrale car il paraît vain de parler de sentiment d’appartenance à l’UE s’il n’y a pas d’emblée la reconnaissance de la dimension territoriale, de l’existence d’une culture partagée et, de fait, d’une identité européenne.

Les cultures inscrites dans des valeurs

Selon anthropologues et sociologues, une culture est « un ensemble complexe qui englobe les connaissances, les croyances, les arts, la morale, les lois, les coutumes, et tout autre capacité et habitude acquise par l’Homme en tant que membre d’une société ».3 L’UNESCO en donne une définition désormais institutionnalisée : « La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ».4
Pour le Conseil de l’Europe elle s’inscrit dans la promotion des droits de l’homme, de la pratique de la démocratie et la prééminence du droit : « La culture est l’âme de la démocratie ». Elle est le « fondement du vivre ensemble dans le respect et la tolérance mutuels dans un monde de plus en plus complexe ».5 C’est bien cette complexité qui est à prendre en compte. C’est elle qui donne sens au projet européen et sa dimension éthique.
Le sociologue franco-néerlandais Fons Trompenaars affirme qu’une culture est « la manière dont les membres d’une société abordent le risque ». La guerre en Ukraine, exemple tragique, éclaire cette assertion. Le président Zelensky en convient lorsqu’il invoque l’État de droit. En clair c’est notre modèle social européen. L’actualité nous le montre, les Européens ont leur propre manière d’aborder, l’économie, le social, le conflit et la guerre et les relations internationales. C’est culturel, le résultat d’une histoire et d’une inscription dans des valeurs. C’est le paradigme propre à l’UE, notre manière d’être, de faire, de penser, d’agir et de réagir.

Un processus en constante évolution

Cette culture consciente ou inconsciente répond à des critères objectifs, des ingrédients qui en forment la recette. Les travaux du psychosociologue néerlandais Geert Hofstede (1928−2020) induisent qu’une culture est constituée de plusieurs couches formant une structure systémique et intégrée. Il rejoint ainsi Trompenaars pour qui les éléments d’une culture forment un continuum aux dimensions explicites et implicites. Les citoyens y prennent leur part « ce sont des individus qui créent la culture, qui la transmettent, qui la transforment »6.
Une culture n’est pas figée. Elle évolue constamment en fonction des contingences. Mais elle repose sur un ensemble d’éléments constitutifs. Au cœur se trouvent les valeurs et les préceptes fondamentaux. Ils sont issus de notre histoire, de notre passé même lointain et sont transmis par les générations et les événements, par les cultures particulières et locales.
Ainsi la culture se montre à voir par des artefacts (architecture, mode, manière de se nourrir, art, littérature, musique, etc.), de l’histoire, des climats, des héros, des fondateurs, des institutions, des mythes, des rites, des symboles, par la gouvernance, le langage ou la langue, le droit ou encore le fait religieux.

Pour les Européens, les valeurs trouvent leur inscription dans l’antiquité. Athènes, Jérusalem, Rome empire et Rome siège de l’Église en sont à l’origine. Elles ont évolué au fil des siècles : Lumières, Aufklarung, philosophes britanniques, apports des religions et particulièrement du christianisme. Elles fonctionnent en système. Tous les ingrédients constitutifs y sont présents. Arts, histoire, héros. (Charlemagne, Rolland, Churchill, et d’autres), les Pères fondateurs (Schuman, Monnet, De Gasperi, Spaak), le mythe (Europa), les symboles (drapeau, hymne, passeport, euro, 9 mai), les institutions (Commission, parlement, banque centrale,) et une gouvernance (Conseil européen, Conseil de l’Union européenne), un langage sinon une langue, et un rite (la fête de l’Europe).

1 Information du Parlement européen du 9/2/23
2 Quelles éducation, formation et socialisation pour les citoyens européens, approche franco- allemande et intergénérationnelle, Brest-Guipavas le 3 décembre 2022.
3 Définition du britannique Edward Tylor (1832-1917) titulaire de la chaire d'anthropologie d'Oxford
4 Conférence mondiale sur les politiques culturelles Mexico City (26 juillet - 6 août 1982)
5 Sources : Conseil de l’Europe
6 Margaret Mead (1901-1978)
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France – Allemagne : poursuivons la tâche

Le couple franco-allemand, ainsi dénommé en France, est une union forte de deux nations. C’est l’ensemble majeur de la construction européenne depuis plusieurs décennies. Il concerne aujourd’hui une population de plus de 150 millions d’habitants.

Cette année les deux nations fêtent le 60e anniversaire du Traité de l’Élysée. Ce dernier fixe les objectifs d’une coopération entre l’Allemagne et la France dans les domaines des relations internationales, de la défense, de l’éducation et de la jeunesse. Surtout, ce traité entérine la relation de confiance et d’amitié qui s’est instaurée entre ceux que l’on peut qualifier d’anciens « ennemis héréditaires ». C’est cela qui est remarquable et important car réalisé une petite dizaine d’années seulement après le début de la réconciliation. Ne l’oublions pas car c’est le fondement majeur de notre Union européenne telle que nous la connaissons d’aujourd’hui. Elle trouve son essence dans la Déclaration de Robert Schuman du salon de l’Horloge le 9 mai 1950. « En quinze lignes, il proposait tout simplement de supprimer l’opposition séculaire entre la France et l’Allemagne » se souvient Jean Monnet.1

À l’époque, il s’agissait de faire se rencontrer les jeunesses des deux nations afin de rapprocher deux pays, deux peuples, deux cultures, un passé et un passif historique commun. Comme beaucoup j’en ai bénéficié. Ce fut ma première découverte de l’Allemagne.

Au nom de la paix, de la solidarité et de la prospérité cela a fonctionné au fil des ans. C’était une volonté citoyenne et pas seulement une décision de chefs d’État. Même si, on se doit de le souligner, de bonnes relations entre dirigeants des années d’après-guerre ont grandement facilité les choses. C’était aussi une vision de Schuman : «  Au delà des institutions et répondant à une aspiration profonde des des peuples, l’idée européenne, l’esprit de solidarité communautaire, ont pris racine »2. La coopération franco-allemande est de cet esprit.

Elle est la pierre angulaire pour l’avenir de l’Union. Plus que jamais, elle repose sur le succès et de la pérennité de cette coopération exceptionnelle et originale dans le monde. Robert Schuman l’annonce : « Cette idée « Europe » révèlera à tous les bases commune de notre civilisation et créera peu à peu un lien semblable à celui dont naguère se sont forgées les patries. Elle sera la force contre laquelle se briseront tous obstacles ». Il ajoutait que ce ne serait pas toujours simple car disait ‑il « rien de durable ne s’accomplit dans la facilité ». Notre époque le confirme à nouveau.

Au cœur du projet européen qui en découle, la citoyenneté européenne est une réalité pour les deux pays.

Souvent occultée, sinon comprise comme un ensemble de droits – dont la libre circulation des personnes, l’élection au suffrage universel des députés au Parlement européen et l’éligibilité lors des élections locales et européennes – cette citoyenneté commune s’affirme être un moteur pour que Allemands et Français avancent de concert.

Le projet européen repose en grande partie sur la compréhension et l’acception de cet élément de la culture commune des membres de l’Union européenne.

Mais cette citoyenneté est-elle véritablement installée dans les consciences, voire même acceptée ? Si elles ne peuvent se confondre avec la nationalité, ni la citoyenneté commune ni la culture de l’UE ne font l’objet, sauf à de rares exceptions, d’un enseignement ou d’une éducation dans l’un et l’autre pays. C’est pourtant une base essentielle pour que le projet européen puisse se poursuivre avec une plus forte intégration, et à terme peut-être une définition nouvelle de ce que sont l’Union et sa gouvernance.

Le CECI, avec le soutien du Fonds citoyen franco-allemand, les patronages de la Commission européenne et du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, a voulu en 2022 ouvrir la réflexion en organisant en décembre dernier un colloque qui faisait suite à un questionnaire en ligne dans le prolongement de ses travaux lors de la Conférence pour l’Avenir de l’Europe.

Cette consultation s’est déroulée à la fois dans un contexte international et européen bouleversé (Covid, Guerre en Ukraine), et dans la perspective du 60e anniversaire du Traité de l’Élysée. L’analyse a permis de se poser les questions de la formation, de l’éducation et de la socialisation à l’Europe des citoyens de l’Union européenne en prenant spécifiquement le prisme franco-allemand et celui de l’intergénérationnel. Il a donné lieu à des échanges approfondis. Les pratiques comparatives et explicatives ont permis de faire faire émerger des réalités, avec similitudes mais aussi différences. Deux visions de la citoyenneté européenne comme constituant majeur ont ainsi été explicitées lors de ce premier colloque rassemblant des acteurs des deux pays.

2023, année du 60e anniversaire du Traité de l’Élysée, doit permettre d’approfondir les deux questions centrales de cette citoyenneté partagée et l’acceptation de la culture commune. Sans laquelle, les décisions prises au niveau de l’UE aussi bonnes soient-elles ne seront intégrées par les peuples européens.

Cela n’enlève en rien les contenus des cultures nationales. Bien au contraire, il faut les faire connaître. C’est tout l’esprit des relations franco-allemandes de notre temps, au même titre que l’union des pays européens. « L’établissement des relations culturelles que nous développons entre la France et l’Allemagne, entre étudiants, professeurs, scientifiques, syndiqués, etc., marque des progrès exceptionnels » écrit en son temps Schuman. Poursuivons la tâche.

 1 Jean Monnet Repères pour une méthode, propos sur l’Europe à faire, Fayard. 
 2 Robert Schuman, Pour l’Europe, Nagel.
Publié par Emmanuel Morucci dans CECI dit, Emmanuel Morucci, 1 commentaire